Quelle politique pour le cinéma en Bretagne ? 
Entretien avec Jean-Jacques Foucher


A l’approche des élections régionales de décembre 2015, Films en Bretagne s’est adressé aux femmes et aux hommes qui sollicitent actuellement les suffrages des citoyens. Comment considèrent-ils la culture en région ? Quelles sont leurs ambitions en matière d’audiovisuel et de cinéma ? Et leur vision concrète d’un développement décentralisé de ce secteur ?

Un questionnaire a été envoyé début octobre aux partis en lice. Lutte Ouvrière et sa tête de liste en Bretagne, Valérie Hamon, n’ont pas souhaité s’exprimer. Le Front National de Gilles Pénelle n’a pas répondu à nos sollicitations. Six entretiens ont été réalisés entre le 5 octobre et le 5 novembre. Les réponses ont été recueillies oralement, synthétisées, puis validées par chaque candidat. Trois listes se sont déclarées plus tardivement et sont actuellement contactées par Films en Bretagne. Nous ferons part de leurs retours dans les jours à venir.

Cette série d’entretiens sera publiée dans l’ordre de réponse à nos sollicitations. Une infographie clôturera ce dossier « Régionales 2015 », reprenant de façon synthétique les grands thèmes abordés par chaque candidat. Aujourd’hui, nous rencontrons Jean-Jacques Foucher, tête de liste « Debout la France ».

Ce chef d’entreprise en sous-traitance automobile se présente non pas comme un professionnel de la politique, mais comme un citoyen ordinaire. Il avoue découvrir le monde de l’audiovisuel et du cinéma, mais se dit prêt à défendre son existence en Bretagne, qu’il juge importante pour l’identité régionale. Membre d’un parti à tendance jacobine, souvent qualifié de souverainiste, il a tout de même insisté pour nommer sa liste Debout la Bretagne, et non pas Debout la France, comme celle de son leader Nicolas Dupont-Aignan.

Classé à droite, il se défend de toute proximité avec le Front National, en se réclamant d’un gaullisme social. Et prône l’extension du modèle subventionné de la culture à d’autres domaines économiques.

– Films en Bretagne : Quelle place pour la culture dans votre programme pour les Régionales ?

La culture, c’est important, c’est ce qui constitue notre identité, et non la couleur de notre peau. Et quand on voit le temps que les gens passent devant des écrans, on mesure l’importance du cinéma et de l’audiovisuel. A la télévision, j’ai le sentiment qu’on ne voit que des séries tournées à St Tropez ou à Marseille, il faudrait bien plus de films en Bretagne ! Cela ramènerait du monde, ce serait bon pour le tourisme et les emplois locaux. Quand je vois l’argent que la Région dépense pour sa communication, il serait sans doute bon de redéployer une partie de ce budget conséquent vers l’aide aux films, cela serait plus efficace. Au Québec, une étude a montré qu’un dollar investi dans les films en rapportait deux. Mais c’est aussi important comme partage culturel, d’identité, comme outil d’intégration des nouveaux venus.

 – Comment voyez-vous l’évolution du budget alloué à ce secteur, actuellement de 5 millions d’euros ? Et des différents dispositifs qui l’accompagnent ?

Je suis en faveur d’un maintien des dispositifs existants, et du budget actuel global alloué à la filière, voire même à l’augmenter si on prend de l’argent ailleurs. Par exemple je propose de diviser par deux le nombre des élus régionaux, et d’indexer leur paie sur le travail réellement effectué. Actuellement, ils perçoivent 2 000 euros par mois pour quelques jours de travail, c’est trop.

–  Est-ce que les compétences nouvelles de la Région en matière économique ouvrent de nouvelles voies de financement ?

Oui, pourquoi pas. Les conditions d’attribution de cet argent à l’audiovisuel et au cinéma doivent être liées à la promotion du territoire, et conditionnées au développement de l’emploi local. Pas de travailleur détaché ! L’objectif serait en gros de faire encore plus de films, ce n’est pas normal que tout soit concentré sur Paris.

–  Quelle serait  selon vous la place de l’expérimentation culturelle, reconnue par le pacte d’avenir signé avec l’État ?

Le pacte d’avenir doit nous aider à rééquilibrer le territoire, la région a un rôle essentiel à jouer à ce sujet. Il faut harmoniser la ville et la campagne, équilibrer entre Rennes et les autres villes bretonnes, entre Paris et la Bretagne. Plutôt que de décentralisation, je préfère le mot déconcentration, équilibre du territoire. N’oublions pas que de Gaulle, de qui nous nous réclamons, a installé en Bretagne l’école de St Cyr-Coëtquidan, le pôle des télécoms de Lannion, ou bien encore l’usine Citroën à Rennes. En matière d’audiovisuel, le modèle à éviter, c’est TV Breizh, chaîne a priori régionale qui s’est mise à diffuser des séries américaines : une victime de la mondialisation ! J’espère plus d’autonomie d’une chaîne comme France 3 Bretagne vis-à-vis de Paris, plus de liberté éditoriale. Et plus de fenêtres de diffusion, ce qui donnerait de l’air à la production en région.

–  Quelle place pour les langues régionales ?

Je suis pour une augmentation de la production, que ce soit en langue française ou bretonne. Il ne s’agit pas là de revenir sur l’ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539, qui consacre la langue française comme langue nationale. Mais simplement de faire vivre notre identité, notre patrimoine. Pour savoir où l’on va, il faut savoir d’où l’on vient. J’espère que l’exception culturelle à la française, qui protège efficacement votre secteur, puisse être étendue à d’autres secteurs économiques comme l’agriculture, qui vit une grave crise. Et vous imaginez la Bretagne sans l’agriculture ? Ce serait une catastrophe. Faire du protectionnisme est une bonne chose : le modèle culturel français est pour cela une réussite. L’enjeu actuel, et il est vital, c’est de se battre contre le Tafta, la mondialisation en général, qui si ce projet passe, va laminer les petits de toutes les professions.

– Quel modèle de gouvernance pour ceux qui auront en charge ce projet régional ?

Évidemment nous avons peu de chance d’être en charge de ces responsabilités. Nous voudrions au moins avoir un élu, entrer dans ce monde parfois opaque des décisions régionales, pour pouvoir témoigner devant les citoyens de ce qui s’y passe. Mais cela me semble être de bon sens que de prendre l’avis des professionnels concernés, que ce soit des diffuseurs, des producteurs, et de tous les professionnels réunis au sein de Films en Bretagne.

Propos recueillis et photo par Brigitte Chevet

A venir  les entretiens réalisés auprès de  :

  • Isabelle Le Bal, 3ème (Finistère) sur la liste « Le choix de la Bretagne », Républicains/Modem/UDI/régionalistes
  • Didier Chapellon, 2ème (Ille et Vilaine) sur la liste verte « Une autre voie pour la Bretagne », Europe Ecologie Les Verts, Bretagne Ecologie et des non encartés
  • Jean-Michel Le Boulanger 5ème (Morbihan) sur la liste « La Bretagne avec Jean-Yves Le Drian », PS et apparentés
  • Christian Troadec, tête de liste « Oui la Bretagne »
  • Jean-François Gourvenec, tête de liste « Union Populaire Républicaine en Bretagne »
  • Et les éventuels entretiens avec un candidat des plus récentes listes déclarées auprès de la Préfecture de Région : « Notre chance l’indépendance », « Bretagne en luttes », « L’humain d’abord ».

Lien(s) en relation avec ce sujet :

Le questionnaire envoyé aux candidats des différentes listes bretonnes pour les élections régionales 2015

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Liens vers les entretiens réalisés dans le cadre de cette campagne Régionales 2015 :

  • Jean-Jacques Foucher, tête de liste « Debout la France »
  • Isabelle Le Bal, 3ème (Finistère) sur la liste « Le choix de la Bretagne », Républicains/Modem/UDI/régionalistes
  • Didier Chapellon, 2ème (Ille et Vilaine) sur la liste verte « Une autre voie pour la Bretagne », Europe Ecologie Les Verts, Bretagne Ecologie et des non encartés
  • Christian Troadec, tête de liste « Oui la Bretagne »
  • Jean-Michel Le Boulanger, 5ème (Morbihan) sur la liste « La Bretagne avec Jean-Yves Le Drian », PS et apparentés
  • Jean-François Gourvenec, tête de liste de « l’Union Populaire Républicaine en Bretagne »
  • Sylvie Larue, tête de liste en Ille et Vilaine  « Front de gauche »
  • Bertrand Déléon, tête de liste « Notre chance l’indépendance »