Quelle politique pour le cinéma en Bretagne ? Entretien avec Isabelle Le Bal


A l’approche des élections régionales de décembre 2015, Films en Bretagne s’est adressé aux femmes et aux hommes qui sollicitent actuellement les suffrages des citoyens. Comment considèrent-ils la culture en région ? Quelles sont leurs ambitions en matière d’audiovisuel et de cinéma ? Et leur vision concrète d’un développement décentralisé de ce secteur ?

Deuxième entretien réalisé par la rédaction auprès de Isabelle le Bal, 3ème (Finistère) sur la liste « Le choix de la Bretagne », Républicains/Modem/UDI/régionalistes.

Pour rappel : Un questionnaire a été envoyé par la rédaction de Films en Bretagne début octobre aux partis en lice aux Régionales 2015. Lutte Ouvrière et sa tête de liste en Bretagne, Valérie Hamon, n’ont pas souhaité s’exprimer. Le Front National de Gilles Pénelle n’a pas répondu à nos sollicitations. Six entretiens ont été réalisés entre le 5 octobre et le 5 novembre. Les réponses ont été recueillies oralement, synthétisées, puis validées par chaque candidat. Les trois listes qui se sont déclarées plus tardivement, ont été contactées par Films en Bretagne et sont en attente d’une réponse. Nous ferons part de leurs retours dans les jours à venir.

Cette série d’entretiens sera publiée dans l’ordre de réponse à nos sollicitations. Une infographie clôturera ce dossier « Régionales 2015 », reprenant de façon synthétique les grands thèmes abordés par chaque candidat.

Cet entretien a été programmé lorsque la liste MODEM – menée par Isabelle Le Bal et Bruno Joncour en Bretagne – n’avait pas encore rejoint « Le choix de la Bretagne » regroupant des Républicains, des membres de l’UDI, des centristes et des régionalistes. Isabelle le Bal s’exprime ici avec sa propre sensibilité politique tout en partageant la volonté de décentralisation culturelle défendue par le tête de liste Marc Le Fur (Les Républicains).

Isabelle Le Bal se définit comme une personne culturelle par nature. Elle est présidente d’une compagnie de théâtre Le Parvis et elle est à l’origine du salon international du livre insulaire de Ouessant. Très attachée à son île, elle défend la littérature et la création insulaire. Élue depuis 1995 à Quimper, Isabelle Le Bal est de sensibilité centriste. Elle se dit en dehors du cadre et s’emploie à faire bouger les lignes politiques.

De 2001 à 2008, elle est élue en charge de la culture. Actuellement, elle est première adjointe en charge de l’administration générale à la Mairie et chargée de l’enseignement supérieur et du personnel à l’Agglomération. De 2004 à 2010, Isabelle Le Bal est élue au Conseil régional. Elle s’occupe des politiques relatives à l’environnement.
Dans son programme pour les Municipales de 2014, elle soutient l’émergence d’une télévision publique bilingue. De son point de vue d’élue municipale, Quimper a un rôle à jouer dans le développement de l’audiovisuel en Basse-Bretagne. Plus généralement, elle est attentive au développement économique de la filière en Bretagne. Pour ces prochaines élections, elle figure en troisième place pour le département Finistère de la liste conduite par Marc Le Fur.

– Films en Bretagne : Quelle place pour la culture dans votre programme pour les Régionales ?

Primordiale ! C’est la culture qui permet d’inventer. Un politique culturelle c’est d’abord aider les artistes, créer les conditions nécessaires pour inventer des langages et soutenir les initiatives des créateurs. C’est essentiel pour donner un sens aux choses. Avec la loi Notre, la culture est devenue une compétence partagée par les collectivités, un chantier ouvert dont il faut redessiner les contours. Il faut inventer des choses nouvelles, notamment en favorisant le développement du secteur privé : les éditeurs et les producteurs de contenu. Sans oublier les associations et les artistes. La culture est transversale et pluridisciplinaire. Il faut donc favoriser l’enseignement artistique. Par exemple, dans le supérieur, l’enseignement de la création audiovisuelle et numérique est à développer en Bretagne. Aujourd’hui la région Bretagne a une politique culturelle forte, il faut la poursuivre. Mais il faut faire en sorte qu’elle ne soit pas uniforme, qu’elle soit clairement identifiée et non pas diluée dans les services publics.

 – Comptez-vous maintenir, renforcer les dispositifs et les budgets consacrés à l’audiovisuel en Bretagne ? Quels changements éventuels voudriez vous apportez à ces dispositifs ?

Une chose est sûre, une politique qui distribue les subventions via des guichets est révolue.
Une question me taraude politiquement. Est-ce que c’est aux élus de décider du contenu des œuvres soutenues ? Le risque est de cantonner les œuvres à « l’art officiel ».
Avec la loi Notre, l’instance régionale va être le chef de file en matière économique. C’est un soutien aux entreprises créatives qu’il faut mettre en place. Par exemple, à Marseille, des aides ont été attribuées pour le développement de l’audiovisuel. France Télévisions a également participé à l’épanouissement de la filière à Marseille (cf Plus belle la vie). Pourquoi ne pas faire la même chose en Bretagne ? Comme pour Via Stella en Corse, la Région doit mettre de l’argent, avec France Télévisions, pour développer une télévision et des programmes sur le mode de l’expérimentation. Cela existe déjà mais il faut le renforcer, il faut proposer un projet audiovisuel fédérateur en Bretagne.

La Région n’y arrivera pas seule, financièrement, elle doit travailler notamment, avec les collectivités locales. Les collectivités attribuent déjà une aide à l’installation pour les agriculteurs. Pourquoi ne pas également aider les sociétés de production qui s’installent sur le territoire ? Cela ne me dérange pas, au sein d’une collectivité, d’aider des entreprises qui créent de l’activité. Au niveau européen, il y a également des financements à aller chercher. Sur la mandature qui s’ouvre, la Région aura à gérer 780 millions d’euros de fonds européens… C’est une chance extraordinaire. On peut en orienter certains sur l’audiovisuel. Avec les Pays celtiques on peut également avoir une ouverture pour obtenir des financements européens.

– Comment proposez-vous d’accompagner le développement global de la création en langue Bretonne ?

J’ai visité les studios de la Télévision S4C au Pays de Galles. C’est exceptionnel ! De nombreux emplois directs ont été créés. Cette télévision diffuse des programmes en gaélique et en anglais pour tout type de public. En Bretagne, le développement d’une télévision publique bilingue doit passer par France Télévisions et le cadre national. Le rapport d’Anne Brucy explique que s’il y a une région en France où les conditions sont réunies pour expérimenter une télévision publique régionale, c’est en Bretagne. En nous fédérant, nous pouvons trouver les moyens de cette expérimentation audiovisuelle.

– Comment envisagez-vous la collaboration entre les élus et les professionnels du secteur ?

Le Conseil culturel doit étudier les conditions pour mettre en place une politique audiovisuelle fédératrice et spécifique à la Bretagne. Il faut également laisser les acteurs de la culture et de l’audiovisuel faire des propositions. Maintenant, les grandes structures comme Livre et Lecture en Bretagne, Films en Bretagne etc., reproduisent la sectorisation à l’œuvre dans les politiques culturelles. Le Conseil culturel lui, a vocation à être un lieu de large débat et de concertation entre tous les professionnels, de la musique, de la littérature, du spectacle, des médias, des langues de Bretagne. Aujourd’hui on ne peut plus fonctionner avec des chapelles. Toutes les régions nous envient cet outil qu’est le Conseil culturel, pourquoi ne pas l’utiliser pour définir les bases d’une nouvelle politique culturelle ?

– Pouvez conclure en précisant votre position vis à vis de la politique culturelle existante : en continuité ou en rupture ?

Sur le volet expérimental d’une politique audiovisuelle, il y a une volonté partagée au sein des principaux partis politiques en Bretagne. Sur le volet institutionnel de la politique actuelle, il y a débat. Par exemple, pour un secteur que je connais, celui du livre, est-ce qu’un établissement public de coopération culturelle comme Livre et Lecture en Bretagne répond vraiment à tous les besoins des acteurs du livre et en particulier des éditeurs et des auteurs ? Ce n’est pas sûr. Il y a une nouvelle politique culturelle à inventer. L’argent public se raréfie et les besoins sont nombreux dans un secteur qui se paupérise. La création demande effectivement beaucoup d’argent, c’est un sujet complexe qui ne me permet pas d’avoir un avis tranché. Il faut évoluer sans dogmatisme… Je partage les réflexions des professionnels car il y a des enjeux. Le politique fédère, accompagne les créateurs mais l’interventionnisme du politique dans la définition des contenus culturels, je n’en veux pas.

Propos recueillis et photographie par Pauline Burguin

A venir  les entretiens réalisés auprès de  :

  • Didier Chapellon, 2ème (Ille et Vilaine) sur la liste verte « Une autre voie pour la Bretagne », Europe Ecologie Les Verts, Bretagne Ecologie et des non encartés
  • Jean-Michel Le Boulanger 5ème (Morbihan) sur la liste « La Bretagne avec Jean-Yves Le Drian », PS et apparentés
  • Christian Troadec, tête de liste « Oui la Bretagne »
  • Jean-François Gourvenec, tête de liste « Union Populaire Républicaine en Bretagne »
  • Et les éventuels entretiens avec un candidat des plus récentes listes déclarées auprès de la Préfecture de Région : « Notre chance l’indépendance », « Bretagne en luttes », « L’humain d’abord ».

Lien(s) en relation avec ce sujet :

Le questionnaire envoyé aux candidats des différentes listes bretonnes pour les élections régionales 2015.

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Liens vers les entretiens réalisés dans le cadre de cette campagne Régionales 2015 :

  • Jean-Jacques Foucher, tête de liste « Debout la France »
  • Isabelle Le Bal, 3ème (Finistère) sur la liste « Le choix de la Bretagne », Républicains/Modem/UDI/régionalistes
  • Didier Chapellon, 2ème (Ille et Vilaine) sur la liste verte « Une autre voie pour la Bretagne », Europe Ecologie Les Verts, Bretagne Ecologie et des non encartés
  • Christian Troadec, tête de liste « Oui la Bretagne »
  • Jean-Michel Le Boulanger, 5ème (Morbihan) sur la liste « La Bretagne avec Jean-Yves Le Drian », PS et apparentés
  • Jean-François Gourvenec, tête de liste de « l’Union Populaire Républicaine en Bretagne »
  • Sylvie Larue, tête de liste en Ille et Vilaine  « Front de gauche »
  • Bertrand Déléon, tête de liste « Notre chance l’indépendance »