CÉLINE POMME, régisseuse et stagiaire écoprod : de nouvelles cordes à son arc


Céline Pomme est une jeune régisseuse qui enchaîne les tournages depuis 4 ans.

Après ses débuts à Paris, elle a choisi de vivre en Bretagne et souhaite y travailler davantage. Elle nous parle de son métier et de son engagement pour la transition écologique car elle suit actuellement la formation « ECOPROD : Accompagner la transition écologique dans l’audiovisuel et le cinéma » avec Films en Bretagne.

 


Avec un diplôme de communication et un parcours dans l’évènementiel, comment as-tu démarré dans le cinéma et plus particulièrement en régie ? Qu’est-ce qui te motive dans ce métier ? 

Après ma licence en communication, j’ai travaillé 5 ans dans l’agence évènementielle dans laquelle j’ai fait 2 années d’alternance. C’était une petite agence familiale où j’ai été la première employée, nous faisions beaucoup avec peu. J’étais donc multi-casquettes devant manier aussi bien la logistique d’un séminaire en Alsace, la coordination d’un flash mob pour 1000 personnes ou la conception d’une chasse au trésor au musée du Louvre. Ce travail m’a donné le goût du challenge, m’a appris à travailler en équipe mais surtout à beaucoup m’adapter.

J’ai ensuite décidé de partir voyager à travers le monde quelques années (Australie, Asie, Amérique du Sud) en vivant de petits jobs par-ci par-là, ce qui a fait naître en moi un besoin d’indépendance et de liberté. Si bien que lors de mon retour en France, il n’était plus concevable pour moi de rester travailler à un poste fixe.

Alors que je cherchais en vain un travail qui me convenait vraiment, un ami administrateur de production m’a parlé du métier de la régie en pensant déceler chez moi les atouts d’une bonne régisseuse. Je ne connaissais pas du tout le milieu du cinéma et encore moins le métier de la régie mais j’ai toujours aimé découvrir de nouvelles choses, j’étais donc très partante pour essayer.

Au printemps 2019, j’ai reçu un appel du régisseur général de la série Engrenages qui avait besoin d’un renfort une journée. Et me voilà sur un plateau de tournage à apprendre à me servir d’un talkie-walkie, à m’étonner qu’il y ait des chewing-gums gratuits pour tout le monde, à comprendre qu’on ne passait jamais devant une caméra en marche, bref à découvrir cet univers totalement inconnu pour moi en faisant de mon mieux le travail qu’on me demandait de faire. La journée s’est transformée en 6 mois de contrat pendant lequel j’ai appris la plus grosse partie de mon métier. Et ce fut un énorme coup de foudre par de multiples aspects. D’abord j’ai pu me mettre rapidement dans le bain car il existe beaucoup de similarités techniques entre la régie et l’évènementiel. Ce sont des métiers ambulants, impliquant de la manutention, nécessitant de la flexibilité, de la recherche constante de solutions, de l’anticipation, de l’organisation, de la bonne volonté ainsi qu’un fort sens du service.

Avec le temps j’ai constaté que pour faire ce métier il fallait aussi avoir un certain tempérament. Nous répondons aux besoins « primaires » d’une équipe de tournage : se loger, s’éclairer, s’abriter, se chauffer, se déplacer, se nourrir, se sécuriser, s’orienter… C’est un travail qui est souvent qualifié d’ingrat car les tâches qu’il implique sont souvent triviales. Pour ma part, cela me plaît de trouver les solutions qui auront pour but de faire le bien autour de moi. Et je pense que de petites attentions ont de grandes conséquences sur l’ambiance générale.

Être régisseuse sur un film n’est pas juste un travail, c’est aussi une aventure. Ce sont des rencontres, de nouvelles expériences, des endroits à découvrir, des nouveautés constantes. A chaque fois que je sors d’un projet, j’ai appris tellement de choses que je m’en sens grandie. Il faut dire que le métier de la régie est tellement transversal. Nous interagissons directement ou indirectement avec tous les acteurs internes et externes à l’équipe de tournage : de la passante qui vit dans la rue où l’on tourne au loueur de caméra, du boulanger du coin à la maquilleuse, du garagiste le plus proche à l’actrice vedette.

C’est un plaisir pour moi de regarder les films sur lesquels j’ai travaillé. Une scène peut me faire penser à des dizaines d’anecdotes. C’est le privilège des coulisses !

Pour finir, la régie assouvie aussi mon besoin d’indépendance par le fait de l’intermittence qui me permet de choisir mes temps de travail, et de me créer au fil du temps les conditions de travail qui me conviennent (durée des contrats, conditions salariales, équipe de travail).

 

Après tes premiers contrats d’auxiliaire régie en région parisienne, tu as fait le choix de t’installer à Brest. Comment se présentent les opportunités pour travailler en Bretagne ? 

La première fois que j’ai travaillé en Bretagne, c’était en mai 2021 sur un unitaire allemand nommé A summer in Brittany. J’ai été contacté par une régisseuse générale que j’avais rencontré sur un tournage dans le nord de la France. Elle a pensé à moi car le tournage avait lieu dans le Finistère sud et que mon petit ami avait déménagé à Brest l’année précédente. Ce film était littéralement une carte postale vidéo de la Bretagne. J’ai donc eu la chance de pratiquer mon métier au cœur de paysages si beaux que même les plus longues journées de blocage de route se transformaient en moment privilégié.

Avec le peu de réseau professionnel que j’avais, j’ai profité du contact de tous les techniciens bretons qui collaboraient sur le film pour écouter, m’intéresser et me projeter. Avant tout, j’ai réalisé que le cinéma faisait vivre beaucoup de monde en Bretagne et ce dans tout corps de métier. Puis j’ai entendu parler d’associations de professionnels bien développées. Cela m’a rassuré quant au fait qu’il y avait du travail et que je pourrais faire mes heures sans trop de problème. En plus de tout ça, j’ai eu un vrai coup de cœur pour l’ambiance de travail. L’équipe de bretons que j’ai rencontrée étaient de bons vivants, solidaires, ouverts, sympas en résumé. Le quotidien était agréable. Mon métier prenait alors une autre dimension. Le réveil sonnait toujours à 5h du matin mais au lieu de commencer ma journée par des immeubles et des bouchons j’avais le chant des mouettes et le bord de mer 😉

Après ce tournage, j’ai donc décidé de me lancer et de m’installer de façon définitive à Brest.

Cela m’a pour l’instant bien réussi, j’ai commencé par me rapprocher de Films en Bretagne qui m’a orientée vers Bretagne Cinéma et la base Film France Talents. Même si mon inscription sur la plateforme ne m’a pas encore apporté de travail, elle m’a permis d’officialiser mon début de carrière bretonne.

Depuis un an que je vis à Brest, j’ai eu la chance de participer à plusieurs films tournés en Bretagne tous très intéressants et variés (Le temps d’aimer de Katell Quillévéré, Les algues vertes de Pierre Jolivet et une publicité pour une banque). Ces projets, je les ai décrochés par bouche à oreille. Je fais savoir que je suis brestoise et des productions avec qui j’ai travaillé, sur Paris ou ailleurs, me recontactent quand ils ont des projets en Bretagne. J’ai aussi eu la chance de retravailler avec ma première équipe de régie bretonne avec qui j’espère retravailler régulièrement.

De façon plus générale, j’ai vraiment l’impression qu’en Bretagne, ça tourne ! La région semble faire beaucoup pour le secteur : formations, festivals, financement, accueil… Je sens une vraie dynamique ici.

Tournage
Tournage "Le temps d'aimer" de Katell Quillivéré © Ouest France

 

Justement, tu suis actuellement une formation Ecoprod avec Films en Bretagne. Pourquoi as-tu choisi de faire cette formation ? A mi-parcours de cette formation, quelles sont les changements que tu as réussi à mettre en oeuvre dans ton métier ? Comment tes actions sont-elles perçues par les équipes de tournage ? 

J’ai souhaité faire cette formation afin de poursuivre le chemin de l’éco-production que j’avais commencé à parcourir depuis le tournage de Les algues vertes. Sur ce film, de gros efforts écologiques ont été faits et cette expérience m’a fait réaliser que des volontés personnelles engendraient des actions collectives concrètes et respectées. Cela faisait des années que j’entendais parler d’éco-tournage sans jamais voir de volonté profonde se mettre en place. Là, en voyant ce qu’il était possible de faire en pratique, j’ai été convaincue et très motivée par ces mesures. Il me manquait alors de la théorie, des données, des faits et aussi des idées, ce que la formation me permettait d’acquérir.

Mado Le Fur, collègue régisseuse mais aussi formatrice « éco-production » m’a fait part de la cession organisée par Films en Bretagne qu’elle animerait, j’ai donc sauté sur l’occasion.

D’autre part, les mesures annoncées par le CNC pour 2023 vont pousser les productions à devoir faire beaucoup d’efforts pour diminuer leur empreinte carbone et ce à toutes les étapes de la vie d’un film, tournage compris. Or, la régie qui possède beaucoup de cartes en main pour faire baisser l’impact environnemental d’un tournage va donc forcément devoir intégrer de nouvelles pratiques, bousculer ses habitudes et s’adapter. J’ai vraiment envie de pouvoir accompagner au mieux ces changements et pour cela la formation est un soutien de poids. Elle permet de s’informer, de débattre, de se confronter à des études de cas et de remonter des expériences ou des idées. C’est très instructif à mon niveau et je suis impatiente de suivre la suite de la formation.

A mi-parcours j’ai d’abord changé à mon niveau. Je fais plus d’efforts personnels sur un tournage, je roule moins vite, exit les 3 gobelets par jour et la viande à tous les repas. Ensuite, j’assume plus mes positions et fais de mon mieux pour « prêcher la bonne parole » écologique. Je n’ai pas encore eu l’occasion de faire un long métrage depuis mais sur les prochains, je serai heureuse d’aider les productions dans la mise en place de mesures en m’adaptant à leur expérience. Si par exemple, la production est novice en éco-tournage, je serai là pour faire de la pédagogie, si elle essaye de mettre des choses en place mais qu’elle manque de mesures concrètes, je serai force de proposition et si elle est déjà expérimentée, je contribuerai à la démarche du mieux que je peux. Evidemment à mon échelle d’assistante régie, mon impact sera surement assez modeste mais tous les efforts qui vont dans la bonne direction sont bons à prendre.

Du haut de mon expérience d’assistante régie sur un tournage en éco production, je constate que la majorité des équipes est ouverte et respecte les mesures mises en place. Les gens sont friands de manger bio et local, ils apprécient la diminution des emballages, se plient au tri sélectif et au recyclage et encore plus quand le comment et le pourquoi leur sont expliqués. Si on indique que les mégots seront transformés en mobilier urbain par le biais d’une entreprise spécialisée et locale, les fumeurs seront plus enclins à jeter leur fin de cigarette dans les poubelles attribuées. Si on explique aux équipes qu’elles peuvent se rendre sur le plateau en 15 minutes de marche, la plupart déclineront l’option navette. Bien sûr certaines dents ont grincé lors de l’installation des toilettes sèches mais quand on sait qu’une chasse d’eau c’est 9L d’eau et qu’on est en période de sécheresse, on relativise et on s’adapte.

De nos jours, il est temps de faire preuve de bon sens et, hormis les réfractaires qu’il y aura toujours, personne ne peut ignorer les responsabilités qui nous incombent à toutes et à tous pour rendre notre métier plus vertueux écologiquement.

Propos recueillis par Caroline Le Maux, décembre 2022

Ecoprod brest22
Formation Ecoprod à Brest - novembre 2022

Voir le REPLAY dy SÉMINAIRE DE SENSIBILISATION proposé par Films en Bretagne et Ecoprod tenu en ligne le 10 novembre 2022, à l’occasion d’une journée professionnelle organisée au Festival européen du film court de Brest > ICI ⤵︎