Un Emmy Award pour Golaem



En soumettant, pour la première fois, sa candidature aux Technology and Engineering Emmy Awards, la société Golaem n’imaginait pas qu’elle allait remporter l’une des prestigieuses distinctions attribuées par la National Academy of Television Arts & Sciences. Une reconnaissance internationale qui intervient dans un contexte tendu pour l’entreprise rennaise.

« Il y avait dix ans que la France n’avait pas remporté un Technology and Engineering Emmy Award ! ». Devant le café que nous prenons à la cafétéria de l’imposant immeuble Technicolor où est hébergée Golaem, Stéphane Donikian, son PDG, ne cache pas sa fierté de succéder à Thomson Multimédia qui, en 2008, ne s’appelait pas encore… Technicolor. Si Golaem est mondialement connue pour son logiciel de modélisation et d’animation de foules, l’entreprise rennaise reste modeste par sa taille. Cette distinction n’en est que plus gratifiante, « l’un des deux plus beaux prix qu’une société de notre secteur puisse obtenir » précise Stéphane, « un prix très reconnu en Amérique du Nord, que nous obtenons la même année que des poids lourds du jeu vidéo comme Unity ou Epic Games ».

Créée en janvier 2009 par huit co-fondateurs issus des instituts de recherche rennais IRISA et INRIA Rennes – Bretagne Atlantique, Golaem cherche à industrialiser des technologies au niveau de la modélisation et de la simulation des mouvements et des comportements humains. Et c’est par hasard, lors du SIGGRAPH 2008 (rendez-vous international incontournable pour les professionnels de l’infographie) à Los Angeles, qu’un échange avec des équipes de la société française Mikros Image va orienter la recherche de Golaem vers le cinéma. Mikros, l’un des principaux studios français d’effets spéciaux, cherche des solutions pour créer et animer des foules numériquement. L’équipe rennaise a entendu le message et elle va développer l’intégration de ses technologie dans le logiciel phare utilisé par les superviseurs de SFX : Maya. Mikros teste le logiciel pour un film consacré à la bataille d’Alésia tandis que Golaem entame une tournée des grands studios américains. « On sentait un intérêt de Pixar, ILM, Disney, mais notre solution n’était pas encore mature » se souvient Stéphane Donikian, « nous avons donc intégré les cahiers des charges de ces studios pour faire évoluer notre logiciel ». En 2014, deux références majeures vont valider cette nouvelle orientation : Golaem Crowd est utilisé sur les effets spéciaux de Dracula Untold et Hercules, deux longs métrages US. « Nous avions gagné les deux marchés face à Massive, un logiciel néo-zélandais qui avait été développé pour Le Seigneur des anneaux de Peter Jackson. Ces deux films nous ont apporté la crédibilité qui nous manquait ». Depuis, le portefeuille clients de Golaem n’a cessé de se développer à l’international et les effets modélisés avec le logiciel rennais apparaissent dans des références aussi prestigieuses que Game of Thrones, Black Panther ou Au-revoir là-haut.


Pourtant, à l’exception de Mikros, partenaire privilégié, la société a peiné à convaincre dans son propre pays. « Nous avons été confrontés à un syndrome très français de studios qui préfèrent développer des outils en interne alors qu’il existe déjà une solution mature et disponible sur étagère » analyse Stéphane, « Mais cela commence à changer. La V6 du logiciel sortie en 2016 nous a permis d’entrer dans le marché de l’animation qui est florissant en France ». Parmi les derniers studios d’animation à avoir adopté Golaem Crowd, Prima Linea, producteur du très attendu long métrage La Fameuse invasion des ours en Sicile de Lorenzo Mattoti.

Un écosystème rennais trop peu développé

Malgré ce « line up » qui en jette, Golaem traverse une période difficile en 2016. Le modèle économique du secteur a connu une évolution brutale : les studios ont cessé l’achat de licences permanentes pour privilégier un mode de location à la demande. Cette évolution a affaibli la société qui n’avait pas suffisamment de trésorerie et a manqué de soutiens dans cette phase difficile. Si Golaem est aujourd’hui sortie de la période de redressement, elle a du licencier la moitié de ses salariés et son PDG ne cache pas son amertume : « Nous avions un produit reconnu internationalement et des prototypes prêts à être industrialisés sur d’autres marchés comme celui du jeu vidéo. Mais les investisseurs ne nous ont pas suivis. Au Canada ou en Grande-Bretagne, nous n’aurions pas rencontré les mêmes difficultés. Dans ces pays, les effets spéciaux et le jeu vidéo ne font pas peur aux investisseurs. Au Canada, les villes se battent pour attirer les sociétés et les studios de ces secteurs ».

Attachés à Rennes, les fondateurs de Golaem ont souhaité rester en Bretagne, mais une certaine lassitude pointe dans l’analyse que Stéphane Donikian fait de l’écosystème rennais. « L’écosystème de formation et de recherche en informatique est excellent, mais nous avons pris beaucoup de retard en termes de création de contenus ». La relocalisation des studios d’animation dans l’hexagone ou le plan effets spéciaux du CNC n’ont pas encore profité au bassin rennais qui peine à faire valoir son attractivité face à des territoires qui ont développé des fonds d’aide très performants ces deux dernières années. Stéphane espère que l’arrivée récente d’écoles formant des animateurs 3D comme l’ESMA ou Creative Seeds va « permettre de développer l’écosystème en attirant des studios d’animation et d’effets spéciaux qui manquent de ressources humaines ». En attendant, Golaem développe la V7 de son logiciel et, fort d’une notoriété renforcée par son Emmy Award, prospecte de nouveaux marchés, espérant que des clients de la zone Asie-Pacifique se laisseront bientôt emporter par ses foules numériques…

JFLC

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L'équipe de GOLAEM