Derrière les portes d’un lieu d’exposition d’art contemporain à Rennes, 40mcube, son codirecteur Patrice Goasduff pilote depuis huit ans « 36secondes », une association de production audiovisuelle. Cet homme aux multiples casquettes est aussi réalisateur de documentaires. Entre cinéma dit classique et vidéo d’art contemporain, Patrice passe la frontière et nous invite dans un univers de films souvent considérés comme des ovnis.
– Huit ans pour « 36secondes » …
– Patrice Goasduff : À l’époque je commençais à faire des films documentaires et très vite il a fallu trouver un cadre juridique. C’était plus simple de créer une association. J’ai créé 36secondes pour accueillir mes propres projets. Puis le cadre de la structure s’est ouvert à d’autres réalisateurs provenant plutôt du monde des arts plastiques. J’invite globalement des artistes que je connais. Je leur propose un cadre de production pour leur permettre de développer ou de construire leur projet de façon un peu plus ambitieuse qu’ils n’auraient pu le faire seuls.
– Quels sont vos critères pour sélectionner les projets de films ?
– Ils sont purement personnels. Il s’agit vraiment d’un intérêt pour le travail des artistes. Ensuite ce qui me semble important c’est de travailler avec des artistes qui n’ont jamais fait de films. Par exemple, Virginie Barré avait fait un essai de film d’animation, il y a douze ans avec Rouge Total. Elle souhaitait faire un vrai premier film. On a travaillé ensemble sur son film Odette spirite. Et maintenant on va développer un deuxième projet avec elle : Le rêve géométrique. Ces artistes ont ce désir de film qui le plus souvent est freiné par des questions de coût, de temps et autres choses. 36secondes est une sorte de déclic pour les aider à passer le cap. On canalise l’énergie et on construit le projet ensemble. Les artistes en arts visuels ne sont en général pas du tout informés des différentes manières de produire un film ou des différents fonds disponibles pour pouvoir les produire. Grâce au dispositif d’aide au projets innovants initié par la Région Bretagne, nous avons pu modestement produire leurs films.
– Ces films sont-ils vraiment des « ovnis » ?
– Dans mon parcours, j’ai fait des films documentaires de forme dite « classique ». Aujourd’hui, je cherche à mettre en place des dispositifs simples sur des sujets spécifiques. Je ne m’intéresse pas trop à la dramaturgie et à l’histoire. Je m’intéresse davantage à une situation qu’à un sujet que j’aurais besoin de circonscrire. À titre d’exemple, je viens de finir une trilogie de films sur les fêtes rurales, ou plutôt sur les concours que l’on trouve dans l’espace rural. Cette trilogie fonctionne mieux à mon sens si on montre les trois films ensemble. Montrer les films séparément enlève de la cohérence au projet général. Ici, je ne cherche pas à dire « c’est mieux de penser comme cela ou comme ceci ». Chose que je faisais dans le Tracteur d’Orgueil (2003). Ici je regarde ce qui se passe et redonne à voir, comme un transmetteur. Après on peut dire que c’est un film qui est pauvre, que c’est un film où il n’y a pas d’enjeu mais ce n’est pas du tout ce qui m’intéresse. J’estime le documentaire sous toutes ses formes. Ce qui m’intéresse aujourd’hui, c’est d’être dans la position de celui qui regarde et garde la trace, un peu à la manière des films que l’on trouve à la Cinémathèque de Bretagne filmés par des inconnus témoins de… Je fais du document.
Aujourd’hui 36secondes tente de produire des documentaires, des fictions et des films d’animation avec des artistes. Comme le film d’Antoine Dorotte, 36 secondes d’animation de plaques de zinc gravées à l’eau forte. Une gageure…
« Gravures d’Antoine Dorotte pour son film Whirlwind riding – 36 secondes, gris coloré, video HD 2K, muet »
– Où les films que vous produisez sont-ils diffusés ?
– Le film d’Antoine Dorotte sera fini au printemps. Le Fonds Régional d’Art Contemporain d’Aquitaine veut le montrer dans le cadre d’une exposition monographique de l’artiste. Finalement c’est un peu comme quand une chaîne programme un film, quand elle le pré-achète. Pour nous ce n’est pas un pré-achat mais une pré-diffusion par un FRAC. C’est peut-être là qu’il y a une nuance.
Concernant la télédiffusion des films produits par 36secondes ça reste le néant. Trouver des chaînes qui veulent bien diffuser des films sur lesquels elles ne sont pas du tout intervenues au moment de la production, ça n’existe pas vraiment ! C’est peut-être quelque chose qu’il faudrait changer. Moi je ne peux pas faire grand chose de là où je suis.
– Et au fait, pourquoi « 36 secondes » ?
– Parce qu’il y a 36secondes dans une minute… non ?
Propos reccueillis par Jennifer Aujame
Photographie en Une : selfie de Patrice Goasduff
36secondes 48, avenue Sergent Maginot F-35000 Rennes
Chargé de production : Patrice Goasduff – Chargée de diffusion : Véronique Langlois
36secondes@gmail.com / 36secondes.wordpress.com
Odette Spirite de Virginie Barré, Claire Guezengar, Florence Paradeis – 12’40, fiction, 2013
Production 36secondes avec l’aide de la Drac Bretagne et de la Région Bretagne en partenariat avec le CNC.
Diffusion : Marché du Festival International du court métrage de Clermont-Ferrand, Saison vidéo de Tourcoing, cinéma Le Bretagne à Guichen (2014), Festival Européen du Film Court de Brest, Zumzeig Cinéma de Barcelone, Centre d’art contemporain d’Istres (2013).