La chaîne locale brestoise est à l’antenne depuis hier et les spectateurs découvrent les couleurs de sa grille. L’habillage de Tébéo est signé Virgule 99, une agence rennaise qui cherche à s’imposer sur le marché du design audiovisuel. Rencontre.

Dans les bureaux de ,99, une semaine avant le lancement de Tébéo. Des graphistes travaillent aux dernières livraisons pour la chaîne. Si les 26 modules de l’habillage d’antenne sont déjà à Brest, le diffuseur a passé une nouvelle commande pour le design de cinq émissions. Le journal télé, un talk show, une émission consacrée aux sports et un programme culinaire seront également griffés par les créatifs rennais. Devant l’écran d’un ordinateur, Arnaud Jégu regarde pour la nième fois les quelques secondes du générique qui mélangent divers styles graphiques. Jean-Christophe Jarrige pose une question sur un effet visuel. Rapide échange avec le graphiste et la décision est prise d’apporter quelques retouches…

Comment est née Virgule 99 ?
Jean-Christophe Jarrige : Nous avons créé la société en 2005, Arnaud Jégu, moi et Dominique Jarrige, ma femme, qui en a pris la gérance. Nous souhaitions une entreprise qui baserait son activité sur des contenus à forte valeur ajoutée dans le domaine du motion design (NDLR : l’art de la conception graphique en mouvement par addition de typographies, graphismes, vidéos, 3D, sons).
Notre positionnement en région était également un aspect essentiel du projet car il existe peu de structures sur ce créneau hors d’Ile-de-France alors que nous constations une forte hausse de la demande de ce type de création d’images.
Quels étaient vos parcours avant 2005 ?
Jean-Christophe Jarrige : Je suis diplômé de l’École des Beaux-Arts d’Angoulême. Puis, j’ai fait mes gammes à Paris dans une société de production. Je suis passé par tous les postes et en 1991/92, j’ai commencé à réaliser. J’ai senti que ce n’étais pas vraiment ma place et je me suis orienté vers le script-doctoring. J’ai dirigé le développement de la série Blague à part en 1994/95 pour la société Starling, puis j’ai travaillé pour EuroDisney et la chaîne professionnelle Canal Santé.
Mon arrivée en Bretagne remonte à 2002. J’ai travaillé pour Her Bak de 2003 jusqu’à fin 2004 et c’est dans cette société que j’ai rencontré Arnaud.
Arnaud Jégu : Je suis Rennais et je suis sorti de l’ESRA en 1997. J’ai également fait mes débuts à Paris comme 3e assistant monteur (sourire) chez Magic Company qui produisait Les Enfants de la télé. Ce monde ne me convenait pas et je suis revenu dans la région où j’ai cherché du travail comme graphiste d’animation. J’ai participé à la fabrication de la série Petra’larez en 2001 puis j’ai travaillé pour TV Breizh à Lorient. C’est là que j’ai croisé Jean-Christophe qui avait remarqué ma bande-démo…
Où se trouve votre marché principal ?
Jean-Christophe : La communication est aujourd’hui plurielle et un client ne peut plus se contenter d’une simple communication graphique sur un média papier. Il n’y a pas de logo sans adresse internet et tous les scénarios de la communication doivent être épaulés par de véritables outils audiovisuels. Nous constatons chaque jour que les entreprises sont de plus en plus proches des médias via le web ou les télévisions locales.
Autre tendance forte : l’internationalisation. Il y a une réelle demande de création d’outils spécifiques pour l’accompagnement de sociétés qui prospectent des marchés étrangers. Et cela conduit les entreprises à créer leurs propres médias. Le langage propre à la publicité qui, à une époque, était considérée comme une communication haut de gamme, tend à devenir la norme pour de nombreuses actions de marketing.
Résultat : les annonceurs veulent être présents sur le net et avec une pertinence de plus en plus forte et les budgets consacrés à la communication papier migrent vers le web. C’est forts de ces constats que nous avons prospectés nos clients.
Nous souhaitions une répartition de notre activité s’équilibrant à 50% sur la province et 50% sur l’Ile-deFrance. Nous avons atteint cet objectif, même si 2009 a été une année difficile du fait de la crise du marché publicitaire. Il est d’ailleurs intéressant de constater que, malgré la baisse des budgets consacrés à la communication, les agences web ont vu leur activité croître ces derniers mois.
Avez-vous des liens avec le secteur du programme télévisuel ?
Jean-Christophe : En 2008, nous avons travaillé sur une cartographie pour Thalassa. Il s’agissait de créer un élément informatif qui soit aussi un élément d’habillage du plateau. Nous aimerions développer cette activité, mais les freins sont nombreux.
Si un client cherche du « beau », il va d’abord s’adresser à des agences parisiennes ou étrangères. L’idée que le qualitatif peut émaner d’une agence de province a encore du mal à s’imposer.
Arnaud : Nous ne rencontrons pas beaucoup de producteurs qui ont la culture du motion design. Dans une production audiovisuelle, l’attention prêtée à l’habillage est faible. Un simple synthé est rarement réfléchi.
Jean-Christophe : La culture du design en France est datée. Nous sommes plus forts en architecture qu’en design…
Quand MTV est apparue, les Anglo-saxons ont montré ce qu’ils étaient capables de faire en matière d’habillage. Et vous retrouvez cette attention prêtée au design d’un programme dans les séries télévisées. Regardez la qualité des habillages de production comme Dexter ou Six Feet Under ! Or dans le processus de production nord-américain, cette part de créativité est confiée à des agences par les producteurs.
Comment avez-vous réussi à convaincre Tébéo de confier l’habillage de la chaîne à une agence « provinciale » ?
Jean-Christophe : Nous nous sommes présentés à la chaîne très en amont de son lancement. Un an avant. Il a fallu les convaincre de faire appel à nous, leur prouver nos compétences. Puis, nous avons cherché à comprendre leur culture et leurs besoins. Au fur et à mesure, nous leur avons proposé des visuels. Notre rôle de conseil a, je crois, été essentiel. La confiance a ainsi pu s’établir et nous avons trouvé notre place.
Arnaud : La suite a été rapide. L’appel d’offre a été publié à la fin du printemps 2009. Nous avons travaillé en juillet sur notre proposition et nous l’avons remise mi-juillet pour une décision prise le 17 !
En août, nous avons appris que nous étions retenus. Une belle victoire car parmi les trois projets finalistes, l’un d’entre eux émanait de l’agence View qui est LA référence nationale en matière d’habillage télé.
Vos projets ?
Arnaud : Nous réfléchissons à la création de programmes courts pour la télévision.
Jean-Christophe : Nous voulons capitaliser sur cette première référence en matière d’habillage télé pour accroître notre présence sur le marché du design audiovisuel.
Propos recueillis par Jean-François Le Corre
Extrait de storyboard en page d’accueil / création ,99 © Tébéo