Il y a deux mois, Cécile Petit-Vallaud, la nouvelle directrice de la Cinémathèque de Bretagne, prenait ses fonctions. Après avoir passé trente-trois ans à Paris, cette native de Rennes, qui a quitté la Bretagne à 18 ans, savoure aujourd’hui son retour. A la tête d’une association qui a collecté depuis 1986 plus de 27 000 films tournés en Bretagne ou par des Bretons, elle entend prolonger le travail de ceux qui l’ont précédée, mais aussi insuffler une nouvelle dynamique à la cinémathèque, qui, à ses yeux, mériterait d’être mieux identifiée et mieux reconnue. 

 

– C’est à Paris que vous avez jusqu’à aujourd’hui construit votre parcours professionnel. Quelles en sont les grandes lignes ?

Cécile Petit-Vallaud : J’ai quitté la Bretagne pour poursuivre des études de cinéma, qui à cette époque n’existaient pas dans ma région. Ensuite j’ai commencé à travailler à Paris comme assistante de production, avant d’intégrer de grands groupes comme UGC, MK2, ou encore TF1. J’assurais différentes missions allant de la mise en place de la stratégie marketing autour de la sortie des films à la coordination de tournages d’émissions à succès. Ensuite j’ai travaillé 5 ans à Septembre Productions, comme adjointe du producteur Jean Nainchrik. J’ai accompagné de nombreux téléfilms diffusés notamment par France 2 et France 3, ainsi que des longs métrages. Enfin en 2004, j’ai intégré la Commission du film d’Ile-de-France, un établissement public au service des producteurs. J’ai notamment dirigé les finances de la commission, mais j’avais pour autre tâche, – et cela m’a passionnée -, de mettre en relation des producteurs français avec des homologues européens pour faire naître des co-productions. Karé Productions a, par exemple, trouvé par notre intermédiaire un partenaire italien pour produire La vie très privée de monsieur Sim, sorti le 16 décembre 2015.

– Pourquoi avoir quitté un métier qui vous passionnait ?

En réalité cela faisait huit ans que je nourrissais l’envie de revenir en Bretagne. En 2008, j’ai même été candidate à un poste de chargée de mission pour Accueil des tournages en Bretagne qui était alors intégré à Films en Bretagne. Mon métier me passionnait, c’est vrai, je n’étais pas prête à faire mes valises à n’importe quel prix, mais lorsque la place de directrice de la Cinémathèque de Bretagne s’est proposée à moi, je n’ai pas hésité. Pouvoir participer à la préservation et à la valorisation de la mémoire filmée de ma région était une opportunité que je ne voulais pas rater.

 

– Pour faire acte de candidature, vous avez dû proposer un projet global sur trois ans pour la Cinémathèque. Quelles sont aujourd’hui vos perspectives de directrice ?

Il s’agit d’abord de prendre mes marques, de cerner, par exemple, le maillage des partenaires de la Cinémathèque pour travailler efficacement avec eux. Les membres du conseil d’administration et les salariés de l’association m’aident dans ma prise de fonction. Ensuite il n’est pas question de révolutionner les missions essentielles de la cinémathèque, mais de travailler entre autres à rendre nos fonds plus accessibles et plus attractifs.

– De quelle manière ?

En facilitant, par exemple, la diffusion des images. Prochainement nous allons installer une nouvelle version de notre base de donnée DIAZ. Nous serons bientôt en mesure de mettre en ligne davantage de films sur notre site, et de les envoyer plus rapidement à ceux qui souhaitent les valoriser. Par ailleurs, il serait souhaitable que nous puissions accueillir plus de public dans nos locaux de Brest. Seules deux petites pièces de visionnage existent actuellement, ce qui est insuffisant.

 

– Vous célébrez cette année les trente ans de la Cinémathèque. Une occasion de mieux la faire connaître ?

Oui, mais pas seulement. Il s’agit aussi de rendre hommage aux 1700 déposants de la Cinémathèque et à tous ceux qui ont participé au collectage, à la préservation, au référencement, et à la diffusion des fonds. De nombreux événements vont ponctuer l’année pour ce trentième anniversaire. Sur notre compte Facebook, nous avons déjà mis en place une éphéméride. Le 8 janvier par exemple, nous avons diffusé les images d’un cinéaste amateur qui a filmé les inondations de janvier 1936 à Nantes. La moitié de notre collection est d’ailleurs faite de films amateurs, ce qui en fait la rareté.

Nous allons aussi mettre en avant pour cet anniversaire les appareils de prise de vue confiés à la Cinémathèque par les déposants. Ici on ne collecte pas que des films, mais aussi des affiches, du matériel audio-visuel. Une exposition d’abord virtuelle baptisée « 30 ans, 30 appareils » va être mise en ligne. Et puis il y aura des ciné-concerts, des projections thématiques dans Les Studios à Brest, mais également dans des salles de Rennes et de Nantes… La programmation n’étant pas encore aboutie, je ne peux pas tout vous dévoiler, mais les informations seront accessibles en ligne.

 

– Au delà de l’événement des trente ans, comment redynamiser la Cinémathèque ? 

Afin d’accroitre la valorisation de nos fonds, je crois que nous devons augmenter le nombre de nos partenaires, collaborer avec les facultés, les musées ou encore le secteur touristique. Notre travail de référencement est aussi très important, surtout avec un catalogue aussi diversifié que le nôtre. Nous conservons, par exemple, les films des Expéditions polaires françaises, aujourd’hui rebaptisées Institut polaire français, situé à Plouzané dans le Finistère. Pour rendre exploitable cette matière, nous faisons intervenir des spécialistes qui nous aident à documenter et à indexer les images. Nous faisons régulièrement appel à l’extérieur pour référencer les films qui touchent à des domaines particuliers, même régionaux, comme ceux sur la danse bretonne.

 

– Lorsque vous parlez de valorisation, il s’agit aussi de rentrées d’argent. La gestion financière de l’association fait-elle partie de vos missions ?

Oui. La Cinémathèque est financée à plus de 60% par des subventions publiques (Villes de Brest et de Rennes, Région, Département du Finistère et de la Loire Atlantique, CNC), le reste ce sont des fonds propres. La vente d’images est donc importante pour nous. Au delà des enjeux d’accessibilité à nos images dont j’ai déjà parlé, je crois que nous devons être plus présents sur les marchés professionnels, sur les festivals, auprès des acteurs du cinéma, de l’audiovisuel, et de la culture en général. Par ailleurs, l’association est habilitée depuis 2 ans à faire appel au mécénat. Je suis certaine que des entreprises bretonnes seraient prêtes à participer financièrement à la sauvegarde du patrimoine audiovisuel breton. Une meilleure conservation de nos pellicules implique, par exemple, l’achat de boites spéciales, dont le coût avoisine les 40 000 euros. Un ou plusieurs mécènes pourraient nous aider. Il faut aller à leur rencontre.

 

– La préservation et la numérisation des films est un peu votre leitmotiv.

Oui, d’autant plus que la numérisation n’est pas une fin en soi. L’obsolescence des supports numériques et des appareils de lecture induit une nouvelle sauvegarde de nos films environ tous les huit ans. Il nous est même arrivé de repasser sur support analogique des films qui avaient été numérisés. En terme de stockage numérique, les chiffres donnent le vertige. Nous avons environ 200 tera de données, ce qui représente 12 500 clefs de 16 giga ! Nous avons aussi besoin de beaucoup d’espace pour stocker les bobines, les cassettes, les appareils, les affiches… Aujourd’hui tout cela est réparti sur trois sites différents, mais la ville de Brest va mettre à notre disposition un nouveau local pour réunir notre fonds.

Propos recueillis par Yves Mimaut

 

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