De nombreux prix, des projets soutenus par la très sélective contribution financière, l’aboutissement du parcours Estran… Olivier Bourbeillon, producteur historique de formats courts en Bretagne avec sa société Paris-Brest Productions, accompagne cette année une nouvelle collection de courts et un premier film ambitieux. Il nous livre son sentiment sur le dynamisme du secteur.

« J’ai le sentiment que 2016 sera une année importante pour le secteur du court-métrage de fiction en Bretagne. A Brest l’an dernier, lors de la remise du rapport d’Anne Bennet, le CNC réaffirmait combien le format court est indispensable. En Bretagne, certaines des sociétés présentes sur la fiction courte existent depuis plus de vingt ans tandis que d’autres démarrent tout juste, l’attention à ce format demeure nécessaire. » Au sein de sa société Paris-Brest Productions, Olivier Bourbeillon a produit plus de 30 courts métrages. De retour à la production de fictions, après quelques années consacrées plutôt au documentaire, le producteur brestois accompagne cette année pas moins de cinq films. Enthousiaste, Olivier Bourbeillon prédit déjà une belle année côté courts, avec « pléthores de films à venir, dont les quatre Estran… et des films qui marquent les esprits ! »

RÉCOMPENSES

Déjà mentionné sur ces pages lors de sa nomination aux César, le court-métrage de Pierre-Emmanuel Urcun Le dernier des céfrans, s’il n’a pas remporté la compression tant prisée, a été auréolé d’une dizaine de prix par des jurys et des publics, notamment ceux des festivals de Clermont-Ferrand, Lille, Travelling, sans oublier le très prestigieux Prix Jean Vigo. Citons aussi Le gouffre, le dernier film de Vincent Le Port, associé également au collectif de cinéastes-producteurs brestois Stank, primé à Clermont avant Brive. «  Et c’est sans compter sur les courts d’animation qui battent des records en terme de distinctions et de diffusions un peu partout dans le monde, avec des films audacieux, du talent côté réalisateurs, techniciens et producteurs ! » A chaque semaine sa moisson de prix, le plus récent étant le Prix Coup de coeur Movistar-Unifrance décerné à Colocataires de Delphine Priet-Mahéo. Le festival d’Annecy approchant, la rédaction consacrera prochainement un article à l’actualité florissante de l’animation made in Brittany.

LE_GOUFFRE« Le gouffre » de Vincent Le Port, comme « Le derniers des Céfrans », seront projetés le 1er juin au Festival du Film de l’Ouest

 

SOUTIENS SÉLECTIFS ACCRUS

Autre source de satisfaction, signe de maturité des porteurs de projets de courts, et synonyme de budgets nettement supérieurs pour les films bénéficiaires, le nombre grandissant d’aides avant réalisation du CNC (contribution financière) obtenues par des projets d’initiative régionale. « Les deux films de Stank avaient convaincu les membres de cette commission, très exigeante et extrêmement sélective, dès l’étape du scénario », précise Olivier. « Ça a été le cas également pour le script de Ma maison de Lisa Diaz, un film accompagné par la productrice Colette Quesson (A perte de vue). Chez nous, deux films ont eu récemment cette aide, Mer d’Olivier Broudeur et Voir le jour de François Le Gouic, un premier film, ce qui est assez remarquable. » Et nous y reviendrons…

ET PARTICIPATION DE CHAINES NATIONALES !

L’année 2016 verra s’achever le premier film de fiction accompagné par Les 48° rugissants, Gris, « les premiers pas dans la fiction de Guillaume Kozakiewiez ! », et Tous les jours de Philippe Oreindy porté par Les Films de l’Heure Bleue, tous deux pré-achetés par les unités de programmes courts de France Télévision. « On peut se féliciter de la belle diversité côté producteurs et de travailler régulièrement avec des diffuseurs nationaux. »

ET CHEZ PARIS-BREST ALORS ?

« Chez nous ça fourmille aussi avec cinq films en production ! » Quatre d’entre eux sont réunis en une collection qu’Olivier aborde avec l’énergie qu’on lui connaît. « J’ai suggéré à des auteurs dont j’aime le travail de réfléchir à un thème – de circonstance ! – le combat. Deux des réalisateurs sont des réalisatrices : Sonia Larue et Nadine Naous, avec qui j’ai déjà travaillé et dont les derniers films ont eu de très jolis parcours. Je connais les autres réalisateurs depuis longtemps mais ces projets seront une première collaboration. » Olivier Broudeur initie ainsi une première réalisation en solo après un parcours de films co-écrits et mis en scène avec Antony Quéré. Mer  se tournera en septembre sur les rivages bretons, c’est « un projet gonflé, poétique, d’une force incroyable. » Le quatrième film est porté par Antonin Peretjatko (La fille du 14 juillet et, très bientôt dans les salles, La loi de la jungle). « J’ai connu Antonin à l’époque où il était étudiant à Brest et bénévole au festival. J’ai suivi de près ce qu’il a fait ensuite, failli travaillé avec lui une première fois et repris contact avec lui il y a peu. J’aime son humour, et son prochain film devrait être comment dire… joyeusement anarchiste ! »

Qu’attend Olivier Bourbeillon de la production d’une collection ? « Que ça profite à tous ! Ça dynamise le secteur dans son ensemble et c’est un moment fort pour la société. Dans cette collection, les films arriveront en ordre dispersé au niveau du tournage et seront réunis lors d’une projection commune. » La diffusion télévisuelle ne sera pas collégiale, le film d’ Antonin Peretjatko est pré-acheté par Canal+, les trois autres coproduits par les Télévisions Locales de Bretagne.

Le cinquième film en cours de fabrication est écrit et réalisé par François Le Gouic. « Après pas mal de projets auto-produits, des clips, ce projet sera son premier film produit de manière professionnelle. L’occasion de nouvelles collaborations pour quelqu’un comme François qui a eu l’habitude jusqu’ici de travailler seul ou avec des copains. Voir le jour est un projet d’ampleur, avec des éléments fantastiques, quelques effets spéciaux, beaucoup de décors et de comédiens… Pour un premier film, c’est beaucoup et une expérience intéressante à produire. Il faut plus que jamais bien s’entourer, on va pouvoir profiter de l’excellent niveau de compétences de la filière technique bretonne ! ». Repéré lors de son examen par la commission de la contribution financière, ce film intègre le dispositif Talents en Court (1) mis en oeuvre par le CNC, et visant « une plus grande diversité culturelle et sociale dans le secteur du court métrage ». Paris-Brest accueille une étudiante du Master Pro Numic en immersion professionnelle, elle réalisera un journal de bord filmé pendant le tournage.

L’écosystème du court-métrage breton a du ressort, « ce qu’a confirmé le rapport d’Anne Bennet (voir encadré), comme au niveau national. Le court métrage n’est pas en danger en France, c’est pour ça qu’il faut continuer ! » D’autant que les prochains aménagements règlementaires issus des préconisations du groupe de travail mis en place par le CNC devraient donner encore plus d’air aux porteurs de projets de formats courts, réalisateurs comme producteurs.

« Le court doit rester un espace de liberté dans un monde protégé. Il doit permettre aux auteurs de faire leurs premières armes, c’est essentiel. C’est aussi pour ça que je me suis investi dans le dispositif Estran et que je suis fier aujourd’hui de voir bientôt aboutir quatre films, de quatre jeunes auteurs. C’est une belle réussite ! Et pour maintenir cet écheveau, la constance des aides apportées par les collectivités est fondamentale tout autant que les espaces de diffusion. »

Elodie Sonnefraud

(1) plus d’info sur Talents en court ici

En Une : visuel de Voir le jour © Paris-Brest Productions



Aménagements règlementaires. De quoi parle-t-on ?

Rendu public à l‘occasion de la 30ème édition du Festival Européen du Film court de Brest, le rapport d’Anne Bennet sur le développement du secteur du court métrage a salué « le dynamisme et la vitalité du secteur du court métrage en France, grâce à un soutien institutionnel affirmé, à un tissu d’entreprises professionnalisé, à la confiance et fidélité des chaînes de télévision et à l’engagement d’un réseau dense et actif d’acteurs de la diffusion culturelle ». Il a également rappeler la nécessité « d’adapter et de moderniser le modèle de financement de ce secteur, économiquement fragile, mais vecteur essentiel du renouvellement des talents et du tissu productif de la filière cinématographique et audiovisuelle. »

Lire l’intégralité du rapport ici :

A l’issue de la remise du rapport, un groupe de travail s’est attelé à traduire concrètement ses préconisations et dès le Festival International du Court Métrage de Clermont-Ferrand, le CNC annonçait :
    •    le relèvement du taux d’intensité d’aides publiques pour les courts métrages à 80%. Cette mesure n’est pas encore appliquée, pour les courts-métrages le plafond d’aides publiques est actuellement de 70%.
    •    une aide au programme distribuée sous forme d’enveloppe globale et non fléchée sur deux à trois films comme actuellement (rappelons que ce dispositif aide une trentaine de sociétés pour un montant global de 3,4 M€). Cette mesure sera appliquée en 2017.
    •    la création d’une aide au développement pour les jeunes sociétés, sous la forme de 5 bourses. Cette mesure sera appliquée en 2017.
    •    la mise en place d’un tutorat destiné à soutenir les auteurs de premiers et seconds films, sous forme de conseils personnalisés et de bourses de résidence réparties à travers toute la France. 70 auteurs supplémentaires pourront en bénéficier dès 2016. Dispositif couplé à l’avance avant réalisation.
    •    création d’une aide au développement renforcée dans le cadre de l’accompagnement du couple réalisateur-producteur pour le passage au premier long-métrage.Elle prendra la forme d’une majoration de 100% de l’aide au développement classique visant à mieux financer la phase de développement des premiers longs métrages. Pour être éligibles, producteur et réalisateur devront avoir fait un court métrage ensemble et le producteur avoir produit un maximum de deux longs métrages.