Comment mieux diffuser les films produits en Bretagne ? Mandatée par le Conseil régional pour répondre à cette question, Lucie Hautière a présenté ses conclusions lors de la dernière édition de Doc’Ouest. Depuis, plusieurs réunions avec les acteurs de la diffusion culturelle ont permis de préciser les contours et les enjeux de la future mission.

Le sujet fait l’objet de débats depuis plusieurs années. Alors que des associations travaillent depuis longtemps et avec succès à la diffusion des films produits en Bretagne, les pouvoirs publics et les acteurs de la filière sont tombés d’accord sur ce constat : il faut encore améliorer leur visibilité et leur faire rencontrer un public plus nombreux. Car, sur les quelque 100 films liés au territoire, qui sortent chaque année, peu ont une carrière au delà de leur diffusion télévisuelle. Il restait à définir les moyens les mieux appropriés pour que ces films soient davantage vus.

La Région a d’abord exploré plusieurs pistes – intégration de cette mission au sein de ses services, création d’un établissement public – pour finalement décider de s’appuyer sur le riche tissu associatif breton. Thierry Le Nédic, le directeur du service culturel de la Région, justifie le choix de Cinéphare, notamment par la capacité qu’a eu ce réseau de 33 salles et associations cinéphiles de déployer ses actions à l’échelle régionale.

Certains acteurs, comme Daoulagad breizh, qui mettent déjà en lumière les films bretons, s’inquiètent d’une forme de concurrence. Erwan Moalic, son responsable, aurait préféré que la nouvelle mission soit confiée à plusieurs associations en fonction de leurs compétences. Selon la Région, elle sera, au contraire, l’occasion de renforcer le maillage régional. « Si le réseau en sort fragilisé, nous aurons échoué. Le but est au contraire de consolider l’existant et de développer de nouveaux outils au service de tous les diffuseurs. Il n’est en aucun cas question d’amputer les aides actuelles allouées aux structures de diffusion, pour mettre en œuvre ce projet », plaide Thierry Le Nédic.

Autre motif de vigilance : le pilotage de cette mission. Olivier Bitoun, le responsable de Cinéphare, dont le siège est à Brest, se veut rassurant : « Nous travaillerons en concertation avec tous les acteurs de la diffusion culturelle. Il y aura des allers et retours constants ». La Région a très explicitement demandé à Cinéphare de partager la gouvernance de cette mission qui fera l’objet d’une convention sur trois ans soumise à une évaluation annuelle. Un comité de suivi sera constitué avant la fin octobre. Cet organe de veille et d’échanges sera composé d’une douzaine de membres parmi lesquels des représentants de Films en Bretagne. Des groupes de travail plancheront sur les différentes actions à mettre en place. Ils seront formés en fonction des thèmes retenus.

Un budget de 100 000 euros

Si le calendrier est tenu, le centre de ressources verra le jour début 2013. Son fonctionnement est encore en cours de discussion et sera examiné, en novembre, par la commission permanente du Conseil régional. Les préconisations faites par Lucie Hautière seront soumises à des ajustements. Mais ce qu’on peut, d’ores et déjà, dire, c’est que la mission devrait s’organiser autour de deux axes principaux. Elle s’occupera, d’une part, de communiquer autour des films et d’en faire la promotion, via un site internet, une newsletter et l’utilisation des réseaux sociaux. Elle développera, d’autre part, la Base Films Bretagne gérée par la Cinémathèque de Bretagne en fournissant un accès professionnel qui permettra aux lieux de diffusion de visionner des films dans leur intégralité et de télécharger des documents (fiches techniques, supports de communication…).
Les diffuseurs (salles, associations, festivals, médiathèques, centre de loisirs, etc.) pourront aussi bénéficier de conseils en programmation et, le cas échéant, disposer de copies de films. Le centre pourrait lancer une négociation avec les producteurs de façon à proposer des tarifs unifiés et harmoniser les conditions de projection.

Les films concernés sont prioritairement des œuvres tournées en Bretagne, ayant reçu une aide d’une collectivité bretonne ou porteuses d’une thématique liée au territoire. Le (ou la) chargé(e) de mission recruté (e) aura, notamment, pour tâche de les repérer, et organisera des pré-visionnements dans les quatre départements, pour aider les lieux de diffusion à faire leur choix. Ces séances serviraient aussi à faire émerger 10 films-phare qui feront, chaque année, une tournée régionale. Le centre disposera d’une enveloppe pour rémunérer les réalisateurs qui participeront à cette tournée. Ils percevront 150 euros par intervention.

La nouvelle structure pourra aussi accompagner les avant-premières des films exigées par le FACCA (Fonds d’aide à la création cinématographique et audiovisuelle). « Les réalisateurs et les producteurs souhaitent que leurs films soient davantage vus dans les salles de cinéma. C’est une demande forte. Cette mission sera l’occasion de créer des passerelles entre l’exploitation cinématographique et les professionnels de la production. Cela dit, elle ne se limite pas à ce type de diffusion, les films devant aussi trouver leur place dans les médiathèques, les maisons de quartier, les centres de loisirs ou via le réseau de l’éducation à l’image », souligne Lucie Hautière. La boite à outils sera complétée au fur et à mesure, en collaboration avec l’ensemble des acteurs de la filière.

Une personne sera embauchée à temps plein pour « faire tourner la boutique » et des animateurs interviendront ponctuellement lors des projections. Le centre sera doté d’un budget de 100 000 euros en 2013 dont environ 70 000 euros consacrés aux crédits d’intervention. Les professionnels de l’audiovisuel et du cinéma attendent beaucoup de cette mission. On fait avant tout des films pour qu’ils rencontrent un public.

Nathalie Marcault

Photo : Lucie Hautière présentant ses préconisations à Doc’Ouest