STEVEN PRAVONG : Bientôt 20 ans… et COURT MÉTRANGE n’a pas fini de grandir !


 

Court Métrange est le seul festival de cinéma de genre en Bretagne, nous permettant de nous plonger dans un univers onirique et horrifique et d’en d’explorer les codes.

Des projections de court – métrages sélectionnés par un groupe de passionnés ;  Des salles remplis de (jeunes !) spectateur·ices aussi attentifs que joyeux·ses et trublion·nes ; Des conférences alliant fantastique et philosophie ; Des expositions où les artistes interrogent l’étrange dans leur pratique ; Le village Métrange, cœur du festival, où le jury, les cinéastes, les conférenciers, les habitants se rencontrent et échangent, dans un décor aux allures fantastiques… 

Bienvenue dans la culture du genre !

En ces temps troubles, ces films nous permettent de prendre de la hauteur, de disséquer le monde et la société, de se confronter, mais aussi de trembler, de rire, de se faire surprendre…d’être dans une joie cinéphilique.

Rencontre avec Steven Pravong, co-fondateur et président de l’association.


FILMS EN BRETAGNE : La 19ème édition de Court Métrange se déroule du 21 septembre au 1er octobre à Rennes : pouvez-vous nous en dire plus sur la programmation et la thématique de l’eau ? Comment s’est fait ce choix ?

Steven Pravong : L’eau, qu’elle provienne du cours tranquille d’une rivière ou d’une mer mouvementée, qu’elle soit dangereuse ou bienfaisante, qu’elle porte les hommes vers l’aventure ou qu’elle décide de leur perte, est un élément dont la présence est manifeste dans l’imaginaire mythologique et les récits fantastiques. Source d’inspiration pour les conteurs et artistes de tous horizons, « l’or bleu », en raison de son immense pouvoir sur le destin de l’humanité, ne pouvait que s’inviter dans leurs créations. Car elles sont, bien entendu, les miroirs de ses peurs et de ses émerveillements. 

Au regard de la production foisonnante de films fantastiques qui trouvent en l’eau un élément central, le festival propose donc une série de rencontres et de projections de films autour de cette thématique. Et comme nous savons que les enjeux de l’eau ne sont pas uniquement fictionnels, c’est aussi l’occasion d’étudier les défis mondiaux qui sont à relever pour sa préservation.

 

FILMS EN BRETAGNE : Vous recevez un grand nombre de films (il me semble, plus de 2000) …. Comment s’effectue la programmation ? Quels sont les critères de choix des films ? 

Steven Pravong : En dehors d’un travail de prospection mené continuellement, nous examinons les productions déposées sur une plateforme dédiée. Ces films passent sous les lunettes de huit personnes qui, individuellement, procèdent à une sélection qui s’égrène durant six mois. À grand pouvoir, grande responsabilité : la programmatrice ou le programmateur ne se borne pas à soumettre uniquement les films qui lui plaisent. S’ils lui apparaissent en cohérence avec la ligne directrice du festival, elle ou il doit être en capacité de proposer d’autres titres méritant d’être discutés avec l’équipe. Mais le genre du fantastique (et ses déclinaisons multiples) ne se laisse pas enfermer dans des définitions absolues. Les réunions sont l’occasion de sévères empoignades. On ne déplore que des blessés légers pour le moment.

Il existe des critères objectifs auxquels le comité reste attentif mais ils ne constituent pas un gage d’entrée dans la compétition. La démocratisation de certains outils de production aidant, de nombreux courts métrages font la preuve d’une virtuosité technique et d’une qualité esthétique indéniables. Mais si les films recourent au genre par pure complaisance, ils ne présentent aucun intérêt. Le fantastique doit être impérativement le langage qui s’impose pour porter le récit qui nous est soumis. Même dans le cas d’un film hommage fonctionnant dans un cadre référentiel connu, la singularité de la vision de l’autrice ou de l’auteur reste essentielle. Pour être sélectionné, soyez vous-même et pas un·e autre. C’est le credo.

 

FILMS EN BRETAGNE : Le fantastique et le cinéma de genre plus généralement, drainent de nombreux·ses spectateur·ices mais sont généralement peu considérés par la culture instituée. Comment est née l’envie de faire un festival de court métrage fantastique ? Pourquoi programme-t-on des films fantastiques et de genre ? 

Steven Pravong : Avant la création de Court Métrange, il n’existait pas, en France – et plus largement en Europe – de festivals qui se consacrent exclusivement au court-métrage d’inspiration fantastique. Cette production spécifique, réduite à la confidentialité, souffrait d’un grave problème de représentation. Quand quelques films de genre franchissaient accidentellement les barrières de sélection des festivals « généralistes », ces derniers se voyaient systématiquement exclus des palmarès. Il n’était pas question, pour des raisons de standing culturel, de leur attribuer des prix. Les résistances de principe à l’égard du fantastique ont la peau dure. Elles sont entretenues par une élite féroce qui pose un regard dédaigneux sur ces productions qu’elle estime indignes.

Court Métrange est né du désir de réparer une injustice. De révéler l’importance et la pertinence de ces objets filmiques déconsidérés. Le festival permet à des réalisatrices et des réalisateurs qui font ce pari audacieux du court métrage et du fantastique – double infamie – d’avoir un espace où on consacre leur travail et que celui-ci trouve son public en salle. Nous n’attendons pas que Cannes reconnaisse (enfin) le statut majeur d’une réalisatrice ou d’un réalisateur qui s’exprime dans ce domaine. À ce sujet, nous avons toujours une longueur d’avance sur lui.

Propos recueillis par Lubna Beautemps, septembre 2023


A lire aussi… l'édito de Court-métrange 2023

« Comme un poison dans l’eau »

L’Or bleu, immensité de fiction et ressource de vie.
Ô flots, que vous savez de lugubres histoires !

Déjà, en 1881, Guy De Maupassant imaginait un conte intitulé « Sur l’eau » comportant de nombreux éléments fantastiques. Son caractère surnaturel se voyait souligné par la description d’un environnement personnifié où la rivière apparaissait mystérieuse, profonde, inconnue, pays de mirages et de fantasmagories où l’on voit, la nuit, des choses qui ne sont pas.
Si Maupassant la décrit comme un univers inquiétant que l’on traverse comme un cimetière sans tombeau, d’autres lui attribuent – à raison – des vertus autrement plus bénéfiques, curatives… quand elles ne sont tout simplement pas magiques.

L’eau, qu’elle provienne du cours d’une rivière ou d’une mer mouvementée, qu’elle soit dangereuse ou bienfaisante, qu’elle porte les hommes vers l’aventure ou décide de leur perte, est un élément dont la présence est manifeste dans l’imaginaire mythologique et les récits fantastiques.
Source d’inspiration pour les conteurs et artistes de tous horizons, « l’or bleu », en raison de son immense pouvoir sur le destin de l’humanité, ne pouvait que s’inviter dans leurs créations. Car elles sont, bien entendu, les miroirs de ses peurs et de ses émerveillements.

On sait combien les enjeux de l’eau ne sont pas uniquement fictionnels. Cette ressource comporte des aspects stratégiques, économiques, écologiques, politiques et militaires. Les défis mondiaux qui sont à relever pour sa préservation relèvent d’une actualité qui s’adresse à toutes et tous. Dans les années à venir, la prospérité démographique et industrielle de notre planète seront cause d’une explosion de son utilisation alors que nous devrons — dans le même temps — préserver les milieux naturels pour notre survie.

La Bretagne, plus encore qu’une région, est un pays où l’eau, du plus mince ruisselet au plus vaste océan, est la fondamentale ressource.
À l’occasion de cette 19e édition, le Festival Court Métrange (animé par une soif culturelle jamais étanchée) s’immerge dans les profondeurs fantastiques de l’or bleu !

Steven Pravong – Co-fondateur et Président


Notre focus COURT-METRANGE 2023… ICI