14-18 au-delà de la guerre, une collection interrégionale


Mêlant la grande histoire à des récits individuels, la collection « 14-18 au-delà de la guerre » explore les retentissements du premier conflit mondial sur la société française. Marie Laurence Delaunay, Candela productions, a réalisé et produit l’un des six films. Tous ont été portés par des producteurs installés en région et par les Pôles régionaux de France Télévisions. Récit d’une aventure collective.

C’est en 2012 que Christian Lamarche, des Docs du Nord, prend contact avec Marie Laurence et Franck Delaunay, de Candela productions, pour leur parler d’un projet. Tous trois se connaissent bien, depuis leur participation à Produire en région, nordiste et bretons partagent régulièrement leurs expériences. Ils ont d’ailleurs coproduit un documentaire, Gagarinland, en 2011.

L’idée de Christian Lamarche et du réalisateur Olivier Sarrazin est de tourner la caméra vers la société française pour raconter l’arrière dans la guerre et montrer comment ces cinquante et un mois de conflit sanglant ont transformé la France en la faisant pénétrer de plain pied dans le XXe siècle. Ce projet de collection est destiné à être proposé à l’ensemble des antennes régionales de France 3. Christian Lamarche propose à Candela une association avec deux autres producteurs installés sur le territoire. Marie Laurence et Franck Delaunay, que l’axe sociétal du projet intéresse, contactent Valérie Dupin des Productions du Lagon (La Ciotat) ainsi qu’Isabelle et Patrick Séraudie de Pyramide Production (Limoges). Marie Dumoulin produira, quant à elle, les films des Docs du Nord (Lille). « L’idée était de réunir des producteurs installés dans les pôles régionaux de France télévisions, quatre sociétés, quatre pôles, un bel équilibre territorial ! Et puis nous nous connaissons bien, avons la même sensibilité quant au documentaire de création, et des savoir-faire à partager, » précise Franck Delaunay.

Les commémorations du centenaire de la guerre 14-18 arrivent à grands pas et les chaînes de télévision ont fait connaître leurs souhaits en la matière. Jean-Michel Le Guennec (1) du Pôle régional Nord Ouest de France Télévisions souligne : « Nous avions le souhait de lancer une collection interrégionale sur le premier conflit mondial. Sachant que beaucoup de choses allaient voir le jour au sein de France Télévisions, – je pense notamment à « Apocalypse » pour France 2 –, nous avions transmis notre envie de raconter la vie des français à cette époque et ce que la guerre a modifié dans la société. »

Les réunions se mettent en place: il s’agit d’étudier la manière de travailler ensemble et de définir les thématiques des films. « J’ai beaucoup lu d’ouvrages écrits juste après guerre : des récits au quotidien qui m’ont fait entrer dans des vies, je me suis prise de passion ! », se rappelle Marie Laurence Delaunay, « ensemble, nous avions validé l’idée de proposer différents sujets. La Première Guerre mondiale est fondatrice à bien des égards, et il y a des thématiques évidentes qui se sont dégagées. La proposition que nous avons soumise aux pôles régionaux était d’en explorer huit : la famille, la politique, l’ouverture au monde, les réfugiés, les territoires occupés, le travail, le développement de la société de l’information et l’argent. C’est sur cette dernière que j’ai travaillé pour Du coffre fort à la dette»

Jean-Michel Le Guennec et ses homologues des Pôles reçoivent et étudient plusieurs propositions. « En comité éditorial, nous en avons pitché deux. Nous avons apprécié cette proposition bien documentée. Et nous avons insisté sur la nécessité de partis pris artistiques forts, comme le recours narratif aux personnages « croqués ». Cette introduction du travail de dessin permet d’incarner les personnages des films sans pour autant recourir à la fiction, ce qui est lourd pour des projets régionaux et pas toujours gage de réussite. »

Les correspondances comme autant de traces d’un passé collectif

Forts de cet aval de France 3, les producteurs poursuivent le travail de développement. « À la demande du diffuseur, j’ai co-réalisé avec Olivier Sarrazin un début de film d’une dizaine de minutes sur le projet que nous avions proposé. Il s’agissait de valider avec la chaîne l’écriture du projet dans la perspective d’en dégager une charte de réalisation commune à l’ensemble de la collection ». Marie Laurence Delaunay a une formation en économie sur laquelle s’appuyer et s’est « beaucoup documenté pour le pré-dossier. Quand le projet a été acté en comité éditorial, chaque société avait la liberté de choisir les réalisateurs. Comme j’avais acquis une bonne connaissance du sujet et que ça me passionnait, j’ai décidé de réaliser le film. »

« Parmi les correspondances, je ne trouvais que peu de choses utilisables sur mon sujet. Des bribes ici et là au fil de mes lectures… J’ai donc préféré créer des personnages et leur correspondance en m’inspirant de vrais écrits. Outre que cette option sert la dramaturgie, elle me permet de créer des situations qui structurent le film et développent des points de vue. Les autres réalisateurs se sont appuyés sur des personnages existants. » Marie Laurence choisit deux personnages d’une même famille, Pierre, un jeune appelé et sa sœur Anne, une institutrice restée à Rennes. Au fur et à mesure que la France s’enfonce dans le conflit, Pierre et Anne échangeront des lettres et partageront leur ressenti de la guerre, questionnant les choix qui sont faits par l’Etat et l’administration, évoquant la difficulté de leur quotidien, lui sur le front et elle, dans la vie civile.

Cette phase de développement – soutenu par la Région Bretagne et la Procirep – est aussi l’occasion de s’emparer des premières images, beaucoup de photos, des films de propagandes, et de concevoir le travail de reconstitution graphique des personnages fictionnés.
Hervé Huneau, infographiste, assisté de Philippe Maujard et Nathalie Bodin, illustratrice, entrent dans la danse. Pierre et Anne ont désormais un visage et une silhouette, ils peuvent se fondre dans les prises de vues de l’époque. « Au moment de la mise en production du film, le travail sur le dessin et l’infographie s’est fondé sur ces étapes préparatoires, » précise Marie Laurence. « Le numérique décuple les possibilités de travail iconographique, ça donne une dynamique à l’écriture. Il n’y a pas de limite à la créativité, le seul danger est d’abuser des effets : il faut chercher l’équilibre. »

Les projets sont mis en production avec un mode d’accompagnement inhabituel par les équipes de France télévisions. Jean-Michel Le Guennec explique : « Parce que ce projet était issu des réflexions des groupes de travail des coordinateurs éditoriaux, chaque coordinateur de pôle a suivi les films issus de son territoire. J’ai donc eu le plaisir d’accompagner Du coffre fort à la dette. La collection était pilotée par Marc Ripoll, coordinateur pour le Pôle Sud-Est, et Jérôme Poidevin de la Direction à la coordination des Antennes Régionales. Associer ainsi plusieurs échelons de France Télévisions a permis de mieux  financer les films. »

Franck Delaunay complète : « l’accompagnement de France Télévisions a été supérieur à ce que nous connaissons sur les projets conduits avec les antennes régionales. D’abord les thématiques étaient transversales et non reliées à un territoire en particulier. Le diffuseur a souhaité que cette collection ne soit pas régionaliste. Ensuite, au niveau financier, on avait une ambition, des archives, de l’infographie et conscience du budget que pouvait mettre le diffuseur. Tout dépendait de notre capacité à mettre tout cela en œuvre au mieux. » Pour augmenter leur apport, le diffuseur – antennes et Direction des Antennes Régionales – n’a engagé que six films sur les huit présentés avec 25 000 euros de numéraire par film plus un apport en industrie de 50 000 euros.

Les deux thématiques non retenues, le travail et le développement de la société de l’information, sont traités transversalement dans les projets. Car tous ont pensé les films comme faisant partie d’un tout. « La collection a été au cœur des réflexions collectives, et les caractéristiques communes à chaque unitaire ont été bâties en concertation entre auteurs, producteurs et diffuseur », précise Franck Delaunay. Ainsi la narratrice Romane Bohringer est celle des six films, chaque récit s’appuie sur des histoires singulières, les experts sont cadrés de la même manière, le recours au dessin pour les scènes de reconstitution est récurrent, la musique originale et la charte graphique communes. Jean-Michel Le Guennec se félicite de cette unité voulue par la chaîne, « nous avons une collection qui présente une cohérence graphique et d’écriture. Nous voyions dans ce projet la possibilité de mettre en place une vraie charte, il s’agissait de ne pas se satisfaire d’unitaires juxtaposés. »

« Ces faits datent de cent ans mais les bouleversements créés par la guerre sont encore en action aujourd’hui, » précise Franck. Un point de vue partagé par Jean-Michel Le Guennec qui ajoute : « Cela montre combien les traces que le conflit mondial a laissées sont indélébiles. Les réalisateurs ont su travailler pour rendre accessibles des problématiques complexes et leur résonance avec l’actualité. » Du coffre fort à la dette nous permet de comprendre avec acuité comment les finances publiques et privées sont fondamentalement asséchées au sortir de la guerre et quelle sera l’ampleur de la tâche pour sortir de cette crise. Et de se rendre compte aussi que si l’on avait pu partager un repas de famille avec nos arrières grands-parents, nul doute que la conversation aurait pu tourner autour de préoccupations communes : épargne, dévaluation, crise du pouvoir d’achat…

Prêts à recommencer

Incontestablement le bilan est positif de part et d’autre. Franck et Marie Laurence Delaunay ont apprécié le défi à relever : « Nous avons mené une entreprise collective aux côtés d’autres producteurs et répondu à un cahier des charges ambitieux. La collection a été labellisée par notre partenaire La mission du centenaire. C’est une belle reconnaissance et une présence dans le catalogue officiel des opérations de commémoration. » Côté France 3, Jean-Michel Le Guennec confirme l’engouement : « C’est une vraie réussite. Nous espérons que l’audience sera au rendez-vous. Nous avons souhaité une meilleure visibilité et proposons la collection dans son intégralité au public de toutes les régions. Les films seront diffusés simultanément sur toutes les antennes régionales pendant la semaine du 11 novembre. » Cette expérience conforte également les coordinateurs régionaux dans leur souhait de coproduire d’autres collections. « Nous sommes attentifs à de telles propositions, avec une attente de projets qui porteraient sur la société française d’aujourd’hui. Une nouvelle mission vient d’être confiée à Olivier Montels (2), il devient Directeur des programmes régionaux au sein de la Direction des Antennes Régionales à France télévisions. C’est le chaînon manquant que nous attendions pour créer plus de passerelles entre les unités de programmes de France 3 et les antennes régionales. Cela devrait permettre une meilleure coordination entre l’offre nationale et régionale et ouvrir des possibilités de financements supérieurs. »

A bon entendeur…

Elodie Sonnefraud

(1) Directeur Délégué à la Coordination Editoriale – France Télévisions Nord Ouest

(2) Auparavant Délégué régional de l’antenne France 3 Île-de-France

Du coffre fort à la dette, de Marie Laurence Delaunay, 52’, 2014

Une coproduction Candela productions et France 3 avec le soutien de la Région Bretagne, de la Procirep, société des producteurs et l’Angoa, le Centre National du Cinéma et de l’Image Animée, du Ministère de la Défense – Secrétariat général pour l’administration – Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives, de la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale.

Ce film a reçu le label « Centenaire » délivré par la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale.

Dates de diffusion : 14-18 au-delà de la guerre, Une coproduction France 3 – Candela Productions – Les Docs du Nord – Les Productions du Lagon – Pyramide Production.

Dissusion sur toutes les antennes régionales la semaine du 8 au 15 :

L’union sacrée, ciment d’une nation en guerre de Jonathan Carlon : Samedi 8 novembre 15h20

Du coffre-fort à la dette de Marie Laurence Delaunay : Lundi 10 novembre 08h50

Derrière la muraille d’acier de Olivier Sarrazin et Christian Lamarche : Mardi 11 novembre 09h50

Les boches du nord de Olivier Sarrazin: Jeudi 13 novembre 08h50

Familles en guerre de Suzanne Chupin : Vendredi 14 novembre 08h50

Ils sont venus sauver la France de Jean-Pierre Carlon : Samedi 15 novembre 15h20

 + Du coffre-fort à la dette sera rediffusé sur France 3 Bretagne le samedi 29 à 15h20.

Pour plus d’informations : rendez-vous sur le site de la production