Colin Monie est écossais et vit à Glasgow. Il est le chef monteur de Peter Mullan et de David Mackenzie depuis leurs premiers courts métrages et confond avec eux l’exercice de son métier avec la maturation d’une amitié complice. Il commet sans scrupules quelques infidélités à l’Écosse et à ses partenaires en montant des films à l’étranger : entre autres pour Fabrice du Welz (Belgique), et Deepa Mehta (Canada). Je l’ai rencontré durant le Festival Travelling qui vient de s’achever à Rennes.

À peine avais-je perdu tout espoir d’obtenir un rendez-vous avec Colin Monie – dont le planning, venait-on de m’assurer, était plein à craquer – que je l’avisai dans le hall de mon hôtel – le sien – par hasard et bien rasé. Je réussis même, en deux temps et trois notes d’un anglais très français, à le soustraire à ses obligations festivalières pour quelques instants d’une interview qui prit peu à peu la forme d’un entretien de fond sur différents sujets : le cinéma, le montage, l’Écosse, et, parce que j’insistai, Colin Monie lui-même.

Colin est un homme discret qui, s’il aime partager sa passion et évoquer un métier invisible et difficile à définir par le plus grand nombre, semble apprécier l’ombre dans laquelle son office le place, derrière les tables de montage et en retrait au générique.
À la fin de ses études universitaires à Glasgow, son MA « Théâtre, Film et Télévision » en poche – l’un des 3 seuls établissements dans tout le Royaume-Uni qui proposent ce cursus en 1983, contre une centaine aujourd’hui – il sait qu’il ne veut pas être réalisateur mais monteur. Un métier qui ne doit rien au hasard, qu’il perçoit et vit, dès le départ, comme une vocation : « J’étais vraiment fait pour travailler avec la matière des autres, pour sonder le cœur des choses. Même après toutes ces années, je continue de préférer monter les films que de les réaliser.».

Pour lui, le montage est affaire d’inspiration et de managing. Il dit avoir énormément appris de ses années d’assistant à la BBC, et souvent plus auprès des monteurs les pires : « On se dit vite, ça je n’en veux pas, ou je ne ferais pas ça comme ça. ». Il déplore le fait qu’à l’ère des nouvelles technologies et des restrictions budgétaires, les jeunes n’aient plus les moyens d’acquérir la même expérience : « il n’y a plus vraiment d’assistants et la plupart d’entre eux sont devenus assistants de carrière. »
Tolérance, patience, persévérance et écoute sont, selon lui, les principales qualités d’un bon monteur, lequel doit composer avec plus ou moins d’heur avec les membres de l’équipe, des ego bien trempés, et la variété des personnalités : réalisateurs, compositeurs ou directeurs de la photographie : « Quand on prend connaissance des rushes et qu’il y a des problèmes, ils viennent très souvent du directeur de la photographie. Beaucoup d’entre eux cherchent à faire de belles images, mais ces belles images ne racontent pas toujours l’histoire du film ». Avec le compositeur en revanche, le travail approche souvent la perfection des accords, pour cause, Colin est musicien : « La plupart des monteurs jouent de la musique ; le rythme est si important dans notre travail ! »
Colin a quelque chose d’un sculpteur qui évalue un bloc de marbre brut et taille dedans, le casse, le polit pour en révéler la forme prédéfinie. Quelque chose d’un démiurge aussi, qui insuffle le rythme sans lequel le cœur du film ne bat pas.

Si l’on évoque souvent le duo réalisateur-compositeur comme une histoire de couple, Colin évoque celui du réalisateur avec « son » monteur comme un mariage, une union qui se renforce au fil du temps et des films, qui compte ses apogées, et ses adultères. Une association heureuse souvent, et des expériences qui ne connaissent pas la norme. Mullan est un réalisateur engagé qui utilise le cinéma pour véhiculer une pensée politique. Mackenzie est plus intéressé par la manière et fait figure d’explorateur, de chercheur de formes.

Quand je lui demande s’il existe une école écossaise de cinéma, sa réponse est politique et dévie sur l’histoire. « La plupart des Écossais se perçoivent comme un peuple occupé. Notre identité s’est construite en opposition avec l’Angleterre. Mais les sujets que nous abordons aujourd’hui ont une valeur internationale. »

Question technologies, Colin loue la démocratisation des moyens de la création. Mais pour lui, peu importe l’outil : « Ce que je fais, c’est raconter des histoires. Peu importe le matériel, l’important pour moi est de créer un pont entre un film et son public ».

Gaell B. Lerays
Parmi les films projetés au festival Travelling et montés par Colin Monie :
Fridge, Orphans, The Magdalene Sisters, Neds de Peter Mullan
Young Adam et My Name is Hallam Foe de David Mackenzie
Photo : Colin Monie pendant Travelling. Copyright Gwenaël Saliou