A l’approche des élections régionales de décembre 2015, Films en Bretagne s’est adressé aux femmes et aux hommes qui sollicitent actuellement les suffrages des citoyens. Comment considèrent-ils la culture en région ? Quelles sont leurs ambitions en matière d’audiovisuel et de cinéma ? Et leur vision concrète d’un développement décentralisé de ce secteur ?

Aujourd’hui, la rédaction rencontre Christian Troadec, tête de liste « Oui la Bretagne ».

 

Pour rappel : Un questionnaire a été envoyé début octobre aux partis en lice. Lutte Ouvrière et sa tête de liste en Bretagne, Valérie Hamon, n’ont pas souhaité s’exprimer. Le Front National de Gilles Pénelle n’a pas répondu à nos sollicitations. Six entretiens ont été réalisés entre le 5 octobre et le 5 novembre. Les réponses ont été recueillies oralement, synthétisées, puis validées par chaque candidat. Les trois listes qui se sont déclarées plus tardivement, ont été contactées par Films en Bretagne, sont en cours d’entretien ou en attente d’une réponse.

Cette série d’entretiens sera publiée dans l’ordre de réponse à nos sollicitations. Une infographie clôturera ce dossier « Régionales 2015 », reprenant de façon synthétique les grands thèmes abordés par chaque candidat.

 

Cet entretien a été réalisé avant les attaques terroristes du 13 novembre 2015.

 

Christian Troadec, 49 ans, est né à Carhaix et a vécu sa jeunesse tout près de la capitale du Poher, à Plévin dans les Côtes d’Armor. Il est Licencié d’Histoire de l’Université de Bretagne Occidentale et débute sa carrière en tant que journaliste au Télégramme. Ses voyages l’emmènent dans les pays de l’Est au moment où le régime soviétique s’effondre. « Une belle école de la vie » qu’il aborde dans le film Avoir 20 ans chez les soviets. En 1996, il créé le Poher Hebdo, hebdomadaire du centre Bretagne. Il est aussi co-créateur du festival Les vieilles charrues. En 2001, il est élu maire de Carhaix avec une liste de gauche alternative, puis au Conseil régional de Bretagne en 2004.

 

Christian Troadec est aujourd’hui à la tête d’une formation politique régionaliste « Oui la Bretagne », créée par le Mouvement Bretagne & Progrès et l’Union Démocratique de la Bretagne (UDB).

 

– Films en Bretagne : Que représente la Culture dans votre programme pour les Régionales ?

La culture est ce qui nous guide, nous construit… Culture et identité sont liées, notamment sur des territoires comme celui de la Bretagne. Je parle d’exception culturelle bretonne. Ce qui est fait pour la culture en Bretagne n’est pas forcément applicable ailleurs. Notre région a une histoire, c’est une terre ouverte sur le monde, dynamique. Cette réalité nécessite une politique culturelle ambitieuse et transversale, une politique qui accompagne des acteurs imaginant de nouveaux projets. Réaliser, produire des films, nécessitent de l’exigence et de l’abnégation, du soutien. Le politique n’oriente pas la culture, il créé les espaces et les conditions nécessaires à la liberté et au besoin d’expression des acteurs culturels.

– Avez-vous un projet pour le secteur audiovisuel en Bretagne ? Pouvez-vous nous le décrire ?

La Bretagne est larguée… Regardons ailleurs ce qui se passe, regardons au niveau européen les politiques favorables à l’audiovisuel : en Catalogne, au Pays de Galles, en Écosse. Dans ces régions, il y une, parfois plusieurs, télévisions régionales, publique ou/et privée. Je pense à la BBC par exemple.
L’institution peut accompagner la création d’emplois dans ce secteur, elle peut aussi commander des programmes. En Bretagne, ces dernières années, nous avons avancé en mettant en place des dispositifs d’accompagnement. Mais il faut changer de braquet, il faut passer à la vitesse supérieure et faire de l’audiovisuel le véritable fer de lance d’une nouvelle politique à l’échelle des régions.

– Où et comment comptez-vous trouver les moyens de cette politique ? Les budgets du COM 2 viennent d’être doublés dans un contexte où l’argent public se raréfie…

Il faut savoir que le budget global du Pays de Galles est de 25 milliards, celui de l’Écosse de 40 milliards, celui de la Région Bretagne est d’un peu plus d’un milliard. Autant dire que la Bretagne est un nain financier, politique et législatif. Actuellement, le soutien à la filière audiovisuelle de la Région Bretagne représente 5 millions d’euros. Nous pouvons commencer par multiplier ce budget par deux, à budget global constant, en réorganisant nos capacités financières et en les orientant sur des choses concrètes. En se tournant par exemple, vers les acteurs eux-mêmes, sociétés de production et entreprises du secteur, pour comprendre leurs préoccupations afin de créer des politiques utiles. Il y a notamment une problématique liée à l’emploi. Comment gérer l’offre et de la demande, comment créer un contexte favorable pour une économie créatrice d’emplois ? En Bretagne, il existe un fonds de garantie qui pourrait aussi être orienté vers les sociétés de production ou de diffusion, dès leur démarrage. Ce fonds de garantie, nous pourrions l’abonder grâce à un grand emprunt breton. Si la moyenne des revenus en Bretagne est de 5 000 euros inférieure à la moyenne nationale, l’épargne elle, est supérieure de 2 000 euros. Une partie de cette épargne pourrait être placée dans l’économie bretonne plutôt que dans la construction de projets en région parisienne. Cela nécessite une solidarité entre régions. Ce ne sont pas les idées et les compétences qui manquent en Bretagne, c’est aujourd’hui une question de moyens.

– Quels moyens et quels outils spécifiques proposeriez-vous pour accompagner la filière en langue bretonne ?

D’abord, j’arrêterai de me moquer des gens. Le nombre de locuteurs bretons ne cesse de diminuer et on nous apprend que la Charte des langues régionales ne sera pas ratifiée. Le PS nous l’avait promis parce qu’il savait qu’il ne pourrait pas le faire. Le PS a creusé la tombe et la droite a jeté la dernière pelletée de terre !
Je reprendrai une phrase de Xavier Graal : « Nous te ferons Bretagne, car nous ne pouvons pas toujours prendre le train des autres ». En 1977, ce sont des militants sincères et désintéressés qui ont uni leur force pour créer les écoles Diwan. Si on ne sauve pas nous-même nos langues, personne ne le fera à notre place. Je n’hésiterai pas à engager un rapport de force avec Paris sur cette question. Cordial, courtois, mais déterminé. Il faut aller de l’avant, il faut œuvrer sur le terrain sans attendre.

– Le rapport d’Anne Brucy évoque justement la région Bretagne comme un territoire où l’expérimentation d’une offre audiovisuelle régionale est possible, qu’en pensez-vous ?

Enfin ! En Bretagne, il faut une chaîne qui produise, programme et diffuse sur les cinq départements historiques, de façon homogène. Une chaîne publique et/ou privée, en tout cas une chaîne qui s’appuie sur l’existant. Les spectateurs en Bretagne sont les premiers à regarder des documentaires et à lire des quotidiens régionaux. Toutes les conditions sont réunies pour que nous ayons cette chaîne. Cela est faisable très rapidement, dès les premiers six mois de la mandature car ce n’est plus qu’une décision politique. Comme en Corse avec Via Stella, la Bretagne pourrait capter rapidement une partie de la redevance audiovisuelle pour aider au lancement de cette chaîne.

– En Bretagne, les professionnels de l’audiovisuel sont considérés, par le politique, comme des partenaires à part entière. Comment envisageriez-vous un dialogue avec la filière ?

Il faut faire confiance à la base. Le fait précède toujours les lois. A Carhaix, le festival des Vieilles Charrues est d’abord une vraie envie, une vraie volonté des citoyens. Il faut être à l’écoute des acteurs, des fédérations comme Films en Bretagne pour comprendre les besoins et être en mesure d’y répondre. Mais il faut un cadre général, une visibilité et une politique audiovisuelle envisagée sur le long terme. Nous nous y engageons !

Propos recueillis et photographies par Pauline Burguin

A venir  les entretiens réalisés auprès de  :

  • Jean-Michel Le Boulanger 5ème (Morbihan) sur la liste « La Bretagne avec Jean-Yves Le Drian », PS et apparentés
  • Jean-François Gourvenec, tête de liste « Union Populaire Républicaine en Bretagne »
  • Sylvie Larue, tête de liste (pour l’Ille et Vilaine) « L’humain d’abord »
  • Et les éventuels entretiens avec un candidat des plus récentes listes déclarées auprès de la Préfecture de Région : « Notre chance l’indépendance », « Bretagne en luttes ».

 

Lien(s) en relation avec ce sujet

 

Le questionnaire envoyé aux candidats des différentes listes bretonnes pour les élections régionales 2015.

 

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Liens vers les entretiens réalisés dans le cadre de cette campagne Régionales 2015 :

  • Jean-Jacques Foucher, tête de liste « Debout la France »
  • Isabelle Le Bal, 3ème (Finistère) sur la liste « Le choix de la Bretagne », Républicains/Modem/UDI/régionalistes
  • Didier Chapellon, 2ème (Ille et Vilaine) sur la liste verte « Une autre voie pour la Bretagne », Europe Ecologie Les Verts, Bretagne Ecologie et des non encartés
  • Christian Troadec, tête de liste « Oui la Bretagne »
  • Jean-Michel Le Boulanger, 5ème (Morbihan) sur la liste « La Bretagne avec Jean-Yves Le Drian », PS et apparentés
  • Jean-François Gourvenec, tête de liste de « l’Union Populaire Républicaine en Bretagne »
  • Sylvie Larue, tête de liste en Ille et Vilaine  « Front de gauche »
  • Bertrand Déléon, tête de liste « Notre chance l’indépendance »