Sarah Farjot, une cavalière aux rênes du Festival du Film Insulaire de l’Île de Groix pour la deuxième fois


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Sarah Farjot © Gaell B. Lerays


Parmi les rendez-vous phares de l’été breton, il en est un qui mène son petit bout de chemin depuis 18 ans sans afficher d’autre ambition que d’utiliser les images et les sons produits ailleurs, par d’autres îliens – ou sur d’autres îles – pour créer du lien entre les îles et des ponts avec la terre ferme et ses habitants : le Festival International du Film Insulaire de l’île de Groix. C’est tout un monde qui se retrouve sur ce charmant rocher et vient se mêler à ses habitants d’un jour ou de toujours pour clore la saison estivale, avec une île de tête, invitée d’honneur qui donne chaque année sa couleur à chaque nouvelle édition. 2018 honore la Sicile et ses îles, du 22 au 26 août.

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Affiche réalisée cette année par Catherine Raoulas


18 ans, le festival atteint sa majorité et l’on peut dire qu’il a donné depuis longtemps la preuve de sa légitimité à durer. Cependant, depuis l’an passé et sa 17
e édition consacrée aux petites Antilles, un vent nouveau insuffle un nouvel élan à la manifestation : la volonté de professionnaliser en même temps que de pérenniser et d’élargir le champ d’action du festival (1), à la fois dans l’espace et dans le temps.

Pour ce faire, un contrat aidé par la Région Bretagne a permis au FIFIG de créer un emploi salarié, permettant ainsi d’offrir à Sarah Farjot de s’occuper de la programmation et de la production tout au long de l’année. Concomitamment, le FIFIG a choisi de faire appel à l’association lorientaise J’ai Vu un Documentaire pour soulager Sarah d’une partie de la compétition, Nicolas Le Gac s’occupant dorénavant de sélectionner les longs métrages documentaires et de constituer le jury qui décerne chaque année le prix de l’Île d’Or et le prix Lucien Kimitété du « documentaire le plus humain » – un critère des plus sensible et qui n’a rien ici de galvaudé, aussi bien dans la sélection des films que dans l’esprit du festival. De quoi mieux structurer l’événement, et d’enfin pallier à l’écueil ô combien contemporain d’un bénévolat à temps plein, ou de missions, toujours trop courtes, d’intermittence…

Sarah Farjot a donc accepté de prendre la suite de Sylvain Marmugi, sur ses conseils et son insistance. Il faut dire que l’ancien programmateur (et aujourd’hui co-président de l’association – on ne quitte pas si facilement le nid !) connaissait bien Sarah pour l’avoir fréquentée chaque année durant 10 ans, pendant et en dehors du festival. Car elle n’a rien d’une étrangère en terre groisillonne ! Cette normande d’origine est arrivée sur l’île avec ses parents à l’âge de 15 ans, un peu contrainte et forcée au départ : « Mon père était chef cuisinier en Normandie et il a eu l’opportunité de reprendre un restaurant à Groix, le Cinquante, d’avoir enfin une affaire à lui. Nous avons dû suivre moi et mes frères, quitter nos amis, notre environnement, vivre sur une île ! Je suivais des études dans un lycée agricole en section sportive équitation. Le cheval, c’est une passion, je montais depuis des années, et je me destinais à devenir kiné équin. Il a fallu renoncer à tout ça et passer un cap… », se souvient Sarah.

Si elle est ensuite repartie, pour des périodes plus ou moins longues – le lycée à Lorient pour la semaine en internat, où elle découvre la sociologie, l’histoire et l’économie qui deviendront de nouveaux grands centres d’intérêt dans sa vie ; une prépa BL de deux ans à Vannes ; puis des études de journalisme à la très prisée ESJ de Lille, au cours desquelles elle se spécialise JRI (Journaliste Reporter d’Images) ; quelques mois de stage à Paris à la chaîne parlementaire (LCP) qui achèvent de la convaincre qu’elle n’est pas faite pour la grande ville ; un long voyage en Asie de six mois en solitaire pour faire une pause et y voir plus clair ; et enfin neuf mois de service civique à Sérent au retour, chez les Passeurs d’Images et de Sons lesquels, au contraire, parachèvent sa formation à la vidéo et l’aident au choix de sa présente orientation (2) – elle finit tout de même par boucler la boucle – provisoirement ! – et par s’installer à Groix fin 2016, ce contrat avec le FIFIG en poche, pour l’année entière : « l’île est pleine de jeunes et de forces vives ! Sans compter toutes les associations qui œuvrent sur l’île toute l’année ; une trentaine ! On peut dire que nous avons de la chance, Groix est toujours animée, hiver comme été ! ».

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Port Lay © Gaell B. Lerays


Outre certains axes de développement qui lui tiennent particulièrement à cœur – tels la création d’une émission de radio et d’un partenariat avec Radio Balises que Sarah a mis en place dès son arrivée, la seule radio associative du bassin de Lorient qui viendra sur le site avec une radio mobile et du direct cette année ! (clin d’œil aux premières éditions et à la Radio des Îles qui couvrait le festival) (3)
–, Sarah pense au développement culturel de cette île et soutient le collectif qui se crée en ce moment autour de Port Lay, le site sur lequel se tient, notamment, le festival : « Port Lay pourrait devenir un lieu d’accueil que l’on investirait à l’année, pour des résidences d’artistes, d’écriture ou de réalisation. », rêve-t-elle à haute voix. « Cette année, nous avons perdu l’accès aux dortoirs pour l’hébergement, pour des questions de normes. Nous aimerions vraiment pérenniser la présence des associations sur le site, et pourquoi pas mettre en place un lieu d’accueil professionnel en lien avec le FIFIG, qui rejoindrait ce projet à l’origine de sa création qui était de faire vivre l’île ! Nous sommes en train de monter un collectif pour parler d’une seule voix et avoir une chance de convaincre Lorient Agglomération que ce projet peut marcher. Au-delà des associations, nous pourrons aussi louer les locaux pour accueillir nombre d’évènements et de rencontres à ceux qui en font déjà la demande. »

Le fait d’avoir pour la première fois à sa tête une salariée à l’année et dont le contrat aidé court sur quatre ans, c’est la chance de voir se transformer, peut-être, un rêve en réalité.

Autre projet, qui sera peut-être le dernier auquel Sarah pense prendre part en tant que coordinatrice – elle sait déjà qu’elle aura la bougeotte d’ici deux ou trois ans, et a en tête des projets réunissant, par exemple, le cheval, le vin nature et le documentaire… – c’est une célébration du 20e anniversaire du festival qui réunirait d’une façon ou d’une autre tous ceux qui ont fait vivre le FIFIG depuis la première édition : créateurs, équipe, réalisateurs, musiciens, artistes… L’équipe actuelle a sa petite idée sur la question : la traditionnelle soirée d’ouverture en plein air prendrait la forme d’un spectacle interprété par tous ceux qui ont fait le festival, mélangeant toutes les formes artistiques, et à destination de tous ceux qui l’ont soutenu et le soutiendront encore, à commencer par cette année, en s’y rendant dare-dare !

Gaell B. Lerays


(1) Le Public vote lui aussi pour le film qu’il aura préféré. Un Jury jeune constitué de collégiens de Groix et de Belle-Île et encadré par l’association belliloise Les Tempestaires décerne depuis 2013 les prix du meilleur court-métrage de fiction et du meilleur court-métrage documentaire parmi cette année 11 documentaires et 6 fictions.

(2) Elle découvre le documentaire de création, réalise son premier film, La Claie des landes, coordonne l’atelier permanent de vidéo, accompagne des tournages, monte des portraits…

(3) Mais aussi la délocalisation de certains évènements et actions, de nouveaux partanariats tout au long de l’année, et la mise en place de véritables rendez-vous à Groix et ailleurs : développement de soirées pré-festival avec des cartes blanches au FIFIG et à Douarnenez offerte par J’ai vu un documentaire au FIFIG et au festival Zones Portuaires à Saint-Nazaire, à Paris à l’Atelier du Plateau, et à Groix au Parcabout ; des projections régulières à destination des collégiens dans différents « quartiers » de l’île ; une après-midi d’éducation à l’image avec les collèges de l’île ; un stage vidéo d’une semaine organisé en partenariat avec les Tempestaires de Belle-Île et à destination de collégiens de Groix et de Belle-Île. Etc !