Films en Bretagne fête cette année ses vingt ans et c’est sur cet heureux anniversaire que sa directrice depuis huit ans, Céline Durand, a choisi de passer la barre et de partir voguer vers d’autres horizons. C’est l’occasion de lui tendre une dernière fois le micro de la fédération pour parcourir avec elle la longue liste des défis relevés au nom du collectif et avec lui, de recueillir les impressions laissées par cette tranche de vie qui se finit.
Huit ans déjà. C’est en 2011 que Céline Durand arrivait en Bretagne et prenait la direction de Films en Bretagne. Elle venait de son Auvergne natale où elle était depuis sept ans coordinatrice générale d’un festival de cinéma jeunes publics, Plein la bobine, à La Bourboule et au Mont-Dore. Un festival au lancement duquel elle avait participé en tant que stagiaire quelques années auparavant, alors qu’elle terminait son DESS de médiation culturelle – gestion de projets culturels. Le cinéma était au cœur de ses projets professionnels depuis son année de maîtrise, avec une expérience de trois mois au Fespaco au Burkina Faso, et un mémoire sur le cinéma africain. Puis c’est à Meknès, au Maroc, qu’elle s’était frottée au cinéma d’animation lors d’une mission pour l’Institut français sur le FICAM (Festival International de cinéma d’animation de Meknès). Autant d’expériences et une connaissance du secteur cinématographique et des acteurs qui le promeuvent et le fabriquent qui lui ont permis, dès son arrivée, de mieux appréhender la réalité de ce nouveau terrain. « Je viens de la diffusion et de la coordination de projets. J’identifiais les différents acteurs du secteur pour avoir travaillé avec nombre d’entre eux. Mais tous les enjeux de structuration d’une filière professionnelle sur un territoire donné, c’est quelque chose que j’ai découvert en arrivant en Bretagne », dit-elle.
Après sept ans de festival, donc, Céline estime être arrivée à la fin d’un cycle et souhaite prendre une pause et un peu de recul. C’est à ce moment-clé qu’elle a vent du poste de direction de Films en Bretagne à pourvoir, et qu’elle décide de postuler. Deux entretiens plus tard, elle intègre l’équipe en tant que directrice, à la suite de Serge Steyer, et remet la pause à plus tard…
« Quand je suis arrivée, j’avais presque tout à découvrir ! C’était un vrai défi. Je savais qu’on attendait de moi de poursuivre la mise en réseaux des acteurs de la filière entre eux, de continuer à organiser cet évènement annuel qu’était alors Doc’Ouest – et qui est devenu Les Rencontres de Films en Bretagne en 2015, pour accompagner l’évolution de la production en région –, de conduire de nouvelles études et donc de nouvelles publications, et de développer la formation professionnelle. Et c’est bel et bien ce qui a constitué le plan d’action de ces huit dernières années ! », se souvient-elle.
Certaines choses se mettent en place très vite après l’arrivée de Céline. Dès 2012, Films en Bretagne devient organisme de formation professionnelle, première pierre d’un édifice qui ne cesse d’évoluer en s’étoffant au fil des ans, jusqu’à comprendre aujourd’hui des formations interrégionales et une formation continue unique en Europe, portée par Films en Bretagne et l’EESAB de Lorient : Start Motion. « C’est l’un des grands chantiers que j’ai eu à mener : développer une proposition annuelle de formations qui soit en lien avec les besoins de tous les métiers du cinéma et de l’audiovisuel en Bretagne, tout en se distinguant d’une offre de formation existante, souvent uniquement accessible à Paris. Cette offre qui s’est égrenée au rythme de six à dix sessions annuelles, nous l’avons toujours repensée, en prenant soin d’éviter l’effet catalogue lié à la répétition de propositions identiques année après année. »
La mise en place de groupes de travail pour réfléchir plus efficacement à des thématiques jugées à la fois centrales et transversales par le collectif, a constitué un autre des grands « chantiers » à mener. « Organiser la réflexion partagée et la concertation n’étant pas une mince affaire », commente Céline. Un groupe informel s’est même organisé à l’échelle interrégionale autour de la réflexion sur la formation professionnelle. Tout commence en 2014 avec une réunion fondatrice à Doc’Ouest, au cours de laquelle des enjeux communs de mutualisation ont émergé. Il s’est par exemple et dès lors agi de coproduction européenne, avec in fine la mise en place d’un programme interrégional de formation décliné en cinq modules, les premiers étant portés financièrement et logistiquement par Films en Bretagne. Cette nécessité d’une mutualisation a d’ailleurs abouti cette année à une association entre trois partenaires – Ciclic, La Plateforme, et Films en Bretagne (lire l’article dédié) – et à l’élaboration d’un programme en trois axes principaux : soutien à l’émergence, ouverture à l’international, développement des réseaux.
La formation Start Motion – qui forme en neuf mois des professionnels de l’animation à l’art du volume animé – dépasse, elle, cette dimension interrégionale, puisqu’elle a été pensée à une échelle européenne. La Bretagne est un pôle d’excellence en matière d’animation, et les professionnels du secteur souhaitent développer des projets de plus en plus ambitieux pour lesquels ils ont besoin d’étoffer leurs équipes techniques. « Les techniciens du secteur sont aujourd’hui reconnus comme de véritables orfèvres, et ils sont sans conteste la valeur ajoutée des studios rennais !« , souligne Céline. « Ils exprimaient le besoin de former les nouvelles générations, un constat et une nécessité qui rencontraient ceux de nombreux professionnels en Europe. C’est donc sur cette base et avec le soutien de la Région que Start Motion a été lancée, en co-pilotage avec l’EESAB, et en un temps record ! », résume Céline.
Fin 2010, le groupe animation a été le premier groupe de travail de Films en Bretagne à réfléchir au développement de la filière bretonne. » Des représentants de tous les collèges étaient réunis pour faire un point et le plus exhaustif possible de la situation de l’animation, et leur travail a donné lieu à la création d’un site dédié, aujourd’hui intégré à celui de Films en Bretagne (voir les pages). Ce travail a aussi débouché sur une représentation de la filière au Festival International d’Annecy à partir de 2012, sur un stand collectif réunissant l’ensemble des structures et des compétences liées à l’animation en Bretagne. Cela a été déterminant, la Bretagne faisait parler d’elle sur un festival parmi les plus importants au monde ! Cela a permis que la région soit identifiée comme un territoire d’excellence en matière de production de cinéma d’animation – avec des compétences techniques et des capacités financières accessibles pour accompagner les projets. Plus récemment, ce groupe de travail a impulsé l’organisation de séminaires de transmission de savoir et l’organisation des matinées-volume durant le festival d’animation à Rennes, en partenariat avec l’AFCA. Et bien sûr, il a débouché sur la mise en place de Start Motion », détaille encore Céline.
Pour faire ce bilan et dessiner les lignes de force, les sujets et les enjeux qui ont occupé le monde de l’audiovisuel et du cinéma en Bretagne ces huit dernières années, ces groupes de travail sont décidément une bonne porte d’entrée. L’évolution du COM signé entre la Région et les télé-diffuseurs et web-diffuseurs de Bretagne, l’accompagnement des auteurs, le rapprochement des secteurs de la musique et du cinéma, et le fonds d’aide régional ont tous été les sujets d’une réflexion partagée et qui s’est traduite en actions concrètes. Parmi ces groupes de travail les plus notables en termes de suites et d’effets, il en est un qui s’est penché dès 2013 – et avec beaucoup d’intentions… – sur le berceau de la fiction en Bretagne : il a conduit rien moins qu’à la reprise du dispositif Estran, en faveur de la création émergente, avec Estran 6, puis Estran 7 lancé cette année ; aux premières rencontres auteurs-producteurs autour de projets de longs métrages de fiction dès 2014 ; et à l’organisation de plateformes-métiers à Travelling et aux Rencontres de Films en Bretagne (co-organisées avec ATB et Action Ouest).
La filière, enfin, a donné lieu à la constitution d’un groupe de travail « filière » autour des enjeux de développement économique et international, qui a donné lieu à un travail collaboratif avec la Région. « Ce groupe « Filière » s’est réuni de façon très régulière ces trois dernières années. Il a contribué à ce qu’est la nouvelle feuille de route du Conseil régional en matière de cinéma et d’audiovisuel, un certain nombre de nouvelles orientations que Jean-Michel Le Boulanger a annoncées au moment de l’Assemblée générale de Films en Bretagne le 12 juillet dernier. C’est un beau témoignage de ce que le collectif est en capacité de produire en termes d’analyses, de réflexion et de propositions. Nous avons fait entendre notre voix, celle d’un collaborateur pertinent et efficace. Et donner à entendre depuis longtemps quel potentiel économique pour la région nous représentions ! », se réjouit Céline, qui poursuit : « Tout cela a été rendu possible, aussi, parce que le premier vice-président en charge de la culture avait à cœur de réfléchir à des politiques publiques qui soient en phase avec les besoins exprimés par les professionnels. Et la clé d’un tel dialogue, constructif, réside dans le fait d’être fédérés en une structure représentative qui permet de parler d’une seule voix. »
Ce qui l’aura d’ailleurs le plus marquée durant ces huit années aux commandes sur ce long fleuve intranquille, c’est justement ce travail collectif, les actions menées conjointement et leur impact. « Ce qui fait la force de la filière bretonne, c’est ce collectif, particulièrement nombreux et actif comparé aux autres régions. Une majorité de professionnels ont à cœur de réfléchir à des choses qui dépassent leur intérêt propre et de se mouvoir ensemble. »
Cette évocation d’un certain nombre de missions et d’actions importantes est loin d’être exhaustive et ce n’est pas un article, mais un dossier qu’il faudrait envisager pour rendre compte du chemin parcouru ces huit, ou dix dernières années, par et pour la fédération. L’équipe de permanents est là pour en attester, passés de 3 à 7, aujourd’hui à pied d’œuvre pour écouter, former, représenter, promouvoir, mobiliser, convaincre, structurer, accompagner tout le PAB !
Pour l’avenir, Céline parle de la nécessité de penser celui de Films en Bretagne en termes de nouveaux axes et de nouveaux enjeux, dont celui notamment d’une ouverture à l’international. » Quelque chose a été renforcé à l’échelle régionale et interrégionale, et qui va pouvoir maintenant se développer à l’échelle européenne et internationale. C’est un moment très intéressant pour Franck Vialle, le nouveau directeur, qui va pouvoir profiter des acquis pour développer l’action de Films en Bretagne sur d’autres plans. Et c’est pour moi le bon moment pour passer le relais », conclue-t-elle.
Demain, Céline part, sereine, pour de nouveaux horizons, pas si lointains… C’est à la Direction de la Culture à la Région qu’elle ouvrira une nouvelle page, un retour à ses premières amours puisque cette ancienne étudiante en lettres modernes s’occupera désormais principalement du livre et de la vie littéraire. Elle rejoindra toute l’équipe du service Images et Industries, piloté par Guillaume Esterlingot : « Je suis curieuse de passer de l’autre côté du miroir ! Voir comment les choses s’organisent, se pensent, et se décident chez ceux qui ont été mes interlocuteurs durant huit années, et qu’il me plaît de retrouver. »
Gaell B. Lerays