RETOUR D'ÉCRAN (Par Samuel Zbynovsky)
Le Cinéma, Monique et Moi est un documentaire qui nous plonge dans la rencontre entre la réalisatrice, Julie Rambaud, et l’ancien cinéma de Paimboeuf qui fut en partie tenu par Monique Crusson.
En mêlant images d’archives, témoignages et exploration de la réalisatrice au cœur des vestiges de cet ancien cinéma des années 30 nommé Le Français, le film arrive délicatement à nous faire revenir à une époque où le cinéma était l’une des seules distractions populaires. On découvre alors l’importance de ce lieu en tant que place centrale du village, où l’on y venait, on s’amusait, on se retrouvait entre amoureux ou avec ses amis. Comme le dit un des villageois qui témoigne dans le film : « Le cinéma, c’était le poumon de la ville ! ».
Dès le début du documentaire, on sent qu’on est emmené vers quelque chose d’intime. Nous suivons une quête, celle de la réalisatrice, à vouloir renouer avec la tradition d’un cinéma forain, qui rassemble, qui vient mettre de la vie au centre. Le film commence d’ailleurs sur la route, à l’intérieur du bus-cinéma de la réalisatrice et de son compagnon. On apprend qu’ils vont de village en village, projeter des « films qui font du bien », pour reprendre leurs mots.
D’ailleurs, en suivant l’histoire du cinéma Le Français, on découvre que la famille Crusson avait d’abord commencé par un cinéma ambulant, et qu’ils étaient passés par Noirmoutier, La Bernerie, Saint-Brevin-les-Pins. Les mêmes villages que ceux où la réalisatrice est passée avec son bus cinéma y projeter des films. Une coïncidence troublante pour la réalisatrice qui a décidé de poser ses valises dans ce village au bord de l’estuaire de la Loire, mais lien pour nous, spectateurs, créant une résonnance subtile entre le passé et le présent.
Tout au long du documentaire, nous suivons l’histoire de René et Ernestine Crusson, puis de leur fille, Monique, nous découvrons alors que Le Français, c’est une histoire de famille. Nous suivons l’évolution du cinéma au fil du temps, dans le contexte de la Seconde Guerre Mondiale, où l’on apprend que la famille cachait un Polonais dans une petite trappe des loges du cinéma, puis de l’après-guerre où Monique reprend le cinéma. Ce parcours nous dit quelque chose de fort sur ce qui rend une ville vivante, ce lieu si important pour la vie sociale ne tient finalement qu’à l’énergie et au courage de quelques personnes.
Puis, le film continue le récit historique du cinéma jusqu’à nos jours, en revenant sur des films tournés à Paimboeuf, ainsi que sur la vie de Monique Crusson qui se termina d’une manière plutôt tragique. Cette plongée dans les archives nous permettent de comprendre l’évolution d’un tel cinéma de village, mais aussi son arrêt dans un contexte de fermeture de l’usine de Paimboeuf, principal lieu d’activité du village et obligeant Le Français à fermer.
Le Cinéma, Monique et Moi est un bel hommage au cinéma à l’époque de son âge d’or. En suivant l’histoire du cinéma Le Français au fil du temps, la réalisatrice arrive à dresser un portrait sensible de Paimboeuf, faisant ressurgir tout une vie grâce aux nombreuses images d’archives et aux témoignages attachants. Le documentaire fait le constat d’une certaine désertion du village où les vestiges du cinéma Le Français ont été préservés, dont sa façade marquante qui piqua la curiosité de la réalisatrice habitant à deux pas, permettant de révéler son histoire.
Aujourd’hui, alors que nombreux des villages sont abandonnés, où le divertissement s’est tellement diversifié et individualisé, ce documentaire nous invite à recréer du lien. À l’heure on l’on se rend bien compte qu’il est nécessaire de dynamiser la vie locale en dehors des grandes villes, ce film fait du bien ! Il nous fait replonger dans l’histoire, pour se rappeler de la force qu’a le cinéma pour se rassembler.
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Samuel Zbynovsky, novembre 2024.
Sur la réalisatrice : Julie Rambaud
Enseignante de français et histoire-géographie, Julie Rambaud rompt avec l’Education nationale pour se consacrer pleinement à la création d’un cinéma ambulant dédié à la promotion du court-métrage.
Après l’aménagement d’un ancien bus scolaire et une année d’itinérance au Portugal où elle lance la première édition du festival Le plein de Super, elle revient avec le bus-cinéma dans les Pays de la Loire, où le festival continue aujourd’hui encore. Coordinatrice multifonction de l’association La boîte carrée, elle assure entre autres la sélection et la programmation des films.
En 2013, elle coréalise avec Yan Rambaud Suite à un voyageur, collage audiovisuel inspiré d’un roman. Son émerveillement pour les images d’archives et la pellicule l’amène à son premier film documentaire autour de son nouveau port d’ancrage : Paimboeuf.
Sur le film : Le Cinéma, Monique et moi
Le Cinéma, Monique et moi de Julie Rambaud
Je suis projectionniste. À l’issue d’une tournée de cinéma itinérant, je pose mes valises à Paimbœuf, une petite commune sur l’estaire de la Loire. Quelques rues derrière moi, les vestiges d’un cinéma des années 30 m’intriguent. Comment a-t-on pu l’abandonner ? Que renferme la façade murée ? Je mène l’enquête. Les Paimblotins me racontent des histoires, et le vieux cinéma se remet à vibrer…
52 minutes • France • 2024
Réalisation et son : Julie Rambaud • Image : Julien Bossé, Yan Rambaud et Tangi Le Bigot • Montage : Emmanuelle Pencalet • Musique originale : Clémence Jolie et Coline Godinot
Une production .Mille et Une. Films