Trois jours à Quiberon : secrets de tournage


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Marie Baümer, dans "Trois jours à Quiberon" © Peter Hartwig


1981, Romy Schneider séjourne à Quiberon pour quelques jours de cure. Le photographe Robert Lebeck et le journaliste Michael Jürgs du magazine allemand Stern l’accompagnent dans ce qui deviendra un grand moment d’intimité médiatisé. La réalisatrice Emily Atef fait de ce huis-clos un long-métrage, Trois jours à Quiberon, récemment multi-primé au Lola (équivalent allemand des César). Tourné en partie à Quiberon et en studios en Allemagne, ce film co-produit par les sociétés françaises, Sophie Dulac Productions et Tita B Productions a permis à plusieurs techniciens et comédiens bretons de vivre l’aventure d’un tournage européen.

L’équipée de l’ombre

Aux manettes du projet en France, il y a Michel Zana, producteur chez Sophie Dulac Productions que Fred Prémel de Tita B connait bien. Nous sommes en 2015 et le producteur parisien, avec deux producteurs allemands et un producteur autrichien, accompagne Emily Atef dans le développement de son long-métrage sur les trois jours de Romy Schneider à Quiberon.

Fred Prémel se souvient « Michel Zana m’avait consulté pour faire une évaluation financière de la partie tournage envisagée en Bretagne avec une donnée de départ : toutes les scènes intérieures seraient tournées en studios en Allemagne. Lorsque j’ai lu le scénario, j’ai trouvé le projet formidable et j’étais très motivé pour rejoindre l’aventure. Il s’est passé un peu de temps avant que les allemands parviennent à réunir les premiers financements. Ils m’ont donné le feu vert en juin 2016 pour lancer la production en Bretagne. »

Le film ne pouvait pas être éligible au Facca (fonds d’aide régional breton, ndlr) dans la mesure où il n’y avait pas assez de temps de tournage prévu en Bretagne. Tita B opte alors pour une demande d’aide à la coproduction associée, d’un montant 40 000 euros, obtenue. « Cette aide a été très bien accueillie par les partenaires allemands, ce qui a permis d’augmenter le temps de tournage en Bretagne d’un tiers. La production du film en Bretagne a ensuite généré 400 000 euros de dépenses, essentiellement pour de l’emploi et de l’hébergement. »

Pour constituer l’équipe bretonne de techniciens et comédiens, Fred Prémel réunit deux collaborateurs « clés » : Fred Le Gall à la direction de production et Sonia Larue pour le casting. Au total, 33 techniciens et comédiens et une centaine de figurants embauchés par Tita B ont participé au tournage du film entre novembre 2016 et janvier 2017.

Un mystérieux personnage

Pour mettre en scène l’actrice allemande Marie Baümer, alias Romy Schneider, Emily Atef a imaginé un décor réaliste en tournant au Sofitel et sur les plages de la petite cité balnéaire, avec des acteurs du cru. Sonia Larue, chargée du casting des seconds rôles pour le film raconte :

« En plus des rôles de Romy Schneider, de son amie Hilde et des deux journalistes, le scénario comportait de nombreux personnages secondaires pour des scènes importantes comme celle de la plage en début du film et une autre dans un bar, où Romy, son amie et les journalistes avaient passé une soirée. La réalisatrice a fictionné ces passages tout en cherchant à reproduire l’esthétique des années 80, l’ambiance, les gens présents et ce qu’ils pouvaient dégager. Fred Le Gall et moi avons travaillé à partir des photos prises à l’époque par le photographe de Stern. La réalisatrice cherchait une femme et sa fille pour la scène de la plage en ouverture du film, trois enfants de 13, 15 et 17 ans, un maitre d’hôtel, un cuisinier, un client du bar et un mystérieux « fisher man » pour la scène du bar. Ce « fisher man » qui apparaît sur les clichés du photographe, est une sorte de poète fantaisiste m’avait prévenue la réalisatrice. Quelle n’a pas été notre surprise lorsque nous avons découvert qu’il s’agissait de Glenmor ! »

La réalisatrice, qui ne connaissait pas la renommée de Glenmor en Bretagne, a alors l’idée de le faire entrer dans le film. Cela s’est vite avéré compliqué de trouver quelqu’un ressemblant au poète, non seulement physiquement, mais aussi pour son « aura révolutionnaire » confie Sonia Larue. « Après plusieurs jours de recherches et d’échanges avec Emily Atef, j’ai finalement proposé Denis Lavant. Cet acteur français hors-norme a cette force, ce feu en lui, qui caractérisait aussi Glenmor. »

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Denis Lavant et Marie Baümer, dans "Trois jours à Quiberon" © Peter Hartwig

Trois jours en Allemagne

Pour cette fameuse scène de bar tournée en studio sur une petite île de la mer du Nord, d’autres seconds rôles ont aussi fait le déplacement depuis la Bretagne pour trois jours de tournage en Allemagne, comme le jeune Mattéo Rolland et le plus expérimenté Lionel Monier.

Au moment du tournage en 2016, Mattéo Rolland qui a (seulement) treize ans, fait du théâtre depuis ses dix ans et a déjà participé à des tournages en Bretagne.

« J’aime jouer sur scène, interpréter des personnages. J’ai pour projet d’en faire mon métier. Lorsque j’étais en sixième, j’avais eu un rôle de silhouette dans le film Chouquette. J’avais déjà apprécié l’ambiance des plateaux de tournage. Dans Trois jours à Quiberon, j’ai un rôle dans la scène du bar. Romy Schneider était en cure de désintoxication mais elle ne respectait pas trop les consignes. Un soir, elle sort au bar avec les journalistes et dans ce bar, il y avait un mariage auquel mon personnage, Gwenaël, participait avec son grand frère et Mourad, un copain. Je devais servir le dessert aux invités. Au moment de servir une part de tarte à Romy Schneider, je fais malencontreusement tomber l’assiette. Romy Schneider me propose de m’assoir avec elle et elle commence à me parler. »

De ces trois jours de tournage en Allemagne, Mattéo garde un très bon souvenir. Il évoque une bonne ambiance, un bon accueil sur le tournage, une super fête de fin de tournage et des « à-côtés » sympathiques comme les parts de pizzas distribuées par les habilleuses où les délicieux petits déjeuners de l’hôtel. « Oui il y avait des moments d’attente, mais je ne me suis pas ennuyé, j’étais avec les autres comédiens. J’ai eu le temps d’observer et de découvrir le côté très technique du cinéma. Il y avait du monde, mais je n’ai pas trouvé ça étouffant, au contraire ! »

Lionel Monier
Lionel Monier dans "Trois jours à Quiberon"

Récemment arrivé en Bretagne, Lionel Monier est un acteur de théâtre expérimenté qui a joué notamment pour Michel Liard, Eric Vigner ou encore Christian Rist. Lorsque Lionel vivait à Paris, il considérait le cinéma comme un domaine difficile à conquérir. C’est le fait d’être en Bretagne qui l’a mis sur la piste du cinéma. Il participe surtout à des courts-métrages produits et réalisés en région, comme dernièrement Lettres rebelles de Sonia Larue. Il incarne aussi ponctuellement des rôles secondaires dans les longs-métrages : En équilibre de Denis Dercourt aux côtes de Cécile de France, La Taularde de Audrey Estrougo aux côtes de Sophie Marceau, et puis Trois jours à Quiberon.

Cette fois, Lionel incarne le rôle du maître d’hôtel dans une scène importante du film, lorsque Hilde l’amie de Romy Schneider dîne avec le journaliste et lui reproche son intrusion perverse dans la vie de l’actrice. « Je viens apporter les plats et à chaque fois, je fais des petites blagues dans un anglais un peu clownesque ».

Cette scène tournée en partie à Quiberon et en Allemagne a permis à l’acteur de suivre le tournage du film dans les deux pays. « La langue du tournage était l’anglais et l’allemand et comme je comprends les deux langues, cela ne m’a pas posé tellement de problème. Je retiens surtout l’extrême gentillesse de l’équipe allemande et surtout l’incroyable détente de la réalisatrice Emily Atef. L’équipe française n’était pas moins gentille, mais peut-être un peu plus tendue ! Souvent les réalisateurs sont agités, nerveux, il reste dans leur coin pour réfléchir. Emily était très présente et elle s’est intéressée à chacun d’entre nous. Je l’ai trouvé admirable et totalement à sa place. Je pense qu’elle a beaucoup contribué à rendre ce tournage agréable et nous acteurs, de bien le lui rendre, en jouant de façon relâchée. »

Seraient-ce les grandes qualités relationnelles de l’équipe du film qui a permis à Trois jours à Quiberon de devenir LE film allemand de l’année ? « Le cinéma est une science qui n’a pas de règle » estime Lionel Monier. « À la lecture d’un scénario on peut remarquer une belle écriture, ce qui était le cas pour Trois jours à Quiberon. Pour avoir vu des rushs en cours de tournage, j’ai constaté que la lumière que dégage le noir et blanc choisi par la réalisatrice allait être très beau. Mais les qualités humaines, ce qui est de l’ordre du relationnel, n’engagent pas forcément la qualité du film. Et puis en tant qu’acteurs de cinéma, surtout pour des petits rôles, nous ne contrôlons rien. On ne sait pas trop ce qu’il faut faire, et en même temps il n’y a rien à faire à part « être » soi-même. Et j’ai le sentiment que cette fois, nous y sommes parvenus et de façon naturelle. »

Alors que Trois jours à Quiberon s’apprête à conquérir les écrans français, cette expérience stimulante vécue par les professionnels de la région présage déjà d’une success story du cinéma européen comme on voudrait en vivre plus souvent en Bretagne !

 Pauline Burguin


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Sortie nationale : 13 juin 2018

Avant première en Bretagne :

1er juin : Cinéma Arvor à Rennes

2 juin : Cinéma Le paradis à Quiberon

3 juin : Cinéma Rex à Belle-Île-en-mer

4 juin : Cinéville à Lorient

Tournée Zoom Bretagne :

http://cinephare.com/information/trois-jours-a-quiberon