Talents de Bretagne : Manon POUDOULEC, directrice de casting


Manon Poudoulec travaille dans le cinéma depuis une vingtaine d’année. Elle a toujours eu l’envie de travailler sur les plateaux… Elle a commencé par des stages chez Lazennec Tout Court, à la régie, et rencontré des professionnels qui ont peu à peu constitué son premier réseau. Son parcours prend un tournant avec les premières éditions du dispositif « émergences », à Blois, la ville où elle a grandi : régie, seconde assistante, puis première assistante.

Elle s’installe en Bretagne à 25/26 ans et arrive rapidement au casting, figuration d’abord, puis casting rôles insistant sur le fait que ce sont avant tout les rencontres humaines et généreuses qui ont facilité les choses, et le fait qu’elle accède à des réalisateur·trices connu·es et reconnu·es.

Quelles sont les aspects qui te portent dans ce métier, quels sont ceux qui te pèsent au contraire ? Le métier lui-même change-t-il au fil des années ?

Ce qui me porte, c’est l’humain, très clairement… Le travail en équipe, même s’il se fait parfois à distance. C’est mettre une énergie commune au service d’un projet. Cela me porte d’autant plus quand je lis un scénario qui m’emballe, qui m’emporte et me donne envie de donner. Que cela concerne les rôles ou la partie figuration, c’est vraiment ça qui m’intéresse : travailler l’artistique AVEC l’humain. Quand je prends en charge la figuration, il s’agit d’accompagner des gens, pour la plupart « novices »… Ils ont juste envie d’être là, c’est ce désir qui les porte… L’accompagnement est important dans ces nombreuses rencontres, parce que dans ce métier, il s’agit de rencontrer toujours de nouvelles personnes.

Ce qui me pèse parfois… Ce qui me vient en premier lieu, c’est tout l’aspect administratif du métier. En particulier pour la figuration, dans la mesure où cela représente pratiquement la moitié de notre temps de travail entre les contrats, les déclarations d’embauche, monter les dossiers administratifs pour les casting enfants. Par ailleurs, le fait de travailler en région implique de travailler souvent à distance dans le cadre de la préparation – on n’est pas dans les locaux de préparation, avec le reste de l’équipe : on a l’autonomie, mais c’est vrai que se nourrir de cette énergie peut manquer. Enfin, en tournage, je ne viens parfois que ponctuellement, les jours où il y a des figurant·es. Ça peut donner le sentiment de ne pas tout à fait faire partie de l’équipe et devenir une frustration. Bien sûr, ce n’est pas systématique, ça dépend des projets, des contacts et des liens que l’on a constitué avec l’équipe.

Le métier ne change pas forcément au fil du temps… si ce n’est que le volet administratif peut prendre de plus en plus de place.

L’activité de tournage en Bretagne n’a jamais été aussi intense, c’est vrai… Mais je dois dire que j’ai eu au fil de mon parcours une chance immense – et je croise les doigts parce que rien n’est jamais acquis –, celle de beaucoup travailler, et ce depuis que je suis en Bretagne. J’ai très vite enchaîné les projets, je n’ai jamais véritablement eu à me poser de questions quant aux 507 heures à faire dans l’année pour renouveler mon statut d’intermittente. Il y a eu des périodes de creux, mais assez rarement… En fait, c’est surtout une question de saisonnalité – il se passe beaucoup moins de choses en hiver. En ce qui me concerne, même si l’activité s’est intensifiée, je n’ai pas ressenti d’augmentation soudaine, ou de pic. J’ai toujours travaillé régulièrement… Et ça me plaît beaucoup de passer d’un film d’auteur à petit budget, à une fiction ou une série télé étrangère, à une comédie chorale. En région, contrairement à Paris, on est moins enclin à être « enfermé·e » dans un type de film. Je trouve ça très riche. Les choix se font sur scénario, et sur les contacts avec le réalisateur, la réalisatrice et la production. Les conditions financières jouent aussi, notamment quand on a comme moi une vie de famille… Mais, je peux également avoir envie de m’engager sur un projet, pour le projet, malgré des conditions contractuelles difficiles. L’essentiel, c’est de savoir pourquoi on fait les choses ! Si on ne sait pas pourquoi, il ne faut pas le faire !

Le casting enfant exige une attention particulière, en termes de direction, d’organisation, d’accompagnement… Pouvez-vous brièvement nous en parler ?

Oui. Le casting enfant exige une attention particulière parce qu’on s’adresse à des enfants ou des adolescents. Il est nécessaire d’être attentif à la manière de faire les choses, à la manière de s’adresser à eux. Avec les adultes, on peut avoir des habitudes, des codes, etc. Pour les enfants, on doit rester très à l’écoute si on veut obtenir quelque chose d’eux, on doit se mettre véritablement au service de l’enfant pour qu’il puisse donner ce qu’il a à donner. On ne peut pas le « pousser », le manipuler pour obtenir quelque chose. On doit plutôt se laisser guider par lui pour entrer dans son jeu. En coaching, avec les adolescents, on rentre dans la psychologie des personnages, leur histoire.

Tu es une directrice de casting et cheffe de file aguerrie… Un conseil pour celles et ceux qui souhaitent se lancer ?

Il ne faut pas oublier qu’il y a du monde et que les places sont chères. Il faut multiplier les contacts, rencontrer du monde, dire « j’existe » et prendre sa place. Il faut rêver sa vie et vivre ses rêves. Si c’est ça qu’on a envie de faire… Il faut tout donner. Pas à n’importe quel prix, mais il faut y aller ! Tout le monde en est capable. Il faut des qualités d’organisation, d’écoute… mais quand on en a envie, on peut y arriver.

Propos recueillis par Franck Vialle, directeur de Films en Bretagne
Juillet 2022