Le 7 Juillet dernier, les adhérents de Films en Bretagne ont élu leur nouveau président, Pierre Vivet. Membre actif du collège des techniciens depuis plus de deux ans, cet ingénieur du son, co-fondateur de l’association Aqua sapiens, succède à Hubert Budor au gouvernail de l’Union des professionnels. L’occasion pour nous de revenir sur son parcours et les raisons de son engagement.
C’est en 2000 que Pierre Vivet est venu poser ses valises sur le sol breton, plus précisément à Lorient. L’architecture de la ville est certes séduisante, mais c’est avant tout pour des raisons professionnelles qu’il quitte à cette époque son Paris natal. En effet, Patrick Le Lay, alors PDG de TF1, a décidé d’y implanter TV Breizh, une chaîne 100% chapeau rond qui diffusera les programmes en langue bretonne. L’appel d’air occasionné par la création de l’antenne entraîne le recrutement de nombreux techniciens. Un important pôle audiovisuel se met en place et Pierre, qui depuis 1993 s’est forgé une solide expérience dans le domaine de la post production sonore, saisit l’opportunité de quitter le microcosme parisien. Montage son, bruitage, mixage, prise de son… Son profil complet l’amène à superviser la création des studios sons, situés dans l’enclos du port de Lorient laissé vacant par la Marine nationale quelques années auparavant.
« Il y avait une véritable filière à mettre en place, » se souvient-il, « je me suis occupé de la construction des auditoriums. J’ai rédigé les cahiers des charges, commandé les équipements. On a créé l’un des premiers studios de postproduction audiovisuel en Bretagne qui permettait d’assurer les doublages en breton et le montage des émissions. »
Pendant neuf ans, Pierre va donc diriger le travail des comédiens et s’occuper de la prise de son et du mixage, faisant de Spirou et de Columbo de parfaits armoricains. Une activité qui l’amène à se familiariser avec la langue régionale. « J’avoue que je ne parlais pas du tout le breton au début, » confesse-t-il, « mais, avec le temps, j’ai fini par en acquérir une bonne compréhension. » Il prend aussi goût à la douceur des rivages morbihannais, si bien que lorsque l’aventure TV Breizh s’arrête, il décide de rester. « J’ai apprécié la qualité de vie que j’ai trouvée ici. À Paris, les relations professionnelles sont plus clivées, en Bretagne, les choses sont plus perméables. »
Avec le réalisateur et chef-opérateur Sébastien Thiébot, il crée en 2007 l’association Aqua Sapiens, spécialisée dans les tournages maritimes et sous-marins. Il faut dire que notre homme est à l’aise en mer depuis qu’adolescent, il venait faire de la voile en rade de Brest. Les deux techniciens amarinés collaborent avec Océanopolis, Thalassa ou encore Arte, faisant de la captation amphibie une de leur marque de fabrique. Néanmoins, l’approche du travail sonore de Pierre ne se limite pas aux milieux aquatiques. En attestent ses collaborations sur des courts métrages comme pour Drumming Bones d’Etienne Cadoret, L’inconnu me dévore d’Avel Corre ou encore, plus récemment, Jusqu’à ce que la mort nous sépare de Germain Huard.
« Mon parcours est plutôt atypique car j’ai démarré par le mixage avant de faire de la prise de son direct. C’est pour cela que j’affectionne tout particulièrement le montage son. Car c’est à ce moment que se construit l’univers sonore d’un film. En constante interaction avec l’image, qui délivre une émotion principalement factuelle, le son s’adresse directement à l’inconscient, au cerveau reptilien et provoque des émotions brutes. »
Bien qu’il se présente avant tout comme un technicien, ce musicien de formation, qui se sent plus « transmetteur qu’artiste », sait aussi développer ses propres créations. Il prépare notamment une suite de documentaires à destination de la radio. Le concept ? Infiltrer différents groupes sociaux et les restituer du seul point de vue des ambiances sonores, sans commentaire ni d’interview. « Je trouve cette approche excitante, » explique-t-il, « je voudrais essayer de mettre à nu ce qui relie les gens en me concentrant sur ce qui est perceptible par l’ouïe. Lorient est une ville propice à cette exploration, notamment du fait de son climat social très particulier. »
Membre du conseil d’administration du Collège des techniciens artistes interprètes et collaborateurs de création de Films en Bretagne depuis plus de deux ans (1), Pierre Vivet n’a néanmoins envisagé une candidature à la présidence que tardivement. « C’est apparu comme une nécessité. L’association demande beaucoup d’investissement à ses adhérents pour continuer à se développer. J’ai senti que j’avais un rôle à jouer. Et puis ça faisait longtemps qu’un technicien n’avait pas occupé ce poste. » Brewenn Hellec (vice président), Florence Le Pichon (secrétaire) et Richard Bois (trésorier) complètent le nouveau bureau.
Plusieurs gros chantiers attendent la fédération et ses groupes de travail dans les mois à venir. D’une part les suites à donner à la publication initiée par Films en Bretagne sur la production documentaire en région, son dynamisme et ses innovations, les réalités de la décentralisation et des financements. Et bien évidemment le Contrat de filière, un projet de structuration économique du secteur audiovisuel en réflexion et en construction avec la Région Bretagne. « Les élus ont pris conscience des retombées économiques et de la transversalité de nos métiers. L’audiovisuel touche de nombreux domaines : la culture bien sûr, mais aussi le patrimoine, le tourisme, la formation, la communication, l’attractivité du territoire en général… L’objectif est de franchir un palier supplémentaire pour atteindre un niveau d’excellence afin que la Bretagne soit identifiée comme un acteur majeur de la production audiovisuelle et cinématographique en Europe et au delà. »
Des projets ambitieux donc, que Pierre semble aborder avec simplicité. « C’est un travail collectif. J’essaie d’envisager mon rôle de président de la même manière que mon métier d’ingénieur son : servir une idée en lui donnant les moyens d’exister. » Une profession de foi qui augure un beau mandat.
Jean-Claude Rozec
(1) Films en Bretagne est constitué de quatre collèges : le collège des producteurs, celui des techniciens artistes interprètes de création, celui des auteurs-réalisateurs et enfin le quatrième collège, qui regroupe les organismes de la recherche, de la diffusion, de la gestion d’archives et de l’éducation à l’image.