Nous apprenons avec stupéfaction que le Conseil Départemental du Finistère a voté la suppression du Fonds d’aide à la production de courts-métrages de fiction.

Le court-métrage en Bretagne se distinguait parmi les régions françaises. La revue ‘’Bref’’ a même parlé en 2015 de ‘’nouvelle vague bretonne’’. Cette dynamique prenait sa source notamment dans la politique culturelle ambitieuse menée jusqu’à présent par le Conseil Départemental du Finistère, et depuis 1999 par ce fonds d’aide au court-métrage.

Dans un contexte budgétaire tendu et connu de tous, la pérennisation de ce fonds avait déjà été mise en question pour l’exercice 2015. Mais une forte mobilisation des professionnels et des échanges constructifs avec les élus avaient permis de faire valoir la spécificité et la richesse du territoire en matière de cinéma. La profession avait su alerter sur les conséquences néfastes en termes de production de films, d’emplois et de retombées économiques que provoquerait la disparition de cette aide publique.

Pour rappel, cette subvention de 100 000 euros a permis de produire en 2015 et 2016 une dizaine de films par an, et était abondée par le CNC pour un montant de 50 000 euros. Chaque film aidé bénéficiant en moyenne de 15 000 euros. C’est donc une enveloppe de 150 000 euros qui vient d’être supprimée, ce qui est considérable pour une filière à la fois dynamique et fragile. Et qui ne représente pourtant que 0,01% dans le budget global du Conseil Départemental.

Nous déplorons d’autant plus cette décision que les courts-métrages sont une occasion pour les professionnels émergents de se former, pour les plus aguerris de travailler. Ce sont des équipes pour lesquelles de l’emploi disparaît, ce sont aussi des prestataires, en montage, location de caméra, studio de mixage, qui vont perdre leurs principaux clients de proximité.

La présence de professionnels confirmés sur le département a pourtant incité des productions nationales, puis internationales à y localiser leurs tournages. Le nombre de jours de tournage en Finistère est supérieur à ceux des autres départements depuis plusieurs années. Quelques chiffres qui parlent d’eux-mêmes : en court-métrage, le Finistère a accueilli 90 jours de tournage en 2016, quand les Côtes d’Armor en ont accueilli 5, l’Ille-et-Vilaine 34, et le Morbihan 8,5. La projection sur l’ensemble des journées de tournage de fiction, tous formats confondus (CM, LM, Série TV, web série, etc …) donne une répartition équivalente : Le Finistère a accueilli 186 journées de tournage, les Côtes d’Armor 119, l’Ille-et-Vilaine 136 et le Morbihan 116,5. Les retombées économiques sont considérables au regard de l’investissement somme toute modeste du Conseil Départemental au travers du fonds, participant ainsi à un meilleur équilibre sur l’ensemble du territoire breton.

Par voie de conséquence, la suppression de ce fonds suscite auprès des professionnels l’inquiétude d’un isolement du département en matière de production cinématographique, tant sur le plan culturel qu’économique.

Pour les jeunes entrepreneurs récemment installés dans le département, c’est un constat terrible. Au moins 4 sociétés de production se sont créées en Finistère ces trois dernières années, avec la volonté de produire du court-métrage de fiction sur leur territoire : Tita B, Les Films de Rita et Marcel, Stank, Les 48° rugissants, ont rejoint d’autres sociétés ancrées depuis longtemps : Paris-Brest, Iloz, Kalanna, Spirale, Carrément à l’Ouest …  De l’emploi qui se fragilise, encore ! 83 techniciens et 77 comédiens résident dans le Finistère. Mais que signifie de s’installer à Brest, à Douarnenez ou à Quimper, s’il faut aller tourner ailleurs pour trouver les financements ?

Par ailleurs, le Département du Finistère est partenaire du RADI (réseau de distribution du court-métrage en salles), ce qui est pour le moins contradictoire avec le fait de ne plus soutenir la production de courts-métrages. A terme, les salles pourraient ne plus être en mesure de diffuser de films tournés dans le Finistère, faute d’une production suffisante.

Enfin, à travers ce fonds d’aide au court-métrage, c’est bien la compétence du Conseil Départemental sur la jeunesse, l’éducation, et la formation qui a généré l’émergence de nouveaux talents. Le tournage de courts-métrages professionnels permettait aux étudiants de l’UBO-ISB et du BTS audiovisuel de Lesneven d’avoir accès à des stages pratiques au cours de leur formation. En effet, nombre de réalisateurs, bretons et non bretons, désormais aguerris ont fait leurs premiers films en Finistère, et ont gardé une attache affective particulière avec le territoire, lien qui pourrait les amener à y revenir pour un prochain projet plus ambitieux.

Nous regrettons l’absence de consultations et de débats préalables à cette prise de décision. Et nous nous étonnons de la divergence des politiques publiques. La suppression de cette aide intervient, en effet, à un moment où le Conseil Régional de Bretagne fait du développement du cinéma et de l’audiovisuel une des priorités de l’actuelle mandature en aidant, notamment, à l’émergence du long métrage d’initiative régionale. Le coup d’arrêt porté au court-métrage en Finistère va inévitablement fragiliser l’ensemble de la filière.