Têtard dans le grand bain d’Annecy !


L’auteur-réalisateur Jean-Claude Rozec termine actuellement son quatrième film d’animation, Têtard. L’histoire d’un petit garçon qui ne sait plus très bien qui il est, rongé par les affirmations de sa grande sœur remettant en question ses origines. L’homme et l’animal, le réel et le fantastique, la déshumanisation des villes en opposition à la nature… Des thèmes que l’on retrouve dans les précédents films du réalisateur : Monstre sacré (2009) produit par JPL Films, Cul de bouteille (2010) et La Maison de poussière (2013) produits par Vivement Lundi !. La jeune société de production rennaise À Perte de Vue produit là son premier film d’animation et cela lui réussit : Têtard vient d’être sélectionné en compétition officielle au Festival international du film d’animation d’Annecy*. Rencontre avec Colette Quesson, productrice attentive et enthousiaste.

 

Avant de créer À Perte de Vue** en 2011, le cinéma d’animation avait déjà place dans la vie professionnelle de Colette Quesson. Alors qu’elle était une des responsables de Centre Images (aujourd’hui Ciclic), elle a eu l’occasion de prendre goût à la fabrication des films d’animation, par la rencontre régulière avec des réalisateurs en résidence. Depuis, l’envie de produire des films d’animation a toujours été là. Lorsque Jean-Claude Rozec est venu la voir avec son projet, elle s’est investie dans cette proposition.

Produire en ascenseur Photo V. Leclerc
Colette Quesson - crédit : V. Leclerc

 

L’auteur a effectué beaucoup de recherches graphiques en aquarelle, en travaillant les couleurs et l’espace. « Il existe deux ou trois carnets, très beaux, qu’on utilisera en partie pour la promotion du film. Les précédents travaux de Jean-Claude montraient une maîtrise du trait graphique. Aller d’emblée vers l’aquarelle m’intéressait vraiment, ça voulait dire ne pas être dans un trait défini tout le temps. C’était un principe de départ passionnant. » La compréhension et la complémentarité se sont imposées naturellement entre la productrice et l’auteur-réalisateur. « Jean-Claude est quelqu’un qui écrit, qui écoute et qui s’entoure. Le cinéma demande une personnalité mais aussi un travail d’équipe. Le scénario était là dans ses grandes lignes mais on a pris un certain temps pour travailler les détails avant d’aller chercher des financeurs. C’est toujours essentiel d’avoir un scénario très au point pour porter un projet.»

TVR, Tébéo et Tébésud ont d’abord participé au financement. Peu après, Arte a préacheté le film. « On a ensuite eu la chance d’avoir l’aide de la Région Bretagne puis celle du CNC… C’était très heureux ! » Le film a également bénéficié de la nouvelle aide à la production de musique originale pour les courts métrages, cordonnée par la Région Bretagne en partenariat avec la Sacem.

Pour le film, À Perte de Vue a ouvert un petit studio d’animation pendant trois mois, d’avril à juin 2018. Jean-Claude Rozec s’est entouré de cinq autres animateurs, tous originaires de Bretagne à l’exception de deux stagiaires, pour faire l’animation et commencer la colorisation. « Jean-Claude a repris le compositing avec le désir de le faire seul parce qu’il affinait son rendu, cherchait tout en faisant. C’était essentiel qu’il soit l’opérateur principal de cette phase. » Effectivement, en plus du travail graphique, Têtard bénéficie d’un gros travail de mise en scène de la lumière et des couleurs. Pour l’heure, le réalisateur termine les derniers effets de compositing pour présenter le film à Annecy.

Jean-Claude Rozec et ses deux interprètes principales, Elisa le Bel-Sorel et Léane Coulibaly
Jean-Claude Rozec et ses deux interprètes principales, Elisa le Bel-Sorel et Léane Coulibaly - crédit : Colette Quesson

 

Autre belle partie de l’aventure : les voix des enfants, Gaspard et Lola. Pour les trouver, l’assistante de production Inès Lumeau a fait appel à une association de théâtre rennaise, la MJC de Bréquigny dont l’aide fut précieuse. « On remercie tous ces enfants qui ont donné du temps pour faire des essais. Léane et Elisa, qui interprètent Gaspard et Lola, sont vraiment des interprètes très justes. Les parents ont aussi très bien accompagné leurs enfants. »

Compte-tenu des délais, la productrice et le réalisateur ont choisi de montrer une version non terminée de Têtard aux sélectionneurs d’Annecy. « C’était une vraie discussion entre Jean-Claude et moi. Au même moment, Arte devait voir le film avant mixage : ils ont donc vu le film avec seulement une partie du compositing terminé. On s’est alors décidé à le montrer non terminé aux sélectionneurs… avec le dénouement génial qui est de pouvoir compter sur la sélection officielle en compétition à Annecy. » Un travail de visibilité commence, qui exige une implication de la part de la productrice et une certaine maîtrise du calendrier. Dans la foulée du festival, le film sera diffusé sur Arte.

Cette heureuse nouvelle apporte également de la visibilité à la jeune société de production. « Les réalisateurs ne pensent pas solliciter À Perte de Vue, surtout qu’on n’a pas du tout l’expérience de Vivement Lundi ! et JPL Films. Je veux continuer à faire des courts métrages… J’en ai envie ! J’accompagne un projet si il y a un coup de cœur pour un univers graphique, pour une histoire, pour le travail du réalisateur… »

Tom Villar
Tom Villar - crédit : Colette Quesson

 

En 2019, À Perte de Vue termine trois documentaires (un court, un 52 minutes, un long métrage) ainsi que deux longs métrages de fiction en coproduction. La société produit aussi une fiction 52 minutes pour les chaines bretonnes. Pas mal ! En tant que productrice, Colette Quesson reste lucide. Le marché s’impose à elle comme aux autres. « Pour produire un film, il faut être d’accord sur les choix de fond. Avec Jean-Claude, on sait dans quelle direction on va. Le centre de la collaboration entre un auteur et un producteur, c’est le film. On se demande tout le temps : qu’est-ce qui est bien pour le film ? Cette exigence, Jean-Claude ne la perd jamais, pour lui mais aussi pour les autres. » Pour le moment, Têtard est le seul film d’animation porté par la société de production mais l’invitation est lancée : « Bienvenue aux auteurs qui voudraient nous en faire lire ! »

Marion Geerebaert


Têtard2019 – 13 minutes
Une coproduction À Perte de Vue avec Arte France, TVR, Tébéo et Tébésud
Avec le soutien de la Région Bretagne et du CNC, avec le concours de la SACEM.
Scénario et réalisation : Jean-Claude Rozec
Musique originale : Arnaud Bordelet
Interprétation : Léane Coulibaly (Gaspard), Elisa Le Bel-Sorel (Lola), Solène Quintin (la maman), Jules Garreau (le papa)
Animation : Jules Garreau, Lisa Klemenz, Alexis Poligné, Apolline Rabot, Jean-Claude Rozec, Tom Villar
Assistantes animatrices : Jeanne Girard, Alice Viry
Couleurs & Compositing : Jean-Claude Rozec
Montage son / design sonore : Kevin Feildel
Bruitage : Marie Mazière
Mixage : Frédéric Hamelin
Productrice déléguée : Colette Quesson
Assistante de production : Inès Lumeau

* Festival international du film d’animation d’Annecy, du 10 au 15 juin 2019. Egalement sélectionné, dans la même catégorie : Mémorable de Bruno Collet, produit par Vivement Lundi !- 12 minutes

** Des désirs de films à perte de vue