Sylvain Texier : une puissance toute en retenue


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Ô Lake (Sylvain Texier à droite) © Yann Hamon - Les Embellies


Sylvain Texier n’est pas du style à se la raconter. Pourtant, à l’écouter parler de sa passion pour la musique et le cinéma, on sent aussitôt une sensibilité et une maturité assez folle pour quelqu’un qui n’a pas encore une expérience conséquente en matière de composition de film. Le mieux reste encore de découvrir son univers musical, à travers Ô Lake, sa toute dernière formation. Ce que l’on propose nous saute alors aux « ouïes » : sa musique est, par essence, cinématographique. Ses compositions nous entrainent dans une atmosphère onirique, minimaliste et planante, à base de piano principalement, de cordes et de percutions. Mais d’où lui vient cette passion ?

Batteur à l’origine, Sylvain a commencé la musique à 8 ans. Vers 14 ans, ses envies de mélodies l’ont poussé à emprunter la guitare de sa sœur pour composer ses premiers morceaux. Sylvain n’avait pas envie dit-il, « de perdre son temps à reprendre les morceaux des autres ». Puis, via ses amis de l’école de musique, il s’est rapproché du piano avant de commander une basse en cadeau pour ses 18 ans. « J’adorais toucher à tout, c’est encore quelque chose que je fais. Découvrir un instrument c’est toujours très inspirant. » Sylvain est passé par différents styles. Même en tant que batteur, il n’a jamais hésité à composer pour les groupes dans lesquels il sévissait. Mais ce n’est qu’en 2007, que Sylvain se met à écrire sérieusement des chansons et des compositions. Il monte son propre projet folk, The last morning soundtrack (déjà une référence à la musique de film), qui gagne rapidement en notoriété.


En 2009, Ananda Safo, une réalisatrice qui a signé un clip pour le groupe, lui  propose de composer la bande originale de son film Some Girls. « Cette première expérience m’a permis de mettre le pied à l’étrier. Je me suis vraiment rendu compte que c’était ça que j’avais envie de faire. Depuis gamin, je rêvais de travailler dans le cinéma mais je savais pas trop comment faire et là, mes deux passions se recoupaient. Ce fut une révélation, j’ai adoré composer pour ce court métrage. » Dès lors, Sylvain se concentre davantage sur la musique instrumentale, jusqu’à ce que, en 2014, Ananda Safo fasse de nouveau appel à lui pour la scène finale de son nouveau projet Red Dolman.

En tant qu’autodidacte pour la composition à l’image, Sylvain a récemment choisi de faire une formation de musique à l’image avec Trampolino, à Nantes. Il s’est dit que « ça ne lui ferait pas de mal de se frotter à d’autres compositeurs et à des formateurs ». Ces derniers lui ont donné le cadre qu’il recherchait en lui transmettant les différentes approches de ce métier de niche. « Je me suis, par exemple, confronté à la musique pour des documentaires. Ça m’a beaucoup intéressé. Là, la musique peut prendre son temps. J’ai aussi appris à sortir de ma zone de confort et à être un peu plus neutre en terme d’émotion. Ma musique est très marquée en terme de sentiment, des fois trop. Ce qui peut marcher pour certains styles, la fiction notamment, peut parfois déborder un peu trop dans le documentaire. »

Désormais, Sylvain compose pour différents supports : films institutionnels, catalogues destinés aux musiques de pub ou applications de réalité virtuelle. Et dernièrement, Sylvain vient de signer la bande originale du court métrage de Violette Gitton, une toute jeune réalisatrice rennaise de 18 ans : « Je l’ai jamais rencontrée ! Elle cherchait quelqu’un pour faire une musique assez atmosphérique pour son court-métrage Tête Bêche (récemment projeté à Rennes dans le cadre de la Fête du court-métrage, ndr). Elle m’a contacté et ça a collé. Violette a été très précise dans ce qu’elle voulait. Elle me demandait de composer une musique ultra épurée. Du coup, ça a été assez facile de travailler avec elle. En revanche, il m’est arrivé, pour d’autres, de faire 14 versions d’un morceau avant qu’il ne soit validé… »

Sylvain aime s’adapter aux projets et aux réalisateurs qu’il rencontre. Il dit se mettre à leur service : « Dans ce métier là, il ne faut pas trop avoir d’égo parce que ce n’est pas moi qui aura le dernier mot. Je comprends tout à fait car j’ai aussi mes projets personnels à côté. » Et, en effet, Sylvain ne manque pas de projets. Il vient de faire une création originale dans le cadre du festival Les Embellies avec son envoutante formation d’Ô Lake. En parallèle, il prépare un premier album. « Ce projet pourrait très bien être une bande originale de film, je l’imagine comme ça en tout cas. Ce serait un film assez contemplatif, lent, romantique. »


Parmi ses références, Sylvain cite Olafur Arnalds, qui a notamment composé la bande originale de la série Broadchurch, Johann Johannsson (décédé en février)  qui a régulièrement collaboré avec Denis Villeneuve. Il affectionne les bandes originales assez intimes et particulièrement le genre d’atmosphères glacées du nord. « Je suis en train de développer un style un peu plus précis. Je n’ai pas envie de savoir tout faire. Les compositeurs qui m’inspirent ont leur patte. La composition doit rester naturelle et, pour l’instant, j’ai de la chance, on m’a toujours proposé des projets qui étaient dans mes cordes. » Mais, à l’écoute de ses compositions, on ne peut s’empêcher de penser que des cordes, il en a plusieurs à son arc.

Lauriane Lagarde


En savoir plus :

Site internet : www.sylvaintexier.com


Au cours de l’année 2017, Films en Bretagne a actualisé le « catalogue des compositeurs pour l’image », initialement mis en place en 2014. Il s’adresse aux auteurs, réalisateurs, producteurs, associations de diffusion et à tous ceux qui souhaitent développer des collaborations avec les musiciens du territoire breton. Son actualisation 2017 en fait un complément utile à la nouvelle « aide à la production de musique originale pour les courts-métrages » mise en place par la Région Bretagne, Rennes Métropole et la SACEM, dont vous trouverez les infos utiles sur cette page.

Cet article s’inscrit dans la collection de portraits de compositeurs de musique pour l’image publiés régulièrement en actus sur notre site internet. Relisez les précédents portraits ici.