JEANNE MALIVEL, icône solaire du design breton


La courte carrière de Jeanne Malivel débute en 1916 à son entrée dans la prestigieuse Académie Julian à Paris, la fréquentation de l’École des Beaux-Arts et des ateliers d’Art sacré fondés par le peintre Nabi Maurice Denis, puis l’apprentissage de la gravure sur bois, en autodidacte. Elle fonde en 1918 son « atelier Sainte-Anne », situé rue Notre-Dame-des-Champs dans le quartier Montparnasse, avant de retrouver Loudéac et d’impulser le mouvement des Seiz Breur. Le film Jeanne Malivel, un soleil se lève, fait sa sortie l’année du centenaire de ce courant artistique des Seiz Breur, écho propice à remettre sur Jeanne Malivel la lumière qu’elle mérite.

Pour accompagner cette sortie, nous avons demandé à Tristan An Nedeleg, urbaniste et géographe, diplômé du Master de l’Institut de géo-architecture de l’Université de Bretagne Occidentale (où Daniel Le Couédic, interviewé par la réalisatrice, enseigne notamment le mouvement artistique et architectural des Seiz Breur) et acteur culturel de la scène bretonne, ainsi qu’à Lynda Durand, architecte et graveuse, de nous partager “leur” retour d’écran.

Pour découvrir le film : diffusion en avant-première le jeudi 15 juin prochain, à 20 heures, au cinéma du TNB (Rennes). Le film sera diffusé sur la chaine TVR à partir du 22 juin…


Jeanne Malivel dans son atelier à Loudéac, vers 1920.    Musée de Bretagne

Le film s’ouvre sur un matin brumeux, sur un chemin et des paysages qui façonnent un rapport particulier au monde : Jeanne Malivel, un soleil se lève, n’est pas un film “sur” l’artiste, mais un voyage à ses côtés, un cheminement de la réalisatrice qui révèle les multiples facettes d’une figure indépendante, innovante et féministe. La réalisatrice Laurence-Pauline Boileau met en lumière une créatrice organique, un parcours fulgurant, une œuvre impressionnante : peinture, gravure, mobilier, céramique, vitrail, textile…

Dans le milieu de l’art, de l’architecture, du design, de l’urbanisme et de la culture bretonne :  les Seiz Breur sont tantôt cités en référence mais peuvent s’avérer également complètement inconnus.  Cependant fondatrice, Jeanne Malivel est reconnue comme leur leadeuse, à l’origine du mouvement (et même du nom du mouvement : c’est elle qui s’inspire du conte en Gallo des 7 frères, en rappel au 7 saints fondateurs de la Bretagne).

Ce film documentaire explore le personnage de la jeune Jeanne Malivel depuis son enfance (elle est née à Loudéac le 15 avril 1895)à son brutal décès en 1926. Le film apporte un regard neuf est inédit même pour les connaisseurs des Seizh Breur, tant les témoignages collectés sont riches, divers, et le rendu très documenté. On explore les lieux de vie de Jeanne Malivel, ses rares ateliers encore existants… La réalisatrice a probablement passé un temps incalculable pour recoller les morceaux de cette courte vie qui n’a donnée aucune descendance directe. Cependant la famille Malivel, à travers ses nombreux petits neveux et nièces apportent un récit poignant de ce personnage phare de l’art breton moderne, que Jeanne Malivel a voulu créer en fédérant les Seizh Breur.

   Le taillis, 1922, gravure rehaussée à l’aquarelle. Collection particulière

En 10 années de création prolifique, cette touche à tout va révolutionner l’art breton : imprégnée de l’art vernaculaire, elle le transcende tels les autres grands mouvements artistiques du moment. Les Seiz Breur n’ont rien à envier au Cubisme, Bauhaus… Les Seiz Breur sont dans la même veine que ces mouvements fondateurs. Par ailleurs Jeanne Malivel a une vision pour la Bretagne (qu’elle nomme « pays »), elle s’applique même en quelques sortes la devise « vivre et travailler au Pays » 40 ans avant la conceptualisation du principe par les mouvements Post-68 en Bretagne en installant très vite son atelier sur Loudeac et décidant de rentrer en Bretagne pour « construire sa Bretagne », de la développer dans l’art mais aussi économiquement (via l’artisanat, via la création de filatures de lin…). 

Textile d’ameublement à motifs de feuilles, cretonne imprimée 1924, Musée d’art et d’histoire de St Brieuc

C’est une avant-gardiste, féministe assumée.

Elle revendique ce féminisme et le lien à son idéal économique d’une vie et d’un travail “au pays” pour les ouvriers et artisans et notamment aux femmes de sa région : afin de défendre cette activité des femmes (retournées au foyer après avoir prouvé leur valeur sur le champs économique lorsque les hommes étaient au front) elle s’attache à défendre la condition féminine et acquiert à Loudéac de métiers à tisser qu’elle confie à des femmes leur permettant ainsi une certaine autonomie et revenu dans un démarche de production locale. Son ancrage et sa puissance de création ainsi que sa vision politique de son Pays font de Jeanne Malivel une femme ICÔNE de la Bretagne d’aujourd’hui.  Les motifs qu’elle imagine, les lignes et les couleurs qu’elle dessine, les supports et matériaux qu’elles travaillent forment un réseau artistique, qui bien plus qu’un trésor régional a une dimension nationale, internationale et absolument moderne… 

Tristan An Nedeleg, géographe et urbaniste


Le vieil arbre. Estampe. Musée de Bretagne

« Ce qui me touche dans l’œuvre de Jeanne Malivel, c’est évidemment la modernité de ses graphismes et la sensibilité de ses images.

Elle a choisi la gravure sur bois, une technique que je connais peu, mais qui exige un savoir faire et une force, un contact avec la matière qui impose une implication physique et de concentration totale. En tant que graveuse, le choix de cette pratique lente et besogneuse me parle et me semble en rapport avec son tempérament opiniâtre, mais aussi à mettre en lien avec les savoir-faire traditionnels de tissage, de broderie, autant de pratiques répétitives et exigeantes, quasi méditatives qui mettent en avant la technicité et font la beauté de ses œuvres.

Je suis aussi admirative de la générosité de sa démarche et de son engagement politique, social et féministe. Elle a mis son regard et sa sensibilité au service d’une « réactivation » de l’artisanat traditionnel breton, qui permette aux femmes de s’émanciper, dans et avec leur région. »

Lynda Durand – Architecte, graveuse


le film

JEANNE MALIVEL, UN SOLEIL SE LEVE
un film documentaire de Laurence-Pauline Boileau
2023 – 60 minutes – production par RnB!FILMS

Laurence-Pauline Boileau nous plonge au coeur de la vie tourbillonnante de Jeanne Malivel, artiste avant-gardiste et féministe injustement tombée dans l’oubli au début du XXe siècle.

Fondatrice d’un vaste mouvement artistique moderne breton, cette éternelle jeune femme décédée à seulement trente et un an, réussit à faire rayonner son art bien au-delà des frontières de sa région. Depuis quelques années, historiens de l’Art et musées se mobilisent pour faire sortir de l’oubli cette pionnière de l’art moderne et lui redonner la place d’honneur qui lui revient.

écriture et réalisation : Laurence-Pauline BOILEAU   • image : Clément BARDA et Laurence-Pauline BOILEAU •  son : Clément BARDA • étalonnage : Timothée POIREL • musique originale : Laurence-Pauline BOILEAU • production : RnB!FILMS – Brigitte COQUELLE avec la participation de TVR, TébéO, TébéSud • avec le soutien de la Région Bretagne

 

De sa formation initiale en journalisme (Université des Sciences humaines d’Avignon puis Institut français de presse, Paris), Laurence-Pauline Boileau a gardé l’esprit de curiosité, le goût des mots et le plaisir de dévoiler des vies et des histoires qui la touchent, qu’il s’agisse de fiction ou de documentaire. Plasticienne (Capes d’Arts Plastiques, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), autrice-réalisatrice et compositrice (cinéma, théâtre contemporain, animation et publicité), elle cultive son approche esthétique du propos et des images. Travaillant à l’écriture de différents projets, elle réalise un premier court- métrage « Liberté chérie » avant d’écrire et de réaliser le documentaire « Jeanne Malivel, Un soleil se lève »* qui nous plonge au coeur de la vie exceptionnelle et tourbillonnante de l’artiste avant-gardiste Jeanne Malivel.

 

autour du film

Une exposition à la Bibliothèque Forney, Paris 4e
JEANNE MALIVEL (1895-1926), UNE ARTISTE ENGAGÉE 

Jeanne Malivel (1895-1926), artiste pionnière de l’Art déco, a créé en l’espace de dix années seulement une œuvre impressionnante : peinture, gravure, mobilier, céramique, vitrail, textile…  Son engagement en faveur du renouveau des arts décoratifs est méconnu, alors qu’elle est à l’origine de la création du groupe Ar Seiz Breur (les Sept Frères), qui représente la naissance du mouvement Art Déco en Bretagne. L’exposition, qui réunit plus de 250 de ses œuvres, propose de redécouvrir cette artiste audacieuse, disparue prématurément.

(du 8 mars au 1er juillet • plus d’informations ICI)

Des ressources sur Bécédia, le site encyclopédique de Bretagne Culture & Diversité (Lorient)

et aussi..

Un article de Daniel le Couédic et un dossier complet dans BIKINI MAGAZINE pour approfondir le courant des Seiz Breur : Seiz Breur, les frères fondateurs