Teuforamaxx, série musicale carrément à l’ouest


Cette année, Les Rencontres de Films en Bretagne nous invitent à découvrir les arcanes de plusieurs séries déjà bien installées sur nos écrans : Hippocrate le long-métrage de Thomas Lilti adapté en série, la série télévisée Engrenages et la websérie Casus boloss. La tendance au binge-watching n’épargne pas les bretons, auteurs et producteurs l’ont bien compris. La réalisatrice Vanessa Le Reste et le producteur Fred Prémel nous dévoilent les premiers ingrédients de leur nouvelle série en développement, Teuforamaxx. Allez, viens on part en teuf !

Originaire du Finistère sud, Vanessa Le Reste étudie le cinéma dès le lycée à Quimper. Elle poursuit en Arts du Spectacle à l’Université de Rennes 2 puis intègre la prestigieuse FEMIS. Elle devient scripte sur des films d’auteurs et collabore entre autres, avec Pascal Bonitzer, Amos Gitaï ou Alain Resnais. Sa carrière est lancée à Paris mais c’est en Bretagne qu’elle trouve matière et inspiration pour ses premiers films courts. À partir de 2006, Vanessa réalise ses premiers courts-métrages. Certains sont auto-produits comme On a tous (toutes) quelque chose de Clémence Karentec !, d’autres sont produits et tournent en festival. Vanessa est lauréate Estran en 2008 pour Nuit d’hiver (dans sa promotion Micka Ragot, Olivier Broudeur, Anthony Quéré). Puis, elle passe à l’écriture d’un premier long-métrage, Immatures puis un deuxième, Ty Avaloù, actuellement en préproduction avec Alcatraz Films.

« L’idée de Teuforamaxx est née il y a deux ans et demi aux Vieilles Charrues. Le lundi au petit matin, les festivaliers avaient déserté les lieux et je me suis retrouvée presque seule, au milieu de cette arène formidable, que déjà des techniciens démontaient. Je me suis dit qu’il y avait là un véritable monde. Raconter un festival de l’intérieur, en backstage… une nuit de folie au cœur d’un festival qui déraille ! Et j’ai commencé à imaginer comment reconstituer une foule, un gros festival… à moindre frais. J’ai très vite centré mon histoire sur une femme au caractère bien trempé, Glenn, directrice artistique et wonderchieuse en chef de Teuforamaxx, festival qui fête ses 20 ans et qui à l’origine était une rave… Glenn est un personnage traversé par des questionnements existentiels : à quel moment tu vends ton âme en faisant le jeu de la croissance et d’un festival, de plus en plus gros ? Qu’est-ce que vieillir dans un monde axé sur la jeunesse comme celui de la nuit et des festivals ? Ces questionnements peuvent évidemment s’appliquer à l’industrie cinématographique et le festival apparaître comme une mise en abime du Cinéma… »

Il y a un peu plus d’un an, Vanessa Le Reste propose Teuforamaxx, un projet de long-métrage pour le cinéma au producteur Fred Prémel (Tita Productions). Vanessa avait écrit une comédie pour faire vivre un festival de musique de l’intérieur. Le producteur a tout de suite réagit. « Sa créativité m’a beaucoup intéressée et il est rare de lire une aussi bonne proposition de comédie, un projet de fiction qui intègre musique, chansons, décors et dessous d’un festival. Il y avait beaucoup de personnages, une quarantaine ! Un seul film ne suffisait pas pour raconter toutes ces histoires. J’ai proposé à Vanessa de réfléchir à décliner Teuforamaxx en série »

Un Opéra électro-rap

La proposition de Fred Prémel ne l’a d’abord pas vraiment enchantée, se souvient Vanessa. « La série est à la mode, pourquoi devoir absolument fractionner nos films en épisodes ? J’y ai réfléchi toute une nuit puis finalement, je me suis dit que ce n’était pas une mauvaise idée pour Teuforamaxx, j’ai même trouvé la proposition audacieuse, excitante. Car la série permet une structure dramatique éclatée et non linéaire tout en respectant une unité de temps et de lieu : une nuit, un festival. »

Le duo se met en quête de collaborateurs à l’écriture. Vanessa travaille avec les scénaristes Clément Peny (Les Bracelets rouges), avec qui elle crée la série et Fanny Desmares (L’incroyable histoire du Facteur Cheval) pour aboutir à une bible et 10 épisodes de 22 minutes. « Teuforamaxx est devenue une vraie comédie musicale, se déroulant au cœur d’un festival éclectique : une véritable ode à la fête et au lâcher-prise. Elle aborde des sujets universels comme les amours déçus ou l’amitié homme-femme, s’interroge sur les rêves de jeunesse, le temps qui passe… Et questionne également le rapport de notre société à la célébrité, à travers la figure de la rock star ou du rapport aux réseaux sociaux et aux médias, tout en traitant de compromission artistique et politique. Sa couleur musicale oscille entre la techno et le hip-hop. Le geste artistique étant d’appliquer au récit, la culture du mix et du sample de ces deux courants musicaux. La série sera rythmée par différentes séquences chantées et dansées, qui contamineront au fur et à mesure les épisodes ! Teuforamaxx se rapproche donc d’un opéra rock ou plutôt d’un opéra éléctro-rap. Il y aura des concerts réels et fictifs, avec de vrais et de faux artistes. Nous les verrons depuis les backstage avec les techniciens, les organisateurs, les managers et les bénévoles du festival. » 

Nouveaux formats, nouvelles stratégies de production

Fin 2018, Fred Prémel propose la série aux chaînes de télévision régionales (France 3, les chaînes locales) qui accueillent très bien le projet et le soutiennent en développement. « Teuforamaxx est un projet pensé par une auteure qui connait la Bretagne, les festivals, ceux et celles qui les font et cela transpire dans l’écriture. J’espérais susciter l’enthousiasme du comité des chaînes locales et de France 3 Bretagne, mais disons que c’est cohérent que les chaînes régionales y participent. Pour autant, dès la première lecture, j’ai pensé que cette série dépasserait le cadre d’une audience régionale, et que son modèle économique ne pourra pas s’équilibrer sans des partenaires qui ont les épaules pour le porter. Avec une question nouvelle en terme de production, comment mettre en adéquation les attentes d’un diffuseur local et celles du national ? »

Au même moment, France Télévisions Numérique lance un appel à projets pour mettre en développement des séries de fiction pour une future plateforme. Sur le modèle de france.tv/slash la plateforme pour les adolescents, celle-ci s’adressera davantage aux trentenaires. And the winner is… Teuforamaxx ! L’une des 7 séries sélectionnées parmi 300 projets ! « L’engagement de France Télévisions Numérique est une bénédiction pour le projet, car non seulement il lui donne certaines garanties de faisabilité, mais il permet que l’équipe de production et l’équipe d’auteurs soient accompagnés par des chargés de programmes qui ont une idée précise de ce qu’ils veulent pour cette antenne numérique innovante, dont l’image est à construire. »

Soyons malins, n’ayons peur de rien

Auteure et producteur s’accordent pour dire que Teuforamaxx part vite et fort. Avec un budget de 120 000 euros en développement, les pré-repérages ont débuté cet été. Fred Prémel reste prudent, pointant les forces du projet et les zones à consolider. « 15 % de la série se passe à l’intérieur du festival avec des foules, des bars, de grosses scènes. Nous ne pouvons pas tout reconstituer. Nous allons travailler directement avec les festivals et les diffuseurs régionaux qui connaissent bien les rouages de ces grosses manifestations, avec les captations notamment. Les repérages sont très importants et en même temps condensés sur des moments-clés. »

Une équipe constituée d’un directeur de production, une chef opératrice, une assistante réalisatrice, une décoratrice s’est immergée dans des décors inspirants et familiers pour Vanessa, Les Vieilles Charrues et le Festidreuz à Fouesnant.

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Une partie de l'équipe du film. © Tita productions

 

« Nous avons beaucoup écrit et approfondi le cœur de la série », confie Vanessa. « Les personnages principaux sont dans la tranche 30-40 ans et ils interfèrent avec de jeunes gens. Nous avons également travaillé avec Joseph d’Anvers les dialogues « chantés » pour qu’ils sonnent avec la musique et les décors. Nous attendons désormais le feu vert pour rencontrer les compositeurs, chorégraphes, acteurs, artistes interprètes etc. Il faut que les choses soient bien carrées avant de mobiliser une équipe, et en même temps nous dépendons des prochaines tournées des artistes. Je suis très contente d’envisager ce projet avec un producteur breton, car la fête fait partie de l’ADN breton et il faut aimer ce milieu, le connaître pour pouvoir s’y aventurer et le magnifier. Fred a les épaules solides et Tita fait preuve d’audace depuis ses débuts. C’est le partenaire idéal car il va falloir être malins et imaginer des dispositifs qui nous permettent de tourner en situation réelle à l’intérieur de festivals tout en y apportant de la fiction. » Partant d’un univers très personnel qu’elle adapte aux besoins des diffuseurs, Vanessa Le Reste incarne une culture musicale et cinématographique ancrée en Bretagne. «On peut parler de nous, de notre identité tout en touchant beaucoup de monde avec la musique », conclut la réalisatrice. « L’énergie, la créativité combinées aux outils et aux savoir-faire des professionnels de la Région permettent désormais d’y mener des projets ambitieux de A à Z. » Vivement le prochaine épisode.

Pauline Burguin