A l’approche des élections régionales de décembre 2015, Films en Bretagne s’est adressé aux femmes et aux hommes qui sollicitent actuellement les suffrages des citoyens. Comment considèrent-ils la culture en région ? Quelles sont leurs ambitions en matière d’audiovisuel et de cinéma ? Et leur vision concrète d’un développement décentralisé de ce secteur ?

Aujourd’hui, la rédaction rencontre le vice-président en charge de la culture sortant, Jean-Michel Le Boulanger, candidat, 5ème de la liste morbihannaise de « La Bretagne avec Jean-Yves Le Drian ».

 

Pour rappel : Un questionnaire a été envoyé début octobre aux partis en lice. Lutte Ouvrière et sa tête de liste en Bretagne, Valérie Hamon, n’ont pas souhaité s’exprimer. Le Front National de Gilles Pénelle n’a pas répondu à nos sollicitations. Six entretiens ont été réalisés entre le 5 octobre et le 5 novembre. Les réponses ont été recueillies oralement, synthétisées, puis validées par chaque candidat. Les trois listes qui se sont déclarées plus tardivement, ont été contactées par Films en Bretagne, sont en cours d’entretien ou en attente d’une réponse.

Cette série d’entretiens est publiée dans l’ordre de réponse à nos sollicitations. Une infographie clôturera ce dossier « Régionales 2015 », reprenant de façon synthétique les grands thèmes abordés par chaque candidat.

 

Cet entretien a été réalisé avant les attaques terroristes du 13 novembre 2015.

 

Vice-président en charge de la culture à la Région de 2010 à 2015, Jean-Michel Le Boulanger confie avoir complètement rompu avec la politique jusqu’à ce que Jean-Yves Le Drian le sollicite fin 2009.
Originaire de Guingamp, depuis très longtemps installé à Douarnenez, maître de conférences de Géographie à l’Université de Bretagne-Sud, militant associatif et auteur de livres dont l’essai «Être breton» en 2013, l’homme se dit de gauche, sans appartenance politique partisane mais loyal et reconnaissant envers le parti socialiste qui l’a nommé à la Région il y a cinq ans.

 

– Films en Bretagne : Quelles sont vos ambitions en matière culturelle pour la mandature à venir ?

Vous parlez d’ambitions pour la culture et il s’agit bien de cela. Remettons d’abord les choses dans leur contexte. Depuis 2010, les dotations de l’État aux collectivités territoriales sont en baisse mais la culture fait partie du projet de développement de la Région Bretagne. La conclusion est non-négociable : le budget alloué à la culture doit être au pire, sanctuarisé, et si possible, augmenté.
De plus, l’élaboration des politiques culturelles doit s’effectuer étroitement avec le réseau d’acteurs du territoire. En tant qu’élu, je n’ai pas peur de dire que je ne connais pas tout les ressorts du domaine culturel, audiovisuel. Il est donc logique de co-construire les politiques culturelles avec les principaux concernés.
Ensuite, il n’y a pas de hiérarchie à faire entre les pratiques culturelles. Jouer du violon ce n’est pas mieux – en terme de dignité – que jouer du biniou. Le respect de toutes les pratiques est essentiel aux politiques culturelles.
Enfin, la question des droits culturels me préoccupe particulièrement car c’est un enjeu majeur face à la montée du populisme : élargir le cercle de la démocratisation culturelle, développer les liens entre les lieux de créations et les gens, en un mot, sortir la culture d’un entre-soi, du cercle des « sachants ». 

En ce moment, je pique des coups de sang quand j’entends parler d’œuvres interdites, saccagées, détruites, brûlées. La ligne jaune est franchie. Au-delà de la question des droits culturels, il y a cette notion essentielle de liberté artistique, durement acquise et toujours extrêmement fragile. C’est un combat qui ne concerne pas que les élus…

– Les dispositifs et les fonds d’aides à l’audiovisuel ont été renforcés ces dernières années. Une augmentation est-elle encore envisageable, compte tenu de la raréfaction de l’argent public ?

Oui, un vrai effort a été fait ces années passées avec des augmentations de crédits pour la culture et l’audiovisuel quand le budget de fonctionnement de la Région diminuait. C’est tellement rare qu’il faut le dire. Mais restons mesurés, un budget de 5 millions d’euros consacré à l’audiovisuel, c’est une goutte d’eau dans un budget global de 1,3 milliard. D’autant qu’avec les fonds européens, le budget de la Région Bretagne va atteindre 2 milliards par an. Une nouvelle augmentation des dotations au secteur audiovisuel n’est donc pas impossible dans les années à venir.
Avec les professionnels concernés, nous avons engagé une réflexion pour développer un contrat de filière au titre économique qui viserait à soutenir les entreprises audiovisuelles.
L’audiovisuel est avant-tout une filière artistique, c’est d’abord du sens avant d’être une économie. Les dernières années, nous avons travaillé à la faire émerger. Sur le territoire breton, nous avons fait en sorte que toutes les étapes de la filière soit renforcées, de l’écriture à la production jusqu’à la diffusion. Il faut maintenant que la filière acquière une stabilité financière.
Une chose est sûre, les régions qui investissent actuellement dans la culture auront un positionnement intéressant à l’échelle européenne dans un avenir proche.

– Alors que le Sénat vient de retoquer la proposition de charte sur les langues régionales, quid de la production audiovisuelle en langue de Bretagne ?

Nous pouvons continuer à bâtir des projets qui valorisent les langues régionales sans cette charte.
 Nos générations ont une place clé dans la transmission des langues. Si la volonté des citoyens est de renforcer cette transmission alors donnons-nous les moyens de le faire.
La transmission s’effectue grâce à l’éducation, elle est au cœur de la vie scolaire. Elle doit aussi s’effectuer sur les écrans… Les études indiquent qu’une personne reste en moyenne 3h30 par jour devant un écran.
Mais là-encore, évitons l’entre-soi et privilégions une vision transversale du soutien aux langues. Le nouveau Contrat d’Objectifs et de Moyens propose de valoriser les langues régionales à différents niveaux : création, production, diffusion à la télé et sur le web.

– Le pacte d’avenir et le rapport d’Anne Brucy évoquent la possibilité d’expérimenter une offre audiovisuelle régionalisée par le biais d’une chaîne de pleine exercice. Quel est votre avis sur cette proposition ?

Je pense effectivement que la Bretagne est une région prête à expérimenter une chaîne régionale mais cette expérimentation doit s’inscrire dans un projet plus vaste. Il faut amplifier l’accompagnement d’une offre sur tous les écrans : une télévision via l’ADSL – c’est un projet de France 3 -, le renforcement de la présence de la Bretagne sur France 3 et les télévisions locales, le tout étant renforcé par des propositions sur le Web. Je pense au projet Breizh Créative par exemple. Tout ceci est complexe à mettre en place mais en terme de pratiques, proposer des programmes via différents canaux sera plus efficace. C’est l’objet du COM 2 signé par tous les partenaires concernés qui se traduira, dès janvier, par une évolution notable des grilles… L’ensemble doit servir à renforcer la filière.

– Vous évoquiez cette nécessité de co-construire les politiques avec les acteurs culturels. Pouvez-vous préciser, concrètement, comme cela se traduit dans la réalité ?

En amont, le champs politique souhaite expérimenter et mettre en place des dispositifs. En aval, il vote des budgets. Entre les deux, chacun à apprendre des autres. Si chacun reste à sa place et dans son rôle, élus et professionnels, alors on peut avancer ensemble.
Films en Bretagne est une structure qui fédère large et c’est une chance pour les élus.

Propos recueillis par Pauline Burguin

A venir  les entretiens réalisés auprès de  :

  • Jean-François Gourvenec, tête de liste « Union Populaire Républicaine en Bretagne »
  • Sylvie Larue, tête de liste (pour l’Ille et Vilaine) « L’humain d’abord »
  • Et les éventuels entretiens avec un candidat des plus récentes listes déclarées auprès de la Préfecture de Région : « Notre chance l’indépendance », « Bretagne en luttes ».

 

Lien(s) en relation avec ce sujet

 

Le questionnaire envoyé aux candidats des différentes listes bretonnes pour les élections régionales 2015

 

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Liens vers les entretiens réalisés dans le cadre de cette campagne Régionales 2015 :

  • Jean-Jacques Foucher, tête de liste « Debout la France »
  • Isabelle Le Bal, 3ème (Finistère) sur la liste « Le choix de la Bretagne », Républicains/Modem/UDI/régionalistes
  • Didier Chapellon, 2ème (Ille et Vilaine) sur la liste verte « Une autre voie pour la Bretagne », Europe Ecologie Les Verts, Bretagne Ecologie et des non encartés
  • Christian Troadec, tête de liste « Oui la Bretagne »
  • Jean-Michel Le Boulanger, 5ème (Morbihan) sur la liste « La Bretagne avec Jean-Yves Le Drian », PS et apparentés
  • Jean-François Gourvenec, tête de liste de « l’Union Populaire Républicaine en Bretagne »
  • Sylvie Larue, tête de liste en Ille et Vilaine  « Front de gauche »
  • Bertrand Déléon, tête de liste « Notre chance l’indépendance »