Initié par Images en Bibliothèque, le Mois du Film Documentaire ou « Mois du Doc » est un rendez-vous national que chaque région organise à sa manière. En Bretagne, l’événement est coordonné par quatre responsables départementaux, dont le finistérien Erwan Moalic qui s’investit depuis 20 ans pour cet événement qu’il considère comme une « aubaine ».
La veille d’un départ pour l’île de Sein où il accompagne deux projections pour l’inauguration du Mois du Film Documentaire 2019 en Finistère, Erwan Moalic revient sur 20 années de coordination engagées au service de la diffusion du documentaire en région. « Au lancement du Mois du Film Documentaire, c’est Daoulagad Breizh, coorganisateur du festival de Douarnenez, qui a chapeauté l’évènement en Bretagne avec la COBB (Agence de coopération des bibliothèques de Bretagne) et en partenariat avec l’association Films en Bretagne en train de se créer. La première édition s’est déroulée du 23 mars au 30 avril 2000. Nous avions coordonné et accompagné 60 séances dans une trentaine de lieux de projection sur l’ensemble du territoire breton », se rappelle Erwan. Vingt éditions plus tard, celui qui porte l’audiovisuel de Bretagne au devant de la scène avec l’association Daoulagad Breizh ainsi que Maxime Moriceau de l’association Tyfilms, Émilie Morin de Comptoir du doc et Sarah Budex de Cinécran, respectivement coordinateur et coordinatrices du département des Côtes-d’Armor, d’Ile et Vilaine et du Morbihan, peuvent se féliciter des 398 projections aujourd’hui programmées en Bretagne.
Au delà du nombre toujours croissant d’entrées (20 000 l’année dernière) et du maillage toujours grandissant de partenaires diffuseurs parmi lesquels de nombreuses bibliothèques et médiathèques, Erwan revendique une spécificité régionale plus qualitative que quantitative qui se perpétue depuis 20 ans : favoriser la rencontre et le débat est indissociable de la volonté de montrer des films. Depuis la première édition, les séances se font donc quasiment à chaque fois en présence des réalisateurs, de façon à ce que ces derniers puissent rencontrer des publics diversifiés et s’y confronter. « Il arrive que les spectateurs soient très au fait du sujet traité par l’auteur ou particulièrement investis et que les débats soient très animés. Il arrive aussi, comme pour le documentaire Nous n’étions pas des Bécassines de Thierry Compain, qui donne la parole a des exilées bretonnes montant à Paris pour gagner leur vie comme femmes de ménage, que des lieux de projection vibrent de l’émotion de celles et ceux qui sont à la fois à l’écran et dans la salle .. »
Il ne fait pas parti des prérogatives des coordonnateurs départementaux d’accompagner les séances mais de les préparer en amont avec leurs partenaires. Pour autant, ce goût de la rencontre autour du genre documentaire, Erwan n’en a pas perdu la saveur. Et lorsqu’on l’interroge sur la projection à venir dans la salle Sant Gwenole de l’île de Sein où seront projetés le film de Liza Le Tonquer Les corps soignants et celui de Thierry Bourcy et Philippe Gallouedec Alexis Gourvennec, le paysan de la république, il se réjouit à l’idée de voir se réunir des gens aux aspirations différentes, issus de la centaine d’ îliens qui habitent Sein, autour d’un film et au devant d’une réalisatrice ou d’un réalisateur qu’ils n’auraient sans doute jamais rencontrés en d’autres occasions. « Le bénéfice est tout aussi grand pour les auteurs qui se nourrissent de ces échanges, précise Erwan, et très rares sont celles et ceux qui boudent les tournées du Mois du Doc… »
Le choix des films proposés aux diffuseurs se fait de concert entre les quatre associations bretonnes en charge du Mois du Film Documentaire. Seul impératif : les œuvres doivent être accompagnées et suivies d’un débat. Du point de vue financier, une mutualisation des moyens est mise en place de manière à ce que les frais inhérents à la venue des réalisateurs, imputés aux structures accueillantes, soient les même pour tous. Cette gestion des coûts assurée par les coordonnateurs est accompagnée de formations proposées aux responsables, salariés et bénévoles, de la programmation pour les aider à animer les séances et les débats. Et c’est toute cette organisation, articulée autour de la priorité donnée à la rencontre, qui fait la spécificité bretonne du Mois du Film Documentaire. « Depuis une dizaine d’années nos quatre associations ont mis en place la coordination régionale du Mois du film documentaire. Nous bénéficions d’une enveloppe de la Région pour l’organisation de l’événement, qui s’étend de mai à décembre. C’est une chance dont ne profitent pas forcément les autres régions », rappelle Erwan qui aimerait que le secteur de l’audiovisuel et du cinéma en Bretagne identifie mieux l’événement et mesure l’aubaine qu’il représente pour la production cinématographique bretonne. « Les réalisatrices et des réalisateurs qui ont accompagné leur film, qui ont été accueillis par les partenaires et qui ont rencontré des publics très demandeurs, ont peut-être davantage conscience de ce que représentent ces rencontres pour la profession et de manière générale pour un genre dont la vocation est justement d’ouvrir sur l’autre et de le rencontrer .» Des rencontres par centaines qui encore cette année feront le sel du mois du film documentaire en Bretagne.
Yves Mimaut
Récit de Thierry Bourcy autour de la projection de son film sur l’île de Sein