On dit que le temps passe, et vite. Les gens de Ty Films en savent quelque chose qui s’apprêtent à accueillir un public et des professionnels toujours plus nombreux, conquis au fil des dix dernières années. Les Rencontres du film documentaire de Mellionnec et ses spectateurs célèbreront leurs noces d’étain du 23 au 26 juin prochain. 10 ans, déjà !

Ty films_plage_©NZLa plage de Mellionnec accueille le public du festival © Nicole Zeizig

Les amateurs de films documentaires de Bretagne et d’ailleurs connaissent bien désormais ce rendez-vous qu’une chouette équipe, engagée de la fabrique à la diffusion de ce cinéma ouvert et singulier, leur a fixé, il y a 10 ans. Jean-Jacques Rault, l’un des pionniers dans la construction de cet édifice en forme de chapiteau, se souvient :« Pour moi l’origine de tout ça, c’est la décision prise en 2007 par l’ARBRE (1), dont j’étais membre, d’organiser un atelier de réalisation à Mellionnec. Il y avait eu un premier atelier à Groix en 2006 et l’entreprise nous avait semblé à ce point passionnante que nous désirions la poursuivre. Avec Antoine Le Bos, alors président de l’association, nous avons alors proposé que ça se passe ici ; les Rencontres sont nées concomitamment, sur un coup de tête. On faisait tout nous mêmes, à quelques mains ! Aujourd’hui, nous tirons toujours les mêmes fils : les Rencontres pour le versant public de notre action, et le travail d’ateliers et d’accompagnement à l’écriture et à la réalisation pour le versant professionnel, ce que nous n’avons jamais cessé de développer depuis. Quelque chose est né là et qui a germé. »

Germé, c’est le moins qu’on puisse dire. Pour cette dixième année par exemple, les Rencontres s’offrent deux journées supplémentaires afin d’accueillir plus d’ateliers professionnels (et tous ouverts au public, une marotte édifiante !). « C’est une nouveauté : deux jours d’ateliers avec une projection systématique, puisque pour nous, tout doit toujours converger vers cet objet fascinant, le film. Le travail et les discussions se dérouleront après le visionnage », raconte Jean-Jacques Rault. « Nous avons imaginé certains de ces ateliers sur une journée entière, comme celle autour du montage, Les Monteurs démontent (2), ou celle animée par le programmateur indépendant Federico Rossin, autour de l’image d’archives. Dans un cas, il nous a semblé important de prendre du temps pour présenter le montage comme cette dernière phase d’écriture, qui se construit avec des images ; de voir comment le monteur devient cet accompagnateur d’une écriture en devenir. Dans l’autre cas, c’est Federico Rossin, avec qui nous avons tissé des liens d’amitié depuis sa première intervention il y a deux ans (sur une proposition de Hors Format), qui a concocté ce programme en deux parties intitulé « Quand l’image d’archives fait son cinéma ». D’autres ateliers occuperont des temps plus courts,  comme ce rendez-vous désormais coutumier avec le CNC (3) et qui sera animé par Valentine Roulet : il y sera question d’un sujet qui nous tient à cœur, l’accompagnement des réalisateurs à l’écriture, ce qu’il peut apporter à un projet, quelles peuvent être les faiblesses des dispositifs existants et quelles améliorations on peut envisager. C’est important pour des structures comme Ty Films d’entendre parler les auteurs et les réalisateurs. C’est avec eux et pour eux que nous travaillons toute l’année. À ce propos, nous leur offrons la possibilité, sans distinction de genre (fiction, animation, documentaire), de se réunir pour la première fois cette année dans le cadre d’assises qui se tiendront le jeudi toute la journée. Ce sera l’occasion de faire un point sur ce qui existe en Bretagne, ce qu’on en fait, et quelles actions peuvent être envisagées. »

pas comme des loupsPas comme des Loups de Vincent Pouplard © Les films du Balibari

Outre ces rendez-vous professionnels susceptibles de remuer les méninges et de faire bouger les lignes, Ty Films, qui aime le faire-ensemble, engager des partenariats et célébrer l’amitié à la première occasion, a lancé plusieurs invitations à ses amis du réel, lesquels ne se sont pas fait prier très longtemps. « Nous voulions aussi montrer d’autres façons de voir la création documentaire et d’autres façons de la programmer ». Comptoir du doc et son Hors format auront l’après-midi du 25 juin pour déployer une programmation à leur image. Jean-Jacques rappelle qu’au début, ils ont « beaucoup pioché dans les trésors de Comptoir du doc » et rend hommage à l’événement : « leur programmation est culottée, ce n’est pas si évident de montrer des films inclassables ! ». Même punition pour les amis de Lussas et leur plateforme, Tënk : la mise en ligne étant prévue le 18 juillet, Mellionnec leur offre une fenêtre et la programmation d’un film de leur choix : ce sera Pas comme des loups, de Vincent Pouplard.

le-plaisir-du-desordreLe Plaisir du désordre, de Christian Rouaud © e2p/entre2prises

Puisque nous en sommes à parler documentaire de création, amitié au long cours et plaisir, il ne faudra pas manquer la première internationale que Christian Rouaud offre aux Rencontres avec la projection de son dernier film, Le Plaisir du désordre. Jean-Jacques se réjouit : « Christian était des nôtres lors de la première édition des Rencontres et c’est sans doute le réalisateur dont nous avons sélectionné le plus de films ! Celui-ci sort à peine du banc de montage. Il nous fait ce cadeau pour les 10 ans, et il sera au Ty Déj’ le samedi matin, pour discuter vie et cinéma avec le public. C’est aussi pour nous le signe que les Rencontres sont devenues un rendez-vous qui compte pour les distributeurs. »

Ainsi, à force de volonté et de passion, les limites de la plage et du chapiteau ont été repoussées d’édition en édition, sans jamais toutefois dépasser les frontières d’un village modèle pour le documentaire. Une aventure qui intéresse de bien des manières la population aux activités de l’association Ty Films. Ce sont des gens du crû, par exemple, qui depuis le début prêtent un corps bénévole exponentiel à l’installation et au bon fonctionnement de ces quelques jours de festivité. Ce sont eux encore qui se prêtent au jeu des portraits, quatre films par an (et pour la quatrième année), réalisés par quatre cinéastes débutants. Ce sont eux, en partie, qui adhèrent et sélectionnent les films qui seront projetés durant les Rencontres, en présence d’un membre de l’équipe du film le plus souvent. « Le terme de Rencontres n’a pas été choisi par hasard », précise Jean-Jacques, « les réalisateurs sont présents tout le week-end pour parler de leur film avec le public, après la séance mais aussi de façon plus informelle ensuite, autour d’un verre de Grobul’. L’une de nos grandes réussites, c’est d’avoir su créer l’ambiance qui permet de vivre ça, cette synergie qui ne se décrète pas, mais qui fonctionne ici ! »

Parler des Rencontres, c’est parler de Ty Films, l’un n’allant pas sans l’autre. Et il y en a des choses à dire : en janvier dernier, nous parlions, entre autres évènements, de l’ouverture d’une Maison des auteurs, de résidences de montage et d’écriture, de création d’emplois, d’un COM… Tout cela, avec en sus quelques nouveautés, se trouve ainsi synthétisé : Pôle régional du cinéma documentaire. « On a démarré sur un coin de table avec des bouts de ficelle et demain nous serons 5 salariés, c’est une sacrée évolution ! Nous sommes passés d’une salle de 70 places la première année à un potentiel de près de 400 places sur trois lieux pour les dix ans. Côté professionnel, cette montée en puissance s’est faite en continu, avec la mise en place des formations et de tout un tas d’actions qui nous ont conduits jusqu’à la signature officielle d’une convention pluriannuelle d’objectifs (2016-2019) qui aura lieu durant les Rencontres », annonce Jean-Jacques Rault.

Ainsi, l’association convainc et embarque avec elle la Ville de Mellionnec, la Communauté de communes, le Département et la Région… ! Notamment au programme de cette convention : quatre bourses par an pour des résidences d’écriture individuelles de quatre semaines chacune, la mise en place du même nombre à terme de résidences de montage (dont la première aura lieu à l’automne, l’appel à projets étant encore ouvert), la création de postes permanents à Ty Films (3 dès septembre) et la création d’un fonds de dotation pour le cinéma documentaire, pensé sur le même principe que le Breizh Film Fund du Groupe Ouest et visant à collecter de l’argent privé pour le réinvestir dans la création documentaire sous la forme d’un mécénat. « Ce fonds de dotation s’appelle DOC !, et le lancement officiel se fera pendant les Rencontres. Il a été pensé en faveur de la diversité de la création et pour la promotion du cinéma documentaire », précise Jean-Jacques. Dans la foulée des bonnes nouvelles, il nous apprend encore que Ty Films « travaille à un projet immobilier très conséquent, avec la construction de bureaux, de salles de formation et de cinéma, la création d’une Maison du montage », avant de placer une dernière étoile sur le chapeau du chapiteau : à l’horizon 2017 et en partenariat avec l’UBO à Brest, qui crée une Licence Art avec spécialisation cinéma, Ty Films accueillera les étudiants à raison de 3 à 4 semaines par an pour des ateliers pratiques. Une fois la Licence créée vient le Master, et l’association envisage déjà la création d’une deuxième année, comme à Lussas.
Il faudra pour cela patienter 5 ans, et en attendant, il y a les Rencontres et la coordination du Mois du Film documentaire pour les Côtes d’Armor, Ty Films ayant pris le relais de feue l’association Double Vue.

TY films_balade_©NZLa balade des grenouilles © Nicole Zeizig

Quel bilan ? On en a une petite idée, mais laissons le soin à Jean-Jacques de conclure : « Le bilan est positif, même si nous n’aimons rien moins que regarder en arrière. Ce qui compte pour nous, ce sont les dix ans à venir ! Le seul regard un peu rétrospectif que nous nous sommes autorisés, c’est une Balade des grenouilles « anniversaire » : au fil d’installations pensées avec les Bougeurs de nuit, la réalisatrice belge Pauline Chevallier a créé huit projections sonores à partir des bandes sonores d’une quarantaine de films projetés aux Rencontres depuis 10 ans. » La promesse d’un enchantement !

Gaell B. Lerays

(1) Association des Auteurs et Réalisateurs de Bretagne

(2) Vendredi 24 : La Nuit s’achève, de Cyril Leuthy, en présence de Michael Phelippeau, membre des Monteurs associés. Sur inscription.

(3) Samedi 25 : Un Film en devenir. Sur inscription. Valentine Roulet est chef du Service de la création du CNC.

Retrouvez tout le programme des Rencontres du Film Documentaire ici !