Muriel Avrit est porteuse de projets depuis près de quinze ans dans le domaine du cinéma et du spectacle vivant. A travers La Pool, le groupement d’employeurs consacré au monde culturel qu’elle vient de créer dans le Finistère, elle propose une alternative à la gestion classique et souvent précaire des salariés du secteur.
« C’est en 2014, au cours d’une conférence donnée au Festival du film court de Brest, que j’ai découvert le dispositif des Groupements d’Employeurs grâce au témoignage de Mathieu Bompoint, fondateur du Groupement d’Employeurs Mezzanine Admin, spécialisé dans le cinéma et le spectacle vivant », raconte Muriel Avrit. A cette époque, la jeune femme est administratrice du Groupe Ouest, pôle européen de création cinématographique, dédié notamment à l’accompagnement des auteurs. Dans le cadre de ses responsabilités, elle est amenée à gérer, entre 2007 et 2015, une croissance fulgurante en termes de finances, de projets et d’effectifs. Elle s’intéresse de plus en plus à l’amélioration des conditions de travail des porteurs de projets culturels, qu’ils soient salariés ou employeurs, et commence à explorer d’autres manières de travailler. Le management collaboratif et la mutualisation des compétences sont déjà au cœur de ses préoccupations.
Muriel Avrit est forte de son expérience de terrain et du lien qu’elle a toujours maintenu avec les acteurs du monde de la culture. D’abord peintre décoratrice pendant une douzaine d’année, puis chargée de communication et responsable des partenariats publics et privés au Fourneau, lieu de fabrique des Arts de la rue en Bretagne, elle s’est convaincue « qu’il faut repenser les habitudes de travail et les modes de gestions des entreprises ou associations culturelles. Si les emplois dans ce secteur sont en croissance constante avec des salariés souvent plus qualifiés que la moyenne, cette réalité cache aussi des emplois fragilisés, à temps partiel, et mal rémunérés. La baisse des financements publics vient accroître cette précarité. » Muriel relève également des problématiques similaires aux petites entreprises d’autres secteurs, comme la faiblesse des politiques de formation, les modes de recrutements informels, l’absence quasi-totale d’entretiens annuels avec les salariés. Persuadée que le Groupement d’Employeurs peut apporter des solutions concrètes aux entrepreneurs tout comme aux salariés, elle quitte le Groupe Ouest en 2015 pour fonder La Pool.
Qu’est-ce que La Pool ?
C’est une structure associative dont Muriel Avrit est la directrice, et à laquelle adhèrent des employeurs du secteur culturel, principalement finistériens. « Ces employeurs définissent avec nous leurs besoins en termes de recrutement, sur des postes à temps partiel, et nous confient la recherche de candidats, ainsi que la gestion des salariés. » Une fois retenu, le candidat deviendra donc salarié de La Pool, qui facturera à l’employeur sa mise à disposition. « L’enjeu est de permettre au salarié d’atteindre la quotité de travail qui lui convient, en travaillant pour plusieurs employeurs adhérents, mais en étant rattaché à une seule structure. » Concernant l’employeur, La Pool lui apporte son expertise en termes de recrutement, le dispense de la gestion administrative des salariés, et lui permet de bénéficier d’un personnel qualifié à temps partiel. Lancée en janvier 2016, la structure travaille à un maillage d’employeurs, et a pour objectif d’atteindre 5 à 6 équivalents temps plein d’ici la fin de l’année, 20 emplois d’ici trois ans. Aujourd’hui, 3 adhérents sont entrés dans l’association, et emploient une seule et même administratrice de La Pool.
Si pour l’instant aucune structure liée au cinéma n’a encore adhéré au tout récent groupement d’employeurs créé par Muriel Avrit, les possibilités s’avèrent nombreuses. « Des contacts ont déjà été établis, par exemple, avec les salles de cinéma indépendantes du réseau breton Cinéphare, qui seraient intéressées par des projectionnistes pouvant se partager entre 2 ou 3 établissements. » Trois structures audiovisuelles ont par ailleurs déjà sollicité un devis auprès de La Pool pour l’emploi mutualisé d’un secrétaire comptable à temps partiel. Un devis, car c’est La Pool qui définit le salaire des professionnels selon leurs qualifications et leur ancienneté. Pour son fonctionnement, elle ajoute à la facture 0,27% du salaire brut chargé.
Si l’on comprend assez facilement l’intérêt de la mutualisation pour les professionnels du secteur culturel, tant pour les employeurs que pour les salariés, n’y a-t-il pas tout de même un risque de marginalisation pour ces derniers, qui travaillent au sein d’établissements auxquels ils n’appartiennent pas tout à fait ? « Non, dans la mesure où ces employés doivent bénéficier au même titre que leurs collègues des avantages des structures pour lesquelles ils travaillent, comme les primes, l’accès au comité d’entreprise… » Par ailleurs, Muriel insiste sur le fait que ces salariés sont accompagnés par La Pool, qui soutient leur parcours de formation, encourage les rencontres avec les autres salariés de l’association, s’assure que leurs conditions de travail sont satisfaisantes. « La Pool facilite aussi leur relation à la hiérarchie. »
Installée dans les deux derniers bureaux libres de la pépinière d’entreprises de Landerneau, Muriel a pu débuter l’activité de La Pool grâce à une subvention spécifique de la DIRECCTE (20 000 euros) pour le démarrage des groupements d’employeurs et de Bretagne Active (30 000 euros remboursables), une association qui aide à la création de structures dans le champ de l’économie sociale et solidaire. Une demande de subvention faite à la région est également en cours. Elle correspond à 30% des frais de fonctionnement pour deux années, soit environ 30 000 euros.
Grâce à ces aides, Gaïdig Le Moing a pu rejoindre La Pool. Elle se charge de la coordination sur un temps partiel. Avec Léa Barré, en stage pour 6 mois, elle complète l’équipe afin de constituer un réseau d’employeurs, d’identifier leurs besoins, et d’accompagner les salariés. La Pool a déjà reçu plus de cent candidatures de demandeurs d’emplois, dont 98% de femmes, la plupart très qualifiées. « Les premiers emplois recherchés concernent en priorité la gestion administrative et financière, mais d’autres demandes commencent à arriver pour la communication, le marketing, ou l’animation », conclut Muriel, qui entend bien œuvrer au maintien de ces compétences sur le territoire.
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