En faveur de la création musicale pour l’image


Partenaires de longue date œuvrant de concert aux rapprochements entre la musique et le cinéma, deux territoires créatifs prolifiques dans la région, Films en Bretagne et Clair Obscur ont proposé une nouvelle master class sur le sujet pendant Travelling. Une conversation à quatre, invitant les compositeurs Olivier Marguerit et Peter Von Poehl, guidés par Erwan Floch’Lay et Nicolas Thévenin de la revue Répliques (1). Elle s’est prolongée avec la présentation d’un nouveau fonds d’aide à la composition de musique originale pour le court-métrage et d’un outil de valorisation de talents régionaux. Retours sur l’événement !

L’étage de la salle de spectacle rennaise Le Liberté, cœur du festival qui a battu (son plein !) du 20 au 27 février réservait une ambiance chaleureuse et somptueusement viennoise au public de Travelling. Lieu d’accueil des créations et lives proposant également le gite et le couvert entre deux séances, il réservait un espace aux aficionados de temps plus réflexifs sur la création. Le public attentif a pu entendre les compositeurs Olivier Marguerit et Peter Von Poehl raconter leur parcours créatif pour la bande originale des films auxquels ils ont collaboré.

Musiqueetcinema
De gauche à droite, Erwan Floch'Lay, Olivier Marguerit, Peter Van Poehl et Nicolas Thévenin.

Olivier Marguerit a abordé ses collaborations, en solo ou au sein d’un de ses groupes, Syd Matters, avec Nicolas Klotz, Shanti Masud et Arthur Harari. Peter Van Poehl a notamment détaillé son expérience sur le film Vanishing Waves de Kristina Buozyte, Ravens de Jens Assur.

Les deux musiciens ont su exposer la manière singulière avec laquelle ils abordent cette création pour l’image et le rapport, « fort même magique » qu’ils entretiennent avec le cinéma. Il a beaucoup été question d’un langage et d’une méthode à trouver pour pouvoir ensuite « parler à deux au public ». Olivier Marguerit estime « entrer en dialogue » avec les cinéastes avec qui il travaille et que « la relation bâtie ensemble teintera la musique ». Peter Van Poelh évoque son impression de « voyage dans le monde d’un autre et d’avoir besoin découvrir cet autre paysage intérieur avant de pouvoir faire des propositions ». Et s’il faut mettre en mots, à chacun de trouver les siens ou tout autre outil pour décrire son univers. « On a besoin de comprendre la direction souhaitée par le réalisateur. Et tout autant connaître le genre de musique attendu que la place/ le rôle qu’elle aura dans le projet » précise Olivier. Et comme « certains réalisateurs savent parler de la musique, d’autres pas », Peter Von Poelh rappelle que les moyens que chacun peut déployer pour affiner son envie sont nombreux. « Que les réalisateurs l’expriment avec des tonalités, des couleurs, des références musicales, littéraires ou visuelles ou qu’ils préfèrent évoquer leur ressenti de spectateurs, on a besoin de beaucoup échanger. »

Et le tempo ?

Au delà ce langage à trouver, de l’univers à définir pour rendre fructueuse ces expériences de collaboration créative, la question du temps est un enjeu important. L’écriture musicale peut souffrir d’en manquer et les compositeurs évoquent avec force exemple les bénéfices mutuels d’une rencontre précoce. « L’idéal est d’entamer le dialogue avant même l’élaboration des images, au moment où le réalisateur est encore disponible » précise Olivier Marguerit. « Quand on arrive tard sur un projet, on a affaire à quelqu’un d’accaparé par son tournage, ou le montage et avec qui on ne pourra que très peu échanger alors que c’est la clé ! ».

D’autres collaborateurs de création seront leurs interlocuteurs et en premier lieu le monteur. « Plus tard dans la fabrication du film et de la musique, le monteur apporte des indications qui vont compléter la direction artistique » ajoute Olivier, « c’est lui qui va synchroniser la musique, il pourra nous informer précisément sur le rythme, les césures ». Le travail se poursuit souvent au montage son et au mixage, des étapes qui voient parfois les compositions remaniées pour la cohérence du film. « Là encore, avoir été consulté bien en amont du projet permet de les concevoir en harmonie, de bien comprendre leur ampleur et d’être dans la réalité de fabrication du film ». Y compris dans sa réalité financière, « une notion essentielle pour faire des propositions cohérentes, de se prémunir de déceptions, de ne pas imaginer l’irréalisable. » Des conseils que les jeunes compositeurs, présents dans la salle, auront relevé.

Soutenir les créations musicales originales

À l’issue de ces échanges fertiles, et toujours dans ce même écrin clair obscur du Liberté-Haut, l’occasion était idéale « pour se réjouir d’une bonne nouvelle », a annoncé Céline Durand, directrice de Films en Bretagne : celle d’un nouveau soutien à la création, fruit d’un partenariat entre Rennes Métropole, la SACEM et la Région Bretagne.

L’impulsion revient à Rennes Métropole qui, fin 2016, avait exprimé le souhait de soutenir la composition de musique originale pour le cinéma. La réflexion étant communément portée par la Région, chef de file pour le soutien au secteur audiovisuel et cinéma, et par la société civile des compositeurs de musique, le travail pouvait démarrer.

Guillaume Esterlingot (2) a rappelé « les indicateurs forts motivant cet élan conjoint : le dynamisme et les succès de la scène musicale bretonne d’un côté, la vivacité et les distinctions régulières et prestigieuses honorant le secteur cinématographique de l’autre. Ce contexte porteur appelait ce rapprochement à l’endroit de la création. Cela s’est ajouté à notre volonté commune de mieux soutenir l’émergence de cinéastes et de compositeurs. »

Mode d’emploi

« S’associer pour mieux abonder un fonds d’aide implique de bâtir un règlement d’intervention fédérateur, il a donc fallu trouvé une zone d’équilibre entre les critères d’intervention de chacun ». La SACEM soutient traditionnellement la création de la bande-originale de courts métrages, Rennes Métropole souhaitaient soutenir les compositeurs, musiciens-interprètes et techniciens implantés sur la métropole, la Région voulait que l’aide infuse sur l’ensemble du territoire. Les bases étaient posées.

Cette aide sera complémentaire à celle accordée par la Région aux courts métrages cinéma ou aux projets Innovation-Recherche. « Les producteurs faisant une demande d’aide à la réalisation vont pouvoir solliciter conjointement cette aide à la composition de musique originale. » La demande devra être matérialisée par une note d’intentions musicales et le CV du compositeur. Une attention particulière sera portée aux projets impliquant des acteurs du territoire, qu’ils soient auteurs-compositeurs, interprètes ou studios d’enregistrement.

Le montant du soutien sera de de 2 500 €, à répartir entre le compositeur (500 €) et l’auteur-réalisateur du film. Les autres critères déterminants sont des dépenses à hauteur de 5 000 € pour la création musicale, et que la durée de la bande-originale mixée représente au minimum 15% de la durée totale du film.

L’enveloppe financière globale levée équitablement auprès des trois partenaires est de 30 000 €, de quoi soutenir une douzaine films courts par an.

Guillaume Esterlingot a précisé « le principe d’expérimentation que représente la première année d’un nouveau dispositif de soutien. Les modalités d’intervention pourront être amenées à évoluer en concertation avec les professionnels, et par l’intermédiaire de Films en Bretagne. C’est le cas pour l’ensemble des aides apportées par la collectivité au secteur audiovisuel et cinématographique et nous souhaitons continuer dans cette voie. »

Une année zéro en quelque sorte et des modalités d’ores et déjà approuvées par les élus du Conseil régional. La prochaine échéance est le Conseil métropolitain, à la mi-mars. Sous réserve de ce vote, ce nouveau dispositif pourra prendre effet.

Un outil de valorisation des talents et une formation

Le temps d’élaboration de cette aide a été mis à profit par Films en Bretagne pour mettre en place une formation en partenariat avec l’EESAB de Lorient. L’union des professionnels a également actualisé le catalogue des compositeurs de musique à l’image.

Disponible en téléchargement libre sur le site de l’union des professionnels, il présente désormais une soixantaine de profils de créateurs de musique basés sur le territoire, déploie leurs univers, leurs expériences ou envie d’œuvrer avec des cinéastes. Films en Bretagne diffusera largement ce catalogue aux réalisateurs et producteurs adhérents comme un outil de plus au service de collaborations fructueuses entre les deux secteurs.

Élodie Sonnefraud

(1) Rédacteurs en chef de la revue Répliques, partenaire de Travelling, et animateurs des master class ou rencontres lors de cette édition 2018 du festival.
(2) Guillaume Esterlingot est chef du Service images et industries de la création de la Région Bretagne.


EN SAVOIR PLUS >>>

Communiqué de presse de la Région Bretagne.

Sur Films en Bretagne la page « Rapprocher la musique de l’image »

Accès direct au catalogue