Stéphane Fromentin : un orfèvre passionné


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Stephane Fromentin © We Are Blow

Entre rock, théâtre et cinéma, Stéphane Fromentin se définit comme musicien, et accessoirement guitariste. Rencontre avec un artiste sensible et exigeant, à l’écoute des autres, du silence et des sons.

Orléanais d’origine, Stéphane parle avec enthousiasme de Rennes, ville qu’il a rejoint pour ses études en Arts du spectacle (première promo !) et qu’il n’a plus vraiment quitté : « Il y a une vraie mixité artistique. J’en suis un bon témoin. Je suis un musicien de rock qui fait du théâtre, du cinéma, de l’art contemporain… Les passerelles sont partout, et surtout dans les bars. J’habite maintenant à une cinquantaine de kilomètres de Rennes, mais mon épicentre, c’est ici. » Le monde de Stéphane ne s’arrête pas aux portes de la Bretagne, même s’il aime l’idée que les gens d’ici ne savent pas ce qu’il fait ailleurs : il a notamment co-monté une compagnie de théâtre à Nantes, travaille avec une compagnie de théâtre à Angers mais aussi avec des réalisateurs parisiens et lillois.

C’est par les petits films d’animation faits avec d’autres étudiants que Stéphane commence à s’intéresser au son au cinéma. Mais c’est au théâtre qu’il se met à composer, soucieux de mettre une musique originale sur les spectacles auxquels il participe. Très vite, il se retrouve sur un plateau de théâtre avec sa guitare, médium parfait entre son corps et le public et peu à peu, il assume son envie de faire de la scène, en tant que musicien de rock.

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Un homme sans histoire, réalisé par Thomas Mauceri. Première au Ciné-TNB à Rennes, le 13 juin à 21h.


Avant de composer la musique d’Un homme sans histoire (2018), le dernier film de Thomas Mauceri, ces deux-là ne se connaissaient pas mais avaient plein d’amis en commun. Céline Dréan, dont il a fait la musique du dernier film, L’Hippodrome (2017), était avec lui sur les bancs de la fac. Cette confiance et cette connaissance mutuelle l’aident à rentrer dans l’univers des réalisateurs et à donner une première identité musicale aux films : « Quand ils entament le tournage, ils savent à peu près à quoi ça va ressembler. Ça imprime déjà pas mal leur façon de rythmer le tournage. »


Au montage, l’ours l’aide à savoir la quantité de travail qui le concerne et qui implique des délais. Dans une séquence, il aime à veiller que la musique ne soit pas posée par hasard : « Etant donné que pour moi, le son c’est de la musique, si on rallonge une première séquence et qu’on raccourcie les deux autres, il n’y aura pas le même son. Je préfère faire la modification moi-même – avec les outils informatiques, ça va assez vite – plutôt que ce soit fait n’importe comment. Je ne dis pas que les mixeurs son travaillent mal mais les enjeux techniques du mixage sonore ne sont pas les mêmes que les enjeux artistiques de la musique : les choix qu’ils feront ne seront pas les miens… Je préfère avoir le final cut total. »

Une fois le montage terminé, Stéphane peaufine les entrées et les sorties : « J’aime beaucoup m’amuser avec ce qui se passe à l’image : quand une voiture rentre dans le champs, j’aime bien lui donner un petit son. Il n’y a que moi qui l’entends, mais ça m’amuse. »

Ce soucis des détails est l’œuvre d’un orfèvre passionné : « Faire de la musique pour le cinéma, c’est une sorte d’absolu. Je suis tout seul dans mon studio, j’ai mon écran. C’est magique de voir le pouvoir de la musique sur des images, comment on peut accompagner un film. »

En 2009, Stéphane compose la musique du film de Jacques Séchaud, Suerte, inspiré du roman de Claude Lucas. Stéphane, à la guitare, était accompagné au violoncelle de Dominique Pinto. Fait rare : la musique passait sur le plateau de tournage pendant que les acteurs jouaient. Le film n’est jamais sorti, pour des questions de financements malheureux : « C’est un peu triste, même s’il me semble que c’est une des plus belles musiques que j’ai faites. »

Stéphane ne s’interdit pas d’autres collaborations musicales : « Je ne me verrais pas composer une musique à deux, en amont. Par contre, improviser avec un ou une collègue sur le film existant, ça oui, carrément ! » Mais ne lui demandez pas d’écrire pour des orchestres : « La musique en fiction, c’est pratiquement plus que ça. Ça me désespère profondément. S’il vous plaît, les réalisateurs, faites d’autres choses ! Non mais c’est vrai, que des violons, des trucs qui ne veulent rien dire, des nappes… » Le violoncelle, dans Suerte ? Une citation de la musique du Mépris de Jean-Luc Godard : « Je n’étais pas pour au début et puis j’ai écrit des parties de violoncelle qui ne ressemblent pas du tout à du violoncelle, ce qui m’allait très bien. »

Parmi ses références, Stéphane cite Dead Man de Jim Jarmusch : « J’adore Neil Young mais on voit bien que la musique n’existe pas vraiment sans l’image, puisque la bande originale seule est assez chiante. A l’inverse, si on enlève la musique, ce film est assez chiant, mais les deux ensemble, ça matche ! Pour moi, c’est le tube absolu en musique de film, peut-être aussi parce que c’est de la guitare. » Le dernier film qu’il a vu, Under the Skin de Jonathan Glazer, répond quand à lui à un vrai travail sonore et musical. Stéphane cite également 2001, L’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick : « La musique des singes autour du monolithe, pour moi c’est un grand moment. ». Un film avec beaucoup de silence, ce qu’il adore : « Le silence, c’est de la musique ! »

Ces dernières années, avec le Théâtre universitaire de Nantes, Stéphane a accompagné des étudiants dans la mise en forme d’un spectacle de théâtre. Il leur disait : « Vous n’êtes pas au cinéma. Vous n’êtes pas dans une série télé. Si vous mettez un morceau, réfléchissez-y. Pensez à ce que vous faites ». Il les aidait aussi à défendre leur point de vue : « Tous les produits culturels sont de plus en plus formatés, dans le fond et dans la forme. Si des gens se prédestinent à aller dans ces métiers-là, c’est bien de s’émanciper de ce formatage-là, d’affirmer ses choix. » Stéphane milite également pour la musique originale. La musique additionnelle ne raconte pas la même chose à tout le monde : « Si c’est le morceau sur lequel ma mère est morte en se suicidant, évidemment je vais décrocher du spectacle. Je ne verrai plus jamais ce spectacle de la même façon. La musique originale a au moins l’avantage d’être vierge. »

Et la scène ? Répertorier tous les groupes de rock auxquels participe Stéphane est un exercice difficile et incertain. Ladylike Lily, Trunks, Chien vert, Bornor, Plain, Cabine, Psykick Lyrikah… Un nouveau groupe vient de voir le jour : Yes basket-ball.  Les premiers concerts débuteront mi-juin… l’homme enchaîne. « Faut aller au charbon. Si je n’avais que des groupes de rock à faire, je serais épuisé. Si je n’avais que du théâtre à faire, je m’ennuierais. Et si je n’avais que du cinéma à faire… ça n’arrivera pas, parce que la production n’est pas si étendue que ça. » Stéphane travaille toujours au dernier moment, mais quand il s’y met, ça va très vite, parce qu’il y pense depuis trois semaines : « Si je n’ai pas le temps de cette pensée-là, j’ai l’impression de bâcler mon travail, de ne pas avoir le recul qu’il faut. Le pire ennemi des artistes en général, c’est de ne pas avoir de recul sur son travail. »

Marion Geerebaert


En savoir plus :


Au cours de l’année 2017, Films en Bretagne a actualisé le « catalogue des compositeurs pour l’image », initialement mis en place en 2014. Il s’adresse aux auteurs, réalisateurs, producteurs, associations de diffusion et à tous ceux qui souhaitent développer des collaborations avec les musiciens du territoire breton. Son actualisation 2017 en fait un complément utile à la nouvelle « aide à la production de musique originale pour les courts-métrages » mise en place par la Région BretagneRennes Métropole et la SACEM, dont vous trouverez les infos utiles sur cette page.

Cet article s’inscrit dans la collection de portraits de compositeurs de musique pour l’image publiés régulièrement en actus sur notre site internet. Relisez les précédents portraits ici.