Estran 6 s’achève avec en ligne de mire la projection collective des films, à l’automne. Depuis le lancement du concours de scénario, nous avons à plusieurs reprises, sur ces pages, éclairé ce dispositif d’accompagnement et de formation de jeunes professionnels réalisateurs et producteurs. A l’heure où la production des films se termine, deux jeunes producteurs reviennent sur l’expérience qu’ils ont partagée avec tout un collectif.

A l’instar de Thomas Guentch, producteur des Films de l’Heure Bleue et bénéficiaire du dispositif Estran pour accompagner A l’horizon de Laurianne Lagarde, Amélie Quéret et Marc Bellay travaillent tous deux au sein de leur société de production.
Amélie Quéret est basée à Plaine Haute en Côtes d’Armor avec Respiro productions. En parallèle du développement de trois autres fictions courtes, elle produit dans le cadre d’Estran le court-métrage Danse, poussin de Clémence Dirmeikis. Quant à Marc Bellay, il accompagne Claire Barrault réalisatrice de T’es con Simon !, au sein de sa société rennaise Yéti productions. Le quatrième producteur émergent est Jean-Philippe Lecomte. Collaborateur régulier de Gilles Padovani chez .Mille et Une. Films, il a accompagné Germain Huard dont le film Jusqu’à ce que la mort nous sépare est également en finitions. Les quatre films sont aux mains, qui de monteurs son, qui d’étalonneurs, et les professionnels associés à cette longue aventure « et les autres ! les films sont très attendus… », ne patienteront plus longtemps avant de les découvrir.

MoniteursSur les tournages de « Danse, poussin. » et de « T’es con Simon ! » (photos © Christel Garry et Marc Bellay)

Amélie avoue avoir du mal à prendre du recul pour qualifier le film de Clémence, « nous assumions tous les quatre la direction de production des films, et étions donc très présents au tournage… C’était essentiel pour continuer à travailler de près avec « nos » réalisateurs mais ça ne facilite pas la distance dans les étapes clés de montage. A l’heure actuelle, ce dont je suis sûre c’est de la force de Clémence, elle a été épatante ! ». Amélie résume leur rencontre assez simplement : « un coup de cœur, que je pense réciproque ! J’ai particulièrement apprécié son exigence, son perfectionnisme et son souci de la relation. Elle sait faire des choix, ce qui est essentiel et rare pour un premier film. Et ça lui réussit ! » La productrice mentionne ici les choix de casting et la grande attention, « la sensibilité aussi », dont a fait preuve la jeune réalisatrice. « Le rôle principal est tenu par une jeune comédienne de huit ans. Shaïna Lagadec-Livolant n’avait jamais joué auparavant et c’était son premier casting. Elle jouait bien mais elle n’était pas la plus convaincante, selon moi. Clémence y croyait très fort, elle a tenu bon sur ce choix et Shaïna s’est avérée remarquable de justesse et d’investissement sur le plateau. Elle a donné la force que Clémence recherchait pour ce personnage. »

acteursSur les tournages de « T’es con Simon ! » et de « Danse, poussin. » (photos © Marc Bellay et Christel Garry)

Cette étape essentielle du casting a aussi révélé la détermination de Claire Barrault, selon Marc Bellay. « Claire a écrit un scénario très dialogué, un film d’acteurs et il a fallu trouver un casting à la hauteur, des comédiens en mesure de porter le film. Elle voulait travailler avec André Wilms et elle a su convaincre ce comédien d’expérience. Claire a du cran, de l’aisance et un côté cash, c’est sans doute ce qui lui permet de ne pas être intimidée par cette situation, cette première fois. »
« T’es con Simon ! » est un huis clos dans une chambre d’hôpital, il s’appuie sur trois personnages, « et il y a eu une belle alchimie entre eux. Choisir André Wilms s’est avéré pertinent, tout comme Devi Couzigou, un des quatre jeunes qui jouent dans West Coast (1). Il a été génial dès le casting et très à l’aise avec André Wilms sur le plateau. » Le troisième rôle a été dévolu à la comédienne Isabel Otero ainsi qu’une place à part tant dans l’histoire du film que dans celle du tournage où elle fut un liant tout à fait précieux entre la jeune réalisatrice et ses personnages. « Isabel avait déjà tourné avec André Wilms. Ils étaient contents de se retrouver ! Elle est un peu la marraine de cinéma de Claire, c’est à ses côtés que Claire avait eu sa première expérience de plateau (2). » Isabel Otero connaît bien la Bretagne, elle y est née et y a déjà tourné, à Brest, comme pour « T’es con Simon ! » qui a planté son décor principal dans l’École de la Croix Rouge de la capitale finistérienne.

PEMAmélie Quéret © Bertrand Basset et Marc Bellay © Sébastien Durand

La ré-écriture en tandem

Comme Amélie, Marc ne tarit pas d’éloges à l’endroit de la jeune réalisatrice, sans omettre le besoin qu’elle avait d’être accompagnée pour cette première expérience. « J’ai aussi un parcours d’assistant réalisateur sur lequel je me suis appuyé pour la protéger, j’ai eu à cœur de lui offrir des conditions de tournage idéales. » Une attention au projet, qui perdure depuis le travail de réécriture, et que tous deux mettent en avant comme une étape forte, essentielle pour les films et la relation de collaboration qu’ils ont tissée avec leurs réalisatrices : « On a beaucoup travaillé sur le scénario, » se rappelle Amélie. « D’emblée, j’ai aimé la volonté de Clémence d’aller au bout des choses. Elle a tendu des fils, les a tissés, entrelacés, et ainsi, chaque élément a sa raison d’être. » Marc ajoute : « Sur chaque film, ce travail était nécessaire. Claire a découvert ce qu’est la ré-écriture et notamment une ré-écriture à contraintes ! On a cherché à resserrer le propos. Nous avons eu de beaux échanges, des conseils précieux sont venus de Gilles Padovani, notre PEX (3), et des temps de travail encadrés par le Groupe Ouest. Tout ceci a participé à questionner l’auteur, à faire avancer le projet. »

« Les questions d’écriture ont été partagées avec le producteur Olivier Bourbeillon qui nous a accompagnées sur cette phase de réflexion, » se rappelle Amélie. « La culture musicale traditionnelle bretonne est au cœur de l’histoire et Olivier s’y intéresse de près ainsi qu’à la danse. Notre souci à tous était de ne pas verser dans le folklore. C’est lui qui nous a présenté le chanteur et compositeur Yann Fañch Kemener. Ses créations sont très sensibles et d’une grande variété, il s’appuie sur le répertoire traditionnel tout en proposant une lecture tout à fait personnelle. C’est une des belles rencontres qu’Estran a permis. Et il y a aussi la belle implication des 80 danseurs-figurants, venus de Bourbriac et alentours. »

dansepoussin©Christel Garry2Sur le tournage de « Danse, poussin. », photo © Christel Garry.

Cohésion des groupes

Nos deux producteurs émergents évoquent avec chaleur les échanges réguliers avec leurs pairs associés aux dispositifs. Ainsi Marc salue la participation des producteurs séniors, « nous avons formé un bon trinôme, connecté et sur la même longueur d’ondes », comme l’émulation entre jeunes professionnels : « Il y a eu beaucoup de partages entre les quatre PEM, dès les premières étapes. C’est ce qui a le plus de valeur dans le dispositif global : ces échanges entre jeunes producteurs et avec tous les Estran. Le calendrier, ponctué de temps de regroupements, d’échéances, avec les mêmes contraintes, tout ça crée du lien ! Il a eu une belle cohésion, du soutien entre les prods et les auteurs aussi. Faire ensemble a été très porteur et très formateur ! ». Et Amélie de renchérir : « Nous avions déjà remarqué ça lors de la formation à Brest et à Lorient, lors des temps de travail collectifs entre auteurs et producteurs et ouverts à ceux qui n’étaient pas lauréats. Le parcours de formation a créé de l’ouverture et des synergies. Nous avons embauché des gens de la formation sur les tournages. Certains lauréats ont travaillé sur le film d’autres : Clémence était deuxième assistante sur le film de Laurianne par exemple, ce qui signifie une double expérience pour elle. D’autres ont joué des petits rôles, fait de la figuration ou des renforts techniques. »

Tesconsimon©marc bellaySur le tournage de « T’es con Simon ! », photo © Marc Bellay

Un travail de réseau évident pour chacun, et la conviction, pour Amélie et Marc, que ces rencontres et échanges perdureront et donneront lieu à de nouvelles collaborations. « Coupler la formation à la fabrication de ces quatre films a dynamisé le parcours de tous ceux qui ont été concernés par Estran. Et aujourd’hui ces films sont le fruit d’un collectif, d’une réflexion partagée et de beaucoup d’interactions. Et même si les choix artistiques ne sont pas les mêmes, l’énergie l’a été ! » conclut Marc.

Les films vont « sortir » ensemble !

Une dernière étape collective attend les bénéficiaires du dispositif avec un calendrier de diffusions communes avant de prendre leur envol individuellement. Une projection devant le public professionnel des Rencontres de Films en Bretagne est d’ores et déjà envisagée avant la Première publique pendant le Festival Européen du Film Court de Brest début novembre.

Elodie Sonnefraud

(1) Long métrage de Benjamin Weil tourné en Bretagne et sorti le 27 avril 2016

(2) Lors du traditionnel stage de 3ème, à 14 ans, Claire découvre l’ambiance d’un plateau de tournage et y rencontre Isabel Otero, elles s’entendent bien et resteront en contact.

(3) Producteur expérimenté, PEX est un des nombreux acronymes que se partagent en initiés les professionnels associés à Estran. Pour rappel les PEX pour Producteurs EXpérimentés sont Olivier Bourbeillon (Paris-Brest Productions), Anne Sarkissian (Iloz Productions), Gilles Padovani (.Mille et Une. Films) et Fred Prémel (Tita Productions) et les PEM pour Producteurs ÉMergents sont Marc Bellay (Yeti Productions), Amélie Quéret (Respiro Productions), Thomas Guentch (Les Films de l’Heure Bleue) et Jean-Philippe Lecomte (.Mille et Une. Films).


Pour tout savoir sur Estran c’est ici ou en relisant nos précédents articles : Estran, quand la mer monte, Estran, incubateur de films.