Pour un soutien au parcours d’auteur·e…


Plusieurs groupes de travail et/ou ateliers organisés par Films en Bretagne ces derniers mois ont mis en évidence l’enjeu de poursuivre et intensifier le travail d’accompagnement des auteur·es en Région Bretagne : accompagnement financier, formation professionnelle, événements, travail d’étude… Dans le cadre des échanges transversaux avec les autres secteurs de la création (arts visuels, spectacle vivant, livre) au sein du 3CB et/ou du groupe des têtes de réseaux Art Contemporain en Bretagne / Films en Bretagne / Livre et Lecture en Bretagne / Spectacle Vivant en Bretagne, l’enjeu de l’accompagnement des artistes-auteur·es et plus largement de la création « à venir » a été mis en exergue : la mise en place de bourses de recherche à destination des artistes-auteur·es, apparaît cruciale.

Des modèles inspirants ont été mis en place par le CNC, mais également par Ciclic, autour du même objectif d’accompagner les auteur·es dans la continuité de leurs parcours : développement de la création et régulation du « risque auteur », mobilités de création (diversification des genres et des formats, passage des formats courts aux formats longs, mobilités et collaborations à l’international), formation et résidences, développement des collaborations artistiques… 

Ce dossier « Soutien aux parcours d’auteur·e » a pour vocation de nourrir la réflexion autour d’un dispositif propre à l’écosystème breton, à même de relever les enjeux et défis des talents de Bretagne.


Des dispositifs inspirants 1

L’Aide au parcours d’auteur du CNC
par Perrine Vincent, conseillère auteur·es au CNC (DCTP)

« L’aide au parcours d’auteur a été créée en 2021 par le CNC pour répondre à un besoin structurel d’accompagnement des auteurs dans des phases de recherche et d’expérimentation, très en amont de l’écriture des projets. Lancée dans un premier temps avec le soutien du plan « France relance », le dispositif est aujourd’hui pérenne. Quatre commissions par an permettent de soutenir 50 auteurs à travers des bourses dotées de 20 000 euros pour un montant annuel global d’un million d’euro. Les auteurs lauréats sont également parrainés par un membre de la commission ce qui permet d’amorcer un dialogue artistique entre créateurs. Enfin, il s’agit du seul dispositif transversal à tous les champs du CNC, l’aide au parcours d’auteur croise donc de façon inédite les regards et les expériences autour du travail de création porté par les auteurs aujourd’hui. »

  • Quelles sont les objectifs sectoriels auxquelles vous avez souhaité répondre (passage du court au long, passage du premier au deuxième long, accompagnement des carrières, formation et développement des réseaux professionnels, diversification des activités et formats de création, mobilités…) ?

« L’aide au parcours d’auteur s’inscrit dans un objectif global de renforcement de notre politique de soutien à l’écriture. Le CNC a donc souhaité augmenter les aides directes aux auteurs aux étapes les plus fragiles c’est à dire pendant la phase de recherche dont l’auteur assume souvent seul la charge économique, sans accompagnement d’un producteur. L’aide au parcours d’auteur permet aux auteurs d’assumer des périodes de création resserrées dans le temps et de se consacrer totalement aux projets qu’ils portent. Par ailleurs, constatant une plus grande transversalité dans les pratiques artistiques, le CNC a conçu un dispositif qui est suffisamment souple pour pouvoir soutenir des démarches plurielles et hybrides au croisement des genres et des formats. C’est pour nous le moyen d’encourager l’innovation artistique. Enfin, ce nouveau dispositif complète la logique existante d’aides aux « projets » en proposant un soutien qui distingue la singularité d’une pratique et la qualité d’un parcours. L’aide au parcours d’auteur permet ainsi d’accompagner les auteurs sur un « slate » de projets leur permettant ainsi d’explorer le médium et les techniques les plus adaptés pour déployer leurs récits. »

  • A ce stade, le dispositif est récent… mais quelles sont les premières observations que vous pouvez faire quant à son impact, ses répercussions sur le secteur  ?

« Dès son lancement, l’aide au parcours d’auteur a constitué un observatoire privilégié de la circulation des pratiques artistiques et du dialogue entre les formes. Le principe de compagnonnage proposé entre membres de commission et lauréats incarne d’ores et déjà un écosystème extrêmement vivant d’échanges artistiques et créatifs. Par ailleurs, nous avons rapidement constaté que l’aide au parcours d’auteur donne la possibilité aux lauréats de travailler avec d’autres dès les prémices de l’écriture des projets. L’aide est donc un levier important pour la co-écriture et la collaboration artistique au sens large. En cela, l’aide au parcours d’auteur vient précisément répondre à la priorité que s’est fixé le CNC dans le renforcement du caractère collectif de l’écriture des projets. Enfin, l’aide soutient des auteurs émergents comme confirmés. Les 50 premiers lauréats sont le reflet de la grande diversité des pratiques et des profils des auteurs ainsi que des univers artistiques qu’ils portent. »

entretien épistolaire réalisé par Franck Vialle, directeur de Films en Bretagne le 13 juillet 2022

L’aide au parcours d’auteur est destinée à soutenir un auteur ou deux co-auteurs à un moment unique de leur carrière. Cette bourse permet aux bénéficiaires, soutenus sur la base d’une démarche artistique audacieuse et originale, d’expérimenter de nouvelles modalités de création et de renouveler leur pratique artistique.
La demande d’aide au parcours d’auteur peut porter sur un objet de recherche précis ou encore sur un portefeuille de projets dont les formes pourront être déterminées et précisées par la suite. Cette aide vise à soutenir les auteurs à des étapes de recherche et de création en amont de l’écriture.
La demande doit correspondre à un besoin de recherche identifié relatif à un moment charnière du parcours de l’auteur. Cette bourse n’intervient qu’une seule fois dans la vie d’un auteur. En cas de refus, un délai d’un an doit être observé avant une éventuelle nouvelle demande.

La note artistique doit comprendre une description du parcours, de la pratique et de l’univers artistique du demandeur ainsi que des éléments sur les perspectives du travail à venir : ce document de 10 pages (visuels compris) dont 5 pages maximum de texte doit présenter la façon dont l’aide pourra soutenir l’auteur dans sa démarche de recherche, dans le développement de sa pratique artistique et dans l’évolution de son parcours. Elle doit comprendre des éléments relatifs au parcours de l’auteur, à sa pratique, à l’univers dans lequel il s’inscrit ainsi que les pistes de travail à venir (description d’une recherche spécifique, collaboration inédite, aspirations à expérimenter dans un genre ou un format particulier).
Cette note artistique peut prendre une forme assez libre, elle est destinée à donner à voir aux membres de la commission la façon dont la pratique de l’auteur pourrait évoluer à l’issue d’un temps de recherche et de création. Les auteur·es sont invité·es à joindre des liens vers des œuvres préexistantes.

La demande d’aide au parcours d’auteur peut être présentée par un ou deux co-auteurs. Au moins l’un des auteurs principaux du projet doit remplir les conditions d’éligibilité pour que le dossier le soit.
L’aide au parcours d’auteur peut être accordée aux auteurs ayant soit la nationalité française ou la qualité de résident, soit la nationalité ou la qualité de résident d’un Etat membre de l’Union européenne, d’un Etat partie à la convention européenne sur la télévision transfrontière du Conseil de l’Europe ou d’un Etat tiers européen avec lequel l’Union européenne a conclu des accords ayant trait au secteur audiovisuel, ou d’un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen.
Le dossier doit être écrit en langue française.

Pour être admis au bénéfice des aides au parcours d’auteur, les auteurs doivent justifier à la fois :

  • De l’écriture ou de la réalisation d’une œuvre qui a été aidée par le CNC ;
  • D’une expérience artistique qui peut se caractériser par l’écriture ou la réalisation d’une œuvre cinématographique de longue métrage sélectionnée dans un festival au cours des dix dernières années, l’écriture ou la réalisation de deux courts-métrages sélectionnés en festival au cours des dix années précédant la demande, l’écriture ou la réalisation d’œuvres audiovisuelles diffusées sur un service de télévision ou sur un service VOD au cours des dix années précédant la demande, l’écriture ou la réalisation de deux œuvres immersives ou interactives (sélectionnées à Tribeca, Sundance, New Images ou la Mostra de Venise)… le détail des critères d’éligibilité est disponible ICI
  • Phase d’intervention : En amont de l’écriture
  • Type de soutien : Animation, Fiction, Documentaire, Long métrage, Court métrage, Réalité Virtuelle (VR), Réalité Augmentée (AR), Réalité Mixte (MR) et XR, Narrations Interactives, Série, Tous types de projet
  • Type d’aide : Aide sélective
  • Demandeur : Auteur

Parole d'auteur·es soutenu·es
Laurie-Anne Courson, soutenue par le CNC
Née en Bretagne, formée aux métiers du journalisme à Marseille, elle bifurque vers le documentaire en intégrant le dispositif « Passeurs d’images » sur l’île de La Réunion en 2011. Il y avait là l’envie de prendre le temps de chercher, de rencontrer, d’écrire, de raconter… et de se positionner.
  • Peux-tu décrire brièvement ton parcours et expliquer pourquoi tu as demandé cette aide à ce moment de ton parcours et dans quel but ? 

« 10 ans après avoir réalisé mon premier documentaire, sur l’île de la Réunion, j’ai ressenti le besoin impérieux de sortir de ma zone de confort. Prise jusqu’alors dans une spirale qui, sitôt un projet acheté par une chaîne, m’amenait à tourner très vite, j’ai voulu prendre le temps de raconter autrement mes histoires, de resserrer l’écriture, et de m’ouvrir sur de nouvelles collaborations, notamment dans l’animation et la réalisation de décors miniatures. Ayant toujours privilégié l’image réelle, dans un souci obsessionnel de fidélité à « la vraie vie », je prends conscience aujourd’hui que mes deux prochains projets s’affranchissent totalement des schémas que j’ai construits jusqu’alors, même s’ils prolongent le fil que je tire depuis 10 ans. »

  • Peux-tu décrire la manière dont tu comptes utiliser (ou que tu as utilisé) l’aide du CNC ? Qu’est-ce qu’elle t’offre comme possibilités dans ta recherche, que ce soit au niveau financier mais aussi de l’accompagnement ?  

« La première chose que j’ai faite en obtenant cette aide, c’est d’aller dans la Drôme, à la rencontre d’Alain Gagnol, l’un des membres de mon jury, qui avait accepté la proposition du CNC de m’accompagner comme parrain. Scénariste et réalisateur de film d’animation, Alain Gagnol est pour moi un soutien plus que précieux. Dans les retours qu’il apporte à mon projet mais aussi dans la rencontre qu’il a provoquée avec son producteur, celui-ci ayant décidé de m’accompagner sur mon court-métrage. Nous nous sommes par la suite revus à Annecy, au festival du film d’animation (où j’ai suivi de nombreuses master-class), avant d’envisager un autre rendez-vous à l’automne. Cette aide m’encourage donc à bouger, à me nourrir, et à provoquer des rencontres autour de mes projets, en rassemblant les personnes avec qui je souhaite travailler dans un lieu que je vais louer à l’automne sur l’île de Sein. »

  • D’après toi, en quoi cette aide « parcours d’auteurs », peut-être bénéfique pour toi et tes projets ?
« Je crois que la première chose que m’a offerte cette aide, c’est une forme de légitimité. Je me suis enfin autorisée à parler de mon cinéma, convaincue que mes deux projets devaient impérativement voir le jour. Je vois cette aide comme une sorte de sésame qui ouvre des portes et me donne des ailes. Dès cet automne, je vais notamment pouvoir tester concrètement le dispositif de décor miniature en volume que j’envisage dans un documentaire. Ce décor va exister, je vais enfin pouvoir montrer le film que je veux faire, et trouver les moyens de le développer sur un format long. C’est donc du temps qu’il est question ici, du temps pour essayer, se former, se tromper. Et ce temps, c’est un luxe après lequel nous courons tous, je crois. »


entretien épistolaire réalisé par Lubna Beautemps, coordinatrice médiation et réseaux Films en Bretagne le 19 juillet 2022

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Vincent Le Port, soutenu par le CNC
Né à Rennes en 1986, Vincent Le Port est diplômé de La Fémis en réalisation. Il a cofondé la société de production Stank avec laquelle il développe ses projets dont Le Gouffre (Prix Jean Vigo du court-métrage en 2016). Bruno Reidal, pour lequel il a été Lauréat de la fondation Gan pour le Cinéma en 2018, est son premier long-métrage, sélectionné à la Semaine de la Critique 2021 et sortie en 2022.

« Après avoir terminé mon premier long-métrage, j’ai eu trois désirs de films en parallèle : un court-métrage expérimental, un essai documentaire et un long-métrage de fiction. Plutôt que d’en choisir un spécifiquement, et de mettre un peu de côté les deux autres, j’ai désiré mener les trois fronts en parallèle, et l’aide « Parcours d’auteurs » est arrivée à point nommé pour m’offrir cet immense luxe d’avoir du temps pour écrire, faire des recherches, et pouvoir passer d’un projet à un autre. Qui plus est le long-métrage de fiction est un film d’époque qui implique de nombreuses recherches historiques, et l’essai documentaire sera construit autour d’images d’archives, aussi le développement de ces deux projets est un travail assez conséquent, et il me faudra du temps avant d’aboutir à des dossiers de financement solides et aboutis. La bourse du CNC me permet de m’y consacrer pleinement, sans avoir à précipiter ou bâcler l’écriture de ces projets (par pression financière on peut parfois être amené à déposer des dossiers alors qu’on sent bien que ceux-ci ne sont pas tout à fait) »

  • Peux-tu décrire la manière dont tu comptes utiliser (ou que tu as utilisé) l’aide du CNC ? Qu’est-ce qu’elle t’offre comme possibilités dans ta recherche, que ce soit au niveau financier mais aussi de l’accompagnement ?  

« Pour être tout à fait honnête, je vais surtout pouvoir payer mon loyer et faire mes courses pendant plusieurs mois ! Mais c’est ce qui va me permettre de me consacrer pleinement au développement et à l’écriture de mes projets. Je réserve ceci dit une partie de l’aide pour des collaborateurs futurs autour de l’essai documentaire, des personnes qui m’aideraient dans la recherche d’archives ou qui effectueraient des consultations sur mon dossier artistique quand celui-ci sera prêt. C’est autour de ce projet que j’avais ciblé ma demande d’aide, en précisant que c’était un projet encore très embryonnaire, que ce serait un projet au long cours, dans lequel j’aborderais un genre et une méthode (le travail autour d’archives) que je n’avais jusqu’à présent jamais abordés, et qu’il me faudrait du temps pour lui trouver sa forme et sa structure. L’aide va me permettre de m’y consacrer régulièrement au cours des années à venir, en faisant des repérages, des entretiens, des recherches et des rencontres, tout en continuant de développer en parallèle mes autres projets. »

  • D’après toi, en quoi cette aide « parcours d’auteurs », peut-être bénéfique pour toi, dans ton parcours ? (Je sais que tu n’as pas encore trop de recul, mais peut-être as-tu déjà une idée ?

« Si tout se passe bien, elle m’aura permis de faire trois films au lieu d’un ! »

entretien épistolaire réalisé par Lubna Beautemps, coordinatrice médiation et réseaux Films en Bretagne le 6 juillet 2022


Des dispositifs inspirants 2

L’Aide au parcours d’auteur de Ciclic
par Jérôme Parlange et Pierre Dallois

« En proposant ce dispositif, Ciclic Centre-Val de Loire souhaite contribuer à une meilleure valorisation du travail d’écriture mené par les auteurs et autrices de l’image, mais également à leur fournir un cadre propice à la recherche et l’expérimentation.  Il s’agit avec ce dispositif d’aider ces auteurs à prendre des risques dans l’écriture de projets ambitieux et innovants et de les accompagner dans leur parcours créatif et professionnel, notamment en les aidant à explorer de nouveaux formats ou de nouveaux genres et à franchir des caps de développement. Les auteurs qui peuvent solliciter cette aide devront justifier d’une expérience professionnelle significative dans le secteur du cinéma et de l’audiovisuel (avoir déjà été associé à l’écriture ou la réalisation d’au moins 2 œuvres fabriquées dans des conditions professionnelles, sélectionnées dans un festival ou diffusées en salle, sur une chaîne TV (nationale, régionale ou locale) ou sur une plateforme ou chaîne numérique). Très concrètement, ce sont 4 aides de 10 000 € chacune qui sont accordées aux auteurs soutenus. Cette commission sélective est organisée une fois par an. »

  • Quelles sont les caractéristiques et enjeux propres à l’écosystème régional auxquelles vous avez souhaité répondre (passage du court au long, diversification des activités…) ?

« Au-delà d’une seule aide financière apportée aux auteurs, le parcours d’auteur vise également à fournir un accompagnement individuel, adapté à chaque auteur, tout au long de son projet d’écriture. De fait, un parrain ou une marraine est associé.e à chaque auteur soutenu.  Ils n’auront pas vocation à coécrire ou faire une consultation sur les projets en développement mais plutôt à apporter un regard extérieur sur le travail en cours, à être un interlocuteur averti et privilégié sur le développement du parcours des auteurs soutenus et favoriser la mise en réseau et les échanges avec d’autres professionnels et potentiels nouveaux collaborateurs techniques et/ou artistiques associés aux projets.
Au travail mené entre l’auteur soutenu et son parrain, s’ajoute également un accompagnement « individualisé », défini en étroite collaboration entre Ciclic et le bénéficiaire du soutien. Cet accompagnement individualisé pourra intervenir tant sur le volet créatif (consultation, script doctoring, expertise technique) que sur le volet « parcours professionnel » de l’auteur (formations professionnelles, résidences, séminaires, déplacements en festivals, …etc). »

  • Le dispositif est récent… mais quelles sont les premières observations que vous pouvez faire quant à son impact, ses répercussions sur l’écosystème (compagnonnage, réseau, développement des projets…) ?

« S’il est encore un peu tôt pour dresser une évaluation précise de cette aide mise en œuvre pour la 1ère fois en décembre 2021, il demeure que la création de ce dispositif s’inscrit dans la logique de la politique portée par Ciclic Centre-Val de Loire et la Région Centre-Val de Loire depuis 2017. Par cette politique, nous avons l’ambition de devenir/ d’être de véritables compagnons de route des professionnels du cinéma et de l’audiovisuel, et ainsi de ne pas se limiter à un simple rôle de « guichet financier ».
La logique d’accompagnement proposé, en parallèle du soutien financier (et des rendez-vous réguliers annuels que nous avons avec les collectifs professionnels) nous permet d’entretenir un nouveau rapport avec les auteurs de notre territoire : basé sur le dialogue et l’écoute, en vue de proposer des soutiens sur-mesure et adaptés.
Ainsi, nous sommes amenés à échanger plusieurs fois dans l’année avec les auteurs soutenus pour réfléchir ensemble aux perspectives de développement de leurs projets, aux besoins ressentis ou exprimés pour avancer dans ces développements et aux hypothèses de travail à mettre en place pour leurs parcours professionnels.

De manière très concrète, avec chaque auteur soutenu, nous avons mis en œuvre un calendrier de travail commun pour jalonner l’année 2022 de différentes échéances pour les temps d’écriture, de déplacement en festivals ou d’inscription à des résidences ou des appels à projets. Nous avons également pour chacun des besoins ressentis ou exprimés par ces auteurs, listé les professionnels, collaborateurs techniques et/ou artistiques ou organismes ressources nécessaires à identifier, solliciter et rencontrer. »

entretien épistolaire réalisé par Franck Vialle, directeur de Films en Bretagne le 15 juillet 2022

Partenaire de la création et des créateurs installés sur le territoire régional, Ciclic propose depuis 2021 un dispositif de soutien aux parcours d’auteurs. Ciclic souhaite ainsi contribuer à une meilleure valorisation du travail d’écriture mené par les auteurs et autrices, mais également à leur fournir un cadre propice à la recherche et l’expérimentation.

Au-delà d’une simple aide financière apportée aux auteurs, le parcours d’auteur vise également à fournir un accompagnement individuel, adapté à chaque auteur, tout au long de son projet d’écriture.
Pensé en complémentarité de son parcours d’accompagnement des auteurs émergents, ce dispositif s’adresse aux auteurs justifiant d’une expérience significative dans le secteur cinématographique et audiovisuel.

Il s’agit d’aider ces auteurs à prendre des risques dans l’écriture de projets ambitieux et innovants et de les accompagner dans leur parcours créatif et professionnel, notamment en les aidant à explorer  de nouveaux formats ou de nouveaux genres et à franchir des caps de développement.

Les auteurs qui sollicitent ce soutien devront être en mesure de présenter leur parcours, leur stratégie de développement et de structuration de leur activité d’auteur/réalisateur : point d’étape de leurs parcours, projets et ambitions en matière de création ciné/audio, programme de formations envisagées, participation à des résidences ou ateliers d’écriture, déplacements en festivals, marchés de coproduction ou évènements professionnels, …).

Ce dossier de présentation du parcours de l’auteur pourra notamment s’articuler autour du développement d’une œuvre «en conception». Il devra être rédigé en langue française, et comprendre obligatoirement les éléments suivants :

  • Un dossier artistique de présentation d’au moins un projet « en conception » :- une note d’intention du ou des projets décrivant les choix artistiques et les enjeux créatifs liés à l’écriture de ce ou ces projets ;
    – une note sur le développement de ces projets, précisant notamment les besoins liés à la conception de ces programmes (documentation, enquêtes, repérages, consultations, recherches de collaborateurs de création spécifiques, recherches visuelles ou graphiques, …) ;
    – un synopsis des projets pour les unitaires ou un concept détaillé pour les séries ;
    – tout élément qui pourra valoriser la présentation de ces projets : moodboard, images ou rushs déjà tournés, références visuelles ou sonores, présentation filmée du projet…
  • Un dossier administratif, comprenant :- une lettre officialisant et argumentant la demande de subvention adressée au directeur de Ciclic Centre-Val de Loire ;
    – un CV de présentation de l’auteur qui sollicite cette aide ;
    – le formulaire de demande sur formsite dûment complété ;
    – le CV de l’auteur ;
    – si l’un des projets (ou les 2) est tiré d’une œuvre préexistante, indiquer le titre, l’auteur et l’éditeur et joindre une lettre du détenteur des droits autorisant cette adaptation ;
    – le Relevé d’Identité Bancaire original de l’auteur (pas de simple impression de RIB scanné : seules les impressions certifiées conformes par une agence bancaire ou RIB de chéquier sont acceptés) ;
    une attestation officielle de domiciliation en région Centre-Val de Loire pour les projets rendus éligibles par ce critère (factures, contrats, feuilles d’impots, ….).
Sont éligibles à ce dispositif :
  • Les auteur·es et scénaristes du cinéma et de l’audiovisuel résidant en région Centre-Val de Loire ;
  • Les auteur·es et scénaristes dont le parcours et le projet d’écriture sont étroitement liés au territoire du Centre-Val de Loire.

Pour pouvoir déposer, les auteur·es qui sollicitent cette aide devront justifier d’une expérience professionnelle significative d’auteur·e dans le secteur du cinéma et de l’audiovisuel : ils/elles devront avoir déjà été associé·es à l’écriture ou la réalisation d’au moins deux œuvres, sélectionnées dans un festival ou diffusées en salle de cinéma, sur une chaîne TV (nationales, régionales ou locales) ou sur une plateforme ou chaîne numérique d’au moins 50 000 abonnés.

Tous les projets d’œuvres seront éligibles, quel que soit le format, le genre ou la durée envisagée par l’auteur·e, sous réserve que ces œuvres doivent obligatoirement être pensées pour une diffusion télévisuelle, cinématographique ou numérique – les diffusions en galerie / centre d’art ne sont pas éligibles.

Le dispositif s’inscrit dans la volonté d’apporter un soutien particulier aux auteur·es cinématographiques et audiovisuels, dont la précarité a été fortement renforcée par la crise du Covid 19. Par conséquent, l’agence attachera une attention toute particulière à soutenir en priorité les auteur·es dont l’activité est principalement orientée vers le travail d’écriture et/ou de réalisation et n’étant pas déjà soutenue par Ciclic comme par exemple l’implication au sein d’une structure de production financée par l’intermédiaire du dispositif du programme d’entreprise.

Pour les projets ayant reçu un avis favorable de Ciclic, le soutien accordé s’articule autour de deux axes :

  • une subvention forfaitaire de 10 000 € attribuée directement à l’auteur·e ;
  • un accompagnement individualisé d’un ou deux ans, afin d’accompagner l’auteur·e dans le développement de son parcours et de ses projets – cet accompagnement individualisé prend deux formes différentes et cumulatives :- Un parrainage ou marrainage assuré par les lecteurs de la commission sélective : Auteur·es professionnel·les, reconnu·es suivant chacun·e 2 auteurs, pendant les deux ans du soutien. Ils sont des interlocuteurs réguliers, permettant de sortir les auteur·es soutenus de leur isolement, et favorisant leur mise en réseau (Ils/elles n’ont pas vocation à co- écrire ou faire des consultations sur les projets en développement).
    Un accompagnement individualisé, défini en étroite collaboration entre Ciclic et l’auteur·e bénéficiaire, qui peut intervenir tant sur le volet créatif (consultation, script doctoring…) que sur le volet professionnel (formation, séminaires, mobilités festivals et marchés…)

Les auteur·es soutenu·es s’engagent à accepter les conditions du parrainage et de l’accompagnement étroitement lié au soutien financier : afin d’offrir une visibilité sur le programme de travail à prévoir, un calendrier de travail est établi entre les auteur·s soutenu·es, les parrains/marraines et Ciclic pour baliser et sanctuariser les temps d’écriture de points d’étapes formels, de déplacements en festivals et autres perspectives de formations ou rencontres professionnelles.


Parole d'auteur·es soutenu·es

Claire Grimond, soutenue par Ciclic
Diplômée de l’ENSAD (spécialisation illustration) en 2005, Claire Grimond s’oriente d’abord vers les arts plastiques et obtient en 2007 le prestigieux prix Georges Coulon pour ses sculptures. Elle bifurque ensuite vers le scénario et plus particulièrement l’écriture de bibles littéraires (Dégolas le Petit Elfe des Bois, sélectionné aux sessions de pitchs Mifa du Festival d’Annecy 2014, et Pirates Millésime, plusieurs fois sélectionné et primé). Spécialisée dans le développement transmédia pour l’animation, elle a notamment conçu et scénarisé les parcours de visite interactifs enfants du site de Lascaux IV.

  • À quel moment de votre parcours d’auteure cette aide intervient-elle ? À quels besoins / enjeux personnels répond-elle ?

« J’avais d’un côté ma pratique du volume et de l’autre celle de l’écriture. J’ai senti le besoin de créer un pont entre les deux, de mettre des visuels sur les concepts que je développais. En suivant les évolutions du logiciel 3D open source Blender, j’ai réalisé qu’il correspondait à ce que je cherchais pour donner forme à mes idées. Seulement, il nécessitait une période d’apprentissage. J’avais commencé à l’explorer, quand Ciclic a présenté cette nouvelle aide. La rédaction du dossier m’a aidé à faire un point sur mes priorités, à transformer mes envies en objectifs de carrière et à me projeter sur le long terme. »

  • À ce stade, vous venez d’être lauréate de cette aide… Comment comptez-vous l’utiliser, comment vous projetez-vous dans vos travaux grâce à cette aide (disponibilité, mobilisation de collaborateurs, formation, déplacements…) ?

« L’aide permet de se consacrer à un projet précis. Dans mon cas, le développement d’une bible graphique pour une série animée preschool. Je cherche un rendu 3D inspiré de la céramique, avec des matières de terre cuite et émaillée. L’objectif sera ensuite de trouver un producteur. L’équipe de Ciclic est présente à nos côtés et nous avons la chance d’être conseillés par des mentors. À l’avenir, j’aimerais continuer à développer des projets, tant au niveau littéraire que visuel, puis les suivre jusqu’à la réalisation de l’épisode pilote. »

entretien épistolaire réalisé par Franck Vialle, directeur de Films en Bretagne le 11 juillet 2022


Axes de réflexion

La continuité des parcours artistiques et professionnels est un enjeu majeur, partagé à l’échelle de tous les métiers du cinéma et de l’audiovisuel, tous genres confondus : accompagner la diversification des genres et formats de création, passage du court au long, encourager et accompagner les collaborations et l’interdisciplinarité, relier les parcours à la formation professionnelle, partager collectivement les expériences, s’appuyer sur l’expérience des auteur·es éligibles pour bâtir une transmission des savoirs.

Par ailleurs, l’accompagnement des auteur·es vise à (re)donner du souffle à la création cinématographique et audiovisuelle bretonne, à encourager et accompagner l’audace de création, à véritablement porter les trajectoire individuelles des talents dans leur émergence et leur développement, dans un écosystème qui peut se prévaloir de talents confirmés ou émergents, d’acteurs identifiés en termes d’accompagnement des professionnels, d’un réseau de sociétés de production diversifié et présent aux différentes échelles du marché (régional, national, international), d’un tissu associatif de diffusion dynamique et interconnecté.

Enfin, de pouvoir s’appuyer sur des parcours d’auteur·es pour travailler de manière sensible le lien des œuvres aux spectateur·trices apparaît comme une articulation particulièrement pertinente à construire entre création artistique, développement culturel et projet de territoire. Il s’agit de porter les talents, en lien avec les publics présents et futurs, à toutes les étapes du processus créatif : recherche, écriture, développement, production, diffusion, médiation. En d’autres termes, il pourra s’agir de traduire l’éducation artistique et culturelle dans un modèle vivant, évolutif et à proximité. L’accompagnement de ces parcours est en effet l’occasion de ritualiser des rendez-vous, rendre un réseau visible et vivant par le partage d’’expérience, le tutorat, le compagnonnage, les rencontres professionnelles, le référencement et les publications…

Dans ce contexte, imaginer et financer un dispositif « aide au parcours d’auteur·e » au niveau régional est un chantier dans lequel Films en Bretagne s’est engagé, avec des modèles inspirants à partir desquels articuler la réflexion – le CNC, la Région Aquitaine, Ciclic, ailleurs en Europe -, et l’exigence de trouver un modèle véritablement adapté à notre écosystème, un dispositif qui réponde directement aux besoins propres à la Bretagne.

  • Identifier les talents, de les faire monter en puissance et de les accompagner dans la durée ;
  • Nourrir les talents : encourager l’audace créative, palier à l’essoufflement, rémunérer l’audace en réponse à une forme de « normalisation » de la création, amener de la sérénité pour permettre la prise de risque des créateur·trices ;
  • Accélérer la pratique d’écriture et de réalisation sur un temps court tout en inscrivant les parcours dans le temps long : au-delà d’un film, accompagner financièrement une expérience, soutenir et accompagner un processus de recherche (compagnonnage et consultation), « booster » la singularité, encourager les auteur·es à s’entourer.
  • D’un point de vue très pragmatique, il s’agit de pouvoir supprimer l’angoisse financière de la recherche créative sur un temps donné (environ 6 mois) ;
  • Hypothèse d’un chiffrage de 15.000 à 20.000 € par an à destination de 4 à 5 auteur·es et d’un dispositif auquel on ne peut prétendre qu’une seule fois dans son parcours ;
  • Il s’agit également de clairement définir un dispositif détaché de l’aide projet : l’aide au parcours d’auteur·es doit pouvoir rester « cumulative » avec toutes les autres aides (développement, production) directement liées à un projet identifié.

Dans le cadre du dispositif, il pourra s’agir du mettre en place :

  • un suivi des bénéficiaires au travers d’un tutorat individuel ;
  • une boîte à outils à destination des bénéficiaires, au regard des besoins spécifiques au territoire : accompagnants, collaborateur·trices de création, mobilités…
  • une convention individuelle cadre visant à inscrire le soutien dans les perspectives du travail de lien des œuvres aux spectateurs et plus largement celles de l’éducation artistique et culturelle

– il s’agit d’inscrire le dispositif d’accompagnement financier dans un processus de partage des œuvres tout au long de leur création : ateliers / échanges autour de la fabrication des œuvres, ritualisation des échanges à plusieurs, développement de l’interconnaissance des talents et des ressources, développement de la transmission « peer to peer » (expérimentation, laboratoire, transmission des savoirs, retours d’expériences) ;

– il s’agit également d’inscrire cet accompagnement dans une dynamique de la communauté professionnelle : émergence, accompagnement des parcours, promotion des talents, logique de compagnonnage au sein du dispositif (accompagnement des émergents, périodes d’observation…) ;

– Enfin, une telle expérimentation est une occasion de penser largement une transmission qui permette le bouche à oreille – restitutions publiques, ateliers, portraits des créateur·trices et annuaire des projets en cours -, qui permette de faire exister « les mondes en train de se faire » et de les valoriser.

  • S’appuyer sur les parcours d’auteur·es et leur recherche est un levier pour établir, par le récit « sensible » du territoire et de sa création, une proximité avec différents publics: spectateur·trices, jeunesse en formation, habitant·es ;
  • La présence artistique sur les territoires peut constituer une articulation transversale à la création (toutes disciplines confondues), à la diffusion et à l’éducation populaire, et un ciment à plusieurs projets de territoire ;
  • Les talents et la création d’aujourd’hui constituent l’héritage culturel de demain.