Le grand écran dans la petite lucarne ou comment raconter à la télé l’actualité du cinéma tourné, produit ou impulsé en Bretagne. C’est l’enjeu de la nouvelle émission ‘’Ça tourne à l’Ouest’’, initiée par le Groupe Ouest*, produite par Anne Sarkissian (Iloz Productions) et diffusée sur Tébéo, Ty télé et TVR 35.

– Anne Sarkissian, qu’est ce qui vous a donné envie de produire  »Ça tourne à l’Ouest » ?

– Anne Sarkissian : quand Ingrid Patetta, qui a réalisé les pilotes initiés par le Groupe Ouest, et sa collègue Guénaëlle Baily Daujon m’ont contactée pour me proposer de reprendre les rênes, je n’ai pas hésité. Cela faisait longtemps que je voulais produire un programme régulier, et j’avais souvent constaté et déploré le manque de visibilité de notre secteur professionnel auprès du public. J’ai donc été conquise par l’idée de faire savoir au grand public – auquel l’émission est destinée – à quel point l’actualité cinématographique est riche en Bretagne. Nous ne risquons pas d’être en manque de sujets. C’est plutôt le trop-plein qui nous guette !

– Que peut-t-on voir dans cette émission ?

– A.S. : elle dresse le panorama le plus complet possible du cinéma et de l’audiovisuel dans la région. Elle est composée de portraits de réalisateurs, d’acteurs, de techniciens, d’interviews, de making-of, de reportages dans les festivals, de sujets sur la recherche, les nouvelles technologies, la post-production sans oublier la formation.  »Ça tourne à l’Ouest » a un rythme mensuel, avec une belle fréquence de rediffusions. La première émission a été diffusée le 1 février, la prochaine sera à l’antenne le 1er mars. Chacune dure 13 minutes et comprend 3 sujets. Il ne s’agit pas pour nous de faire la promotion des films mais de montrer le dynamisme de cette filière, portée par les professionnels qui travaillent en Bretagne et par ceux qui viennent faire des films ici. Nous n’avons qu’une contrainte imposée par les diffuseurs : couvrir à chaque émission tout le territoire breton, ce qui nous fait cavaler mais nous semble assez naturel !

– Quel ton et quelle forme avez-vous donné à cette émission?

– A.S : la volonté de Ingrid et Guénaëlle est de porter un regard neuf et enthousiaste. L’émission est éclectique de par la diversité des sujets. Le désir de toucher le grand public est notre priorité. L’idée est de rester proche, direct, sans chichis, dans un rapport décontracté et intime avec les intervenants, comme l’on est ici en Bretagne. La question du tutoiement s’est, par exemple, posée et les deux réalisatrices ont décidé de tutoyer ceux qu’elles connaissent déjà. La forme est aussi induite par le timing de l’émission. 13 minutes, c’est rapide pour 3 sujets. Alors là aussi, pas de chichis, mais une approche en douceur qui va au cœur du sujet.

– Quel est votre budget et qui sont vos partenaires ?

A.S. : nous disposerons d’un budget de 90.000 euros pour réaliser les 10 premières émissions. Dans le tour de table, il y a, bien sûr, Tébéo, Ty télé et TVR, qui coproduisent l’émission, et aussi la Région Bretagne, le Conseil général du Finistère et le Groupe Ouest qui apporte une partie du financement via le Crédit Agricole du Finistère, son mécène principal, et nous fournit aussi des moyens techniques. Avec le seul financement public, nous ne nous en sortirions pas. D’autant plus que le projet a été refusé par le CNC alors qu’il pouvait prétendre à une aide sélective du Cosip ** puisqu’il présente un intérêt culturel : il semble encore difficile à Paris d’admettre que l’on puisse vraiment faire des programmes régionaux qui tiennent la route. Dans le budget prévisionnel qui n’est pas encore tout à fait bouclé, la part du financement privé est d’environ 50 %.

– Antoine Le Bos, vous êtes le fondateur et le directeur artistique du Groupe Ouest. Comment cette idée d’une émission sur le cinéma en Bretagne a-t-elle germé?

– Antoine Le Bos : si nous voulons que la Bretagne devienne une terre d’élection pour le cinéma de long métrage que ce soit en documentaire ou en fiction, il nous faudra faire cohabiter les financements publics et privés. Or, on ne peut pas intéresser des partenaires privés si on n’associe pas le public breton. Ca tombe bien, les films ont besoin de spectateurs pour vivre ! Cette émission est une façon, pour le grand public, de prendre conscience de ce qui se passe en matière de cinéma sur notre territoire. En 2010, le Groupe Ouest a donc fabriqué sur ses fonds propres – avec l’aide en mécénat du Crédit Agricole du Finistère – 4 pilotes diffusés pendant 4 mois sur Tébéo. Cela nous a permis de tester la réaction du public. Les retours ont été positifs. Les gens étaient bluffés par ce qu’ils découvraient. Mais comme le Groupe Ouest n’a pas vocation à devenir producteur, nous avons passé le flambeau à une productrice militante, Anne Sarkissian, à Quimper.

– Cette émission est-elle susceptible d’accélérer le processus de création d’une Sofica en Bretagne ?

– A.L.B. : une Sofica est un fonds de placement dédié au financement du cinéma, auquel peuvent souscrire des particuliers, ce qui leur permet d’obtenir en contrepartie des réductions d’impôts. Il faut donc les inciter à investir dans l’industrie cinématographique et audiovisuelle. Pour les Sofica, qui sont considérées comme un produit phare pour les foyers fiscaux, c’est assez simple. Mais pour tout autre type de fond d’investissement en faveur du cinéma fabriqué en Bretagne, il faudra demain que le public breton s’intéresse à ce secteur d’activité. Nous avons la chance d’avoir, en Bretagne, des chaînes de télévision, un pôle images et réseau et un maillage d’environ 200 salles de cinéma. Il faut créer un cercle vertueux, comme si nous étions un petit pays émergent d’Europe, pour échapper au schéma de centralisation qui bloque l’épanouissement du cinéma en région. Et on peut considérer que tout est réuni pour qu’on y parvienne. Il suffit de se serrer les coudes encore un peu. Les producteurs bretons les plus expérimentés sont en train de franchir le pas du long métrage les uns après les autres. C’est une période très intéressante pour la décentralisation cinématographique et audiovisuelle en Bretagne.

– Anne Sarkissian, quel est le sommaire de la prochaine émission ?

– A.S. : ce mois-ci, nous vous proposons de découvrir les coulisses de cette grande dame, gardienne de mémoire qu’est la Cinémathèque de Bretagne. Puis nous rencontrerons le passionné vice-président de la Région Bretagne chargé de la culture et des pratiques culturelles, Jean-Michel Le Boulanger. On terminera en croquant le portrait d’un réalisateur au parcours atypique, Jean-Jacques Rault, ancien paysan devenu réalisateur de documentaires, dans les Côtes d’Armor à Mellionnec.

Propos recueillis par Nathalie Marcault
*Le Groupe Ouest est un pôle européen de création cinématographique implanté à Plounéour-Trez sur la Côte des Légendes.
**Le Cosip est le Compte de soutien à l’industrie des programmes audiovisuels.

Photo :  »Ca tourne à l’Ouest » en pleine action!