Retours d'Annecy : LA DÉLÉGATION SE RACONTE…


Depuis 2012, grâce aux soutiens conjugués de Rennes Métropole et de la Région Bretagne, Films en Bretagne coordonne annuellement « l’Opération Annecy » : chaque année, une délégation de technicien·nes et d’auteur·ices qui portent ensemble une vision d’excellence de l’animation bretonne et donne rendez-vous à la communauté professionnelle internationale au MIFA… Un stand « Bretagne » y est aménagé pour mettre en visibilité la vitalité et la richesse de la création régionale, ses talents, ses films à venir… et également recevoir en toute convivialité de futurs collaborateurs de création, de futurs partenaires, de futurs projets.

Joyeusement, mais sûrement, une délégation de cinq professionnel·les breton·nes s’est donc rendue une nouvelle fois au Festival International du Film d’Animation d’Annecy avec nous, du 13 au 16 juin : Vincent Burlot, compositeur de musique à l’image, Véronique Canezza, cheffe décoratrice 2D, Marie Cattiaut, animatrice volume, Emmanuelle Gorgiard, décoratrice et réalisatrice Stop motion, et Sylvain Lorent, chef opérateur compositing.

Toutes et tous nous ont aidé à préparer l’opération, se sont relayés sur le stand pour accueillir les professionnel·les et représenter la filière bretonne, tout en profitant du festival et de son marché… Retour en images et en mots d’une magnifique semaine qui (re)donne tout son sens aux métiers que l’on fait, où les films et leurs créateurs rencontrent leurs spectateurs…


Mon expérience d'Annecy… par Vincent Burlot

Petit billet d'humeur

Voir Annecy et s’émerveiller encore et encore…

Après une année de disette me voici à nouveau présent à Annecy sur le stand B 044 du MIFA. Cette fois encore, ce ne sera pas pour vendre des galettes-saucisse, du pâté ou du cidre made in BZH mais simplement pour parler de la filière du cinéma d’animation et des nombreux professionnels de la région qui gravitent autour de ce petit monde bouillonnant d’inventivité. Écrire de belles choses, fabriquer des ovnis géniaux, produire du beau c’est super mais si personne ne le sait ça ne sert pas à grand-chose dans ce monde où tout passe trop rapidement. Une fois l’an, il est bon de s’arrêter, de regarder le travail accompli et de rêver à l’après…

Sur notre beau stand 044, on voit défiler des yeux brillants d’étudiants en recherche de stages, des réalisateurs et scénaristes qui nous présentent leur book, des inventeurs de toutes sortes, des producteurs, distributeurs, directeurs d’écoles… Bref, ça bouillonne en ce moment et la région Bretagne et sa filière animation attirent les créateurs de tous poils.

Quel est l’intérêt pour moi, compositeur de musique, d’aller tenir une permanence (2-3 h / jours) sur le désormais célèbre stand 044 ? Je vous répondrais que c’est hyper enrichissant de côtoyer toutes les personnes qui travaillent autour d’un film ; ce n’est pas si fréquent pour moi qui ne rencontre en général que les réalisateurs, producteurs et mixeurs. Le collectif donne du sens à mon métier, ça me rappelle le monde du théâtre dans lequel j’ai beaucoup navigué ces dernières années. J’ai vu de beaux films, d’autres un peu déroutants, j’ai surtout emmagasiné de l’énergie pour l’année qui arrive ! J’ai hâte d’y retourner…

Bien le bonjour en stop motion.


Mon expérience d'Annecy… par Véronique Canezza

Petit billet d'humeur

J’étais allée au festival d’Annecy deux fois : la première quand j’étais étudiante au siècle dernier, et la deuxième en 2022 pour l’événement Studio focus de la série The heroic quest of the valiant prince Ivandoe sur laquelle je travaillais, c’était aussi l’occasion de rencontrer l’équipe danoise, réalisateurs, directeur artistique… mais en coup de vent puisque je n’y étais restée que 2 jours. C’était très frustrant et je me suis dit que j’aurais bien aimé y passer plus de temps. Je me suis donc proposée pour faire partie de la délégation Bretagne cette année.

J’appréhendais un peu de tenir le stand au MIFA (Marché International du Film d’Animation ), devoir parler anglais, de quoi, à qui… En fait, je me suis sentie plutôt à l’aise, il faut dire que notre petite délégation était très joyeuse. Et finalement j’ai bien aimé rencontrer des professionnels qui ont des projets ou qui sont tout simplement étonnés de voir que oui on peut travailler en Bretagne dans l’animation, des étudiants qui cherchent des stages ou des conseils pour améliorer leurs portfolios , parler des projets en développement dans les entreprises bretonnes, mettre en avant le savoir faire des professionnels bretons, rencontrer des gens de tous les pays : Mexique, Japon, Philippines… in english as well !

Mais Annecy c’est aussi et surtout les projections, l’ambiance incroyable de ce festival dans un cadre magnifique et bien sur les tartiflettes !


Retour d'écran

Un conte merveilleux pour les enfants et aussi pour les grands :
Sirocco et le royaume des courants d’air de Benoît Chieux

Synopsis : Agnès, la voisine de Juliette (4 ans) et Carmen (8 ans), écrit des livres pour enfants qui prennent place dans un monde fantastique, le Royaume des Courants d’Air. Les deux sœurs découvrent un passage entre leur monde et cet univers extraordinaire. Une fois sur place, les deux filles prennent l’apparence de chats, et découvrent l’existence de Sirocco, ce personnage terrifiant capable de contrôler le vent.


Juliette et Carmen, deux sœurs de 4 et 8 ans, sont gardées par Agnès, une amie de leur mère qui écrit des livres pour enfants. Pendant que celle-ci s’est assoupie, les deux sœurs se retrouvent happées dans un des livres d’Agnès, dans un monde fantastique, dans le royaume des courants d’air. Transformées en chats, elles vont devoir partir à l’aventure avec l’aide de Selma, chanteuse adulée de ce monde, et faire preuve de courage pour aller à la rencontre de Sirocco, sorte de sorcier des vents, dans l’espoir de retourner dans leur propre monde. Sirocco et la royaume des courants d’air a fait l’ouverture du festival d’Annecy cette année. Mais moi, je l’ai découvert quelques jours plus tard lors d’une séance présentée par le réalisateur Benoît Chieux avec une partie de l’équipe du film dans la salle. C’était une première pour beaucoup, l’émotion était donc palpable.

Ce film co-écrit par Alain Gagnol est un conte à la Hayao Miyazaki ou Paul Grimault.

Les deux fillettes y croisent toutes sortes de créatures fantastiques comme des crapauds oranges habitants du village, des espèces de crocodiles volants ou encore les Krockenbecs… Quel bonheur de plonger avec elles dans cet univers au parti pris graphique épuré : 2D en aplats de couleurs sans ombres propres ou ombres portées avec juste quelques dégradés de couleur pour donner de la profondeur à l’image. J’ai adoré planer avec elles au dessus de ces paysages féeriques,cactus géants, ciel où des méduses remplacent les étoiles… Emmenés par la musique de Pablo Pico nous voilà dans l’émotion entre rires et larmes, en effet le film aborde aussi le sujet du deuil.

J’espère que cela montrera aux producteurs, aux chaînes et aux distributeurs qu’un long métrage en 2D en 2023 c’est possible, c’est beau, il suffit d’une belle histoire et oui les enfants peuvent aimer ça.

Je vous conseille donc d’aller voir en famille Sirocco et le royaume des courants d’air en salle le 13 décembre 2023.


Mon expérience d'Annecy … par Marie Cattiaut

Petit billet d'humeur

Planant sur un avion de papier… retour d’expérience

C’est quand je m’assois sur le siège rouge de la salle de cinéma que je réalise enfin être en festival. Là bien qu’entourée d’inconnus, je me sens comme chez moi. Un visage devient tout à coup familier quand mon amie, qui s’amuse à reconnaître les gens dans la foule, me signale son nom. L’ambiance est à son comble et à Annecy quand les lumières s’éteignent le silence ne se fait pas. Le festival est riche de tous ces petits secrets qui font du cinéma un moment collectif affirmé, et qui m’émeuvent un peu plus chaque année depuis la fin du covid. J’étais cinéphile avant d’être technicienne. Si je suis animatrice aujourd’hui, c’est parce que j’ai tant pleuré et tant ri dans ces salles obscures remplies d’inconnus, le coeur battant à l’unisson 24 images par seconde. Voir des films donne un sens à mon travail. Au moment où le.a réalisateur.ice se lève sous les acclamations du public pour le saluer, je me dis que j’irai peut-être le.a féliciter à la sortie, lui demander comment a été fait ce trucage qui m’a bluffée. Je suis justement en train de travailler sur un projet qui aurait besoin d’un effet similaire et nous nous retrouvons à échanger nos astuces.

Je remonte le chemin qui mène au Mifa, le marché international du film d’animation. Le soleil, la chaleur contrastent agréablement avec l’ambiance caverneuse de la séance qui vient de se finir. Je croise un collègue sur le trajet et nous échangeons quelques mots à propos des projets qu’il présente au festival, les prochaines productions qu’il attend de pouvoir lancer. Je l’invite à venir nous rendre visite sur notre stand à l’occasion, il y a une marionnette impressionnante à voir, il a peut-être même déjà vu le film dont elle provient ? Il est en compétition cette année. Durant les quelques heures que je passe chaque jour à présenter la Bretagne et ses talents au tout venant, j’ai l’occasion de sympatiser avec les autres membres de la commission, de rencontrer les producteur.ice.s et les réalisateur.ice.s de ma région ou d’une autre. Pour moi qui suis encore une vagabonde, allant et venant au gré des projets sur lesquels il y a une place à prendre, ces moments privilégiés sont indispensables, ils me permettront peut-être de trouver du travail. Et quel plaisir, l’expérience venant, de pouvoir renseigner de plus jeunes et plus débutant.e.s que moi : leur parler du métier, les orienter vers un studio ou une formation qui les aiderait, prendre leur contact pour pouvoir un jour à mon tour leur donner leur chance.

Vient le moment tant attendu : le film sur lequel j’ai travaillé passe en salle et une bonne partie de l’équipe est venue pour l’occasion. C’est la première fois que nous le voyons fini et sur grand écran, et c’est l’occasion pour les deux réalisateurs de mettre un point final à cette aventure avec nous. Tandis que les souvenirs m’envahissent à chaque nouvelle séquence, je reste attentive aux réactions dans la salle : rit-on aux passages comiques ? S’essuie-t-on discrètement les yeux après un moment plus émouvant ? Mon oreille traînera encore à la fin de la séance pour capter ce qu’on en a pensé par-ci par-là et je ne manquerai pas de recommander le film à tous.tes celles.ux qui ne l’auraient pas encore vu.

Aller en festival, ça fait partie de mon travail. En lien direct avec la matière filmique, celles et ceux qui la financent, la créent et la vivent. C’est là que mon envie de cinéma naît puis se concrétise en rencontres et aboutit quand le film est projeté. J’y prends la température de mon art, je m’en inspire, je le respire. Je m’en passe difficilement ; j’en reviens toujours meilleure technicienne.

Retours d'écrans…

Les limites de notre empathie :
Wild Summon de Saul Freed et Karni Arieli (Royaume-Uni) / Carp Xmass de Anna Heribanová (République tchèque)

Faut-il donner aux poissons une forme humaine pour que nous daignions compatir à leur sort ? Quand non pas un, mais deux films sélectionnés en compétition (l’un professionnel, l’autre étudiant) choisissent de donner un corps humain à des poissons, la question s’impose.

Wild Summon est construit comme un documentaire classique en termes de mise en scène, incluant la voix off qui décrit doctement le cycle de vie d’un saumon sauvage. Les images sont en 3D hyperréaliste ce qui renforce cette intention documentaire. Mais c’est bien un corps humain au lieu d’un saumon qui nous est montré agonisant sur le rivage d’une rivière, une femme tout équipée de matériel de plongée : masque, combinaison d’écailles et palmes. Le film suit l’un des oeufs qu’elle vient de pondre, de l’éclosion au retour sur le lieu de naissance en passant par l’étiquetage pour suivi scientifique et le périple jusqu’à l’océan.

Carp Xmass revient sur une coutume tchèque, qui consiste à cuisiner des carpes pour Noël. Dépecées sur les marchés où elles sont vendues, elles sont ensuite consommées, leurs restes jetés le lendemain. La réalisatrice a choisi ici d’inverser les rôles et ce sont en fait les carpes qui dépècent, démembrent et cuisinent des corps humains miniatures. Le registre est plus comique même si les excursions dans le gore sont fréquentes. L’image semble avoir été travaillée en vue d’un rendu stop motion (la cadence est assez basse et reproduit l’effet saccadé de cette technique), peut-être pour rendre plus supportables les passages de violence physique contre des corps humains.

À une époque où les questions environnementales sont absolument centrales, le végétarianisme est un choix écologique courant et Wild Summon nous montre bien en quoi la surconsommation de saumon est nuisible à l’environnement : les méthodes de pêche détériorent le paysage marin et ses fonds, les espèces sont en voie de disparition. Mais au-delà de cette question, il me semble que c’est surtout une réflexion contre la maltraitance animale, presque dans la veine antispéciste que se placent ces deux films. Il est avant tout question de violence dans Carp Xmass, celle qu’on fait subir à des êtres vivants dans des espaces privés ou publics et que le contexte du Noël chrétien rend encore plus indécente. Wild Summon donne aussi à voir des circonstances de vie intolérables pour ces poissons, parqués dans des filets circulaires étroits dans lesquels ils se voient condamnés à tourner en rond. Choisir de représenter des corps humains, dans ces deux films, c’est questionner cette violence. Les auteur.ice.s semblent demander : ces sévices qui nous paraissent acceptables à l’encontre des poissons, ces images qui nous paraissent soutenables quand elles montrent des poissons, le seraient-elles encore si ces poissons avaient une forme humaine ? Avec les insectes, les poissons font partie des êtres vivants les plus éloignés de nous morphologiquement et il est plus difficile de s’identifier à eux, et donc, de compatir à leur sort. Utiliser le corps humain comme vecteur d’empathie, dans le contexte narratif, semble être un très bon moyen de sensibilisation et colore ces deux films d’une teinte qui persiste, même quelques semaines après les avoir vus. Quand, à la toute fin de Carp Xmass, des images documentaires surgissent et nous montrent crûment ce qu’on fait aux carpes sur les marchés tchèques le soir de Noël, leur violence est manifeste. Je ne peux m’empêcher de me demander si l’effet aurait été aussi fort si toute cette violence n’avait pas été d’abord appliquée, bien qu’avec humour, sur des corps humains.

Stop motion, quand le matériau tisse la narration :
Our Uniform de Yegane Moghaddam (Iran) / The Miracle 
de Nienke Deutz (Belgique)

Dans Our Uniform, un film intimiste à la première personne qui retrace son rapport aux habits, la réalisatrice fait du tissu et des vêtements le support visuel et matériel de son film. Ceux-ci sont photographiés de près et parfois animés image par image ; une autre animation, réalisée d’abord en 2D, est ensuite virtuellement superposée au tissu (ce qui n’exclut pas certains passages animés à même la matière). Puisque les vêtements sont une manière d’exprimer qui l’on est et en disent long sur notre rapport au corps, en particulier chez les femmes où il est un sujet de tension avéré, s’en servir de support pour représenter les personnages et les situations est très pertinent. Le choix technique permet, de manière extrêmement efficace, de faire coïncider le propos du film et son médium. Il exprime visuellement ce que dit autrement la voix off et permet également de superbes métaphores visuelles : déboutonner dévoile ce que le personnage ressent vraiment intérieurement, quand déchirer, zipper ou serrer renvoie directement à une forme d’oppression.

La question du corps est également travaillée par l’utilisation d’un matériau spécifique dans The Miracle, mais de façon bien différente. Alors que le tissu de Our Uniform se présente principalement à plat pour servir de support à l’animation dessinée, l’action de The Miracle prend place dans un espace en volume plus proche d’un film de marionnettes. Les personnages sont cependant aussi animés préalablement en 2D, puis gravés et découpés automatiquement, leurs vêtements peints à la main. Il est donc visuellement question de corps plats, et même vides puisque c’est sur des plaques transparentes qu’ils sont imprimés. Nous nous trouvons dans un centre de vacances où une femme essaie de trouver le repos et, tandis que la narration garde une certaine pudeur concernant le passé de son personnage principal, c’est cette transparence qui nous guide : si le corps est vide, c’est selon une douloureuse comparaison avec des corps qui, eux, portent la vie et dont on ne voit parfois plus que l’embryon qui les habite. Le sujet est amené avec subtilité par l’usage du visuel et le choix de cette technique plutôt que d’être frontalement expliqué.

Dans les deux cas, le choix matériel est d’une grande pertinence et sert directement le propos, tissant son signifiant en accord avec la narration et donnant au film toute sa force. Mais les deux réalisatrices ont également choisi d’ancrer dans la matérialité, des films dont les sujets sont inextricablement liés à la corporalité et en particulier féminine ce qui redouble encore l’intérêt de la technique choisie. En effet, quoi de plus pertinent, pour parler du corps, que d’utiliser des matériaux avec lesquels il est directement en contact ? Par ailleurs, les corps féminins sont ceux qui se voient presque systématiquement ramener à leur réité. Cacher de force un corps jugé trop séduisant ou faire peser sur le corps une injonction à la maternité qui le videra de son sens s’il n’y répond pas, ce sont des façons oppressives de renvoyer les femmes aux prises avec leur matérialité. Quoi de plus naturel, dès lors, que d’en rendre compte visuellement par le choix d’un procédé directement en lien avec la matérialité ?

Filmothérapie : Electra de Daria Kachsheeva (République Tchèque)

C’est en collaboration avec un spécialiste en psychologie que Daria Kachsheeva a en partie construit son film, suivant la mosaïque disparate des souvenirs de son personnage pour parvenir à reconstruire progressivement la trame d’un événement traumatique et réussir, finalement, à l’énoncer. Le chaos du passé se reconstitue progressivement jusqu’à devenir assez cohérent pour être mis en mots, enfin dompté, peut-être enfin apaisé. Le processus demande, entre-temps, de se penser soi-même en corps-objet, que l’on immobilise pour le filmer image par image, que l’on rase, poupée parmi les autres poupées de son enfance – car si Electra nous est parfois montrée jeune, au moment du trauma, ses Barbies, elles, ont grandi pour rattraper sa taille d’adulte et viennent la hanter comme une ancienne pensée obsolète dont on n’aurait pas su se débarrasser à temps.

Le film se réfère également directement au mythe d’Electra et une analyse plus poussée rendrait mieux compte de sa profondeur vertigineuse. D’un premier visionage, trop intense pour laisser un souvenir assez précis, subsiste tout de même une interrogation : nous qui sommes les spectateur.ice.s de cette reconstruction thérapeutique du personnage par le film, que vivons-nous de son parcours ? La production d’un film peut-elle aider sa réalisatrice à surmonter un trauma, peut-elle toucher également au psychique de son audience ? La démarche de l’autrice d’Electra place son film dans le sillage des ceux de David Lynch de ce point de vue, et crée chez ses spectateur.ice.s des sentiments de malaise et de fascination qui ne laissent certainement pas indifférent.

La charge mentale en images : Drijf de Levi Stoops (Belgique)

Le concept de charge mentale fait beaucoup parler de lui depuis quelques années et est régulièrement utilisé comme outil d’analyse des inégalités de genre dans l’organisation de la vie de couple. Il renvoie à tout l’aspect gestionnaire que les femmes continuent majoritairement de prendre en charge dans la vie domestique, et qui entre en conflit avec leurs carrières au point parfois de la défavoriser, leur prenant au passage une énergie importante qu’elles ne peuvent plus utiliser pour leur propre bien-être.

Dans Drijf, l’action est simplifiée au maximum et réduit un couple à flotter sur un bout de bois au milieu de l’océan. Ce dépouillement permet à la narration de se focaliser sur une seule chose : la relation entre ces deux personnages et comment ils parviennent ensemble à « mener la barque ». Ou plutôt, comment l’absence d’initiative et la balourdise de l’un d’eux oblige sa partenaire à prendre la majorité des décisions, à endosser les responsabilités au point d’y laisser des plumes. Ce n’est qu’une fois son amie à bout de forces que l’homme se décide enfin à agir pour les sortir d’affaire. L’épopée du couple, bien qu’elle dépeigne au fond une triste réalité, est amenée de manière très comique et la situation se prête à des rebondissements et à des exagérations tordantes. Les dialogues sont parfaitement bien écrits et les personnages comme leur relation sont crédibles. Lorsqu’enfin ils retrouvent le rivage, c’est avec le sourire aux lèvres qu’on se demande combien elle a dû se sacrifier pour qu’il se sente fort, et cette réflexion douce-amère sur la répartition inégale de la charge mentale dans un couple est amenée avec une légèreté tout à fait bienvenue.


Mon expérience d'Annecy … par Emmanuelle Gorgiard

Petit billet d'humeur

Le Mifa cette année, c’était l’investissement très concret des techniciens de la délégation à rendre le stand Bretagne vivant et accueillant. La maîtrise de l’anglais ou de l’espagnol chez certains d’entre nous (en cette année du Mexique) était un atout supplémentaire. Parmi nos visiteurs, beaucoup d’étudiants mais aussi des producteurs, des distributeurs ou d’autres professionnels avec qui nous tissons des liens année après année et que nous retrouvons parfois lors du festival de l’Afca à Rennes au printemps. Pratiquer nos permanences à tour de rôle aux côtés de l’équipe de Films en Bretagne, de la Région, de Rennes métropole et de nos producteurs était aussi l’occasion d’échanges entre nous parfois trop rares à Rennes.

Ce partage du stand autour d’un intérêt commun, accueillir et fabriquer les plus beaux projets de films, était enfin pour les techniciens l’opportunité de raconter l’animation en Bretagne comme ils la vivent et de la faire rayonner. J’avais déjà apprécié de participer à la délégation bretonne par le passé, mais cette année, j’avais une motivation supplémentaire pour venir au Mifa : Je devais rencontrer des producteurs pour, peut-être, trouver celui où celle qui accompagnera mon prochain film. J’avais préparé ma venue dans cet objectif en prenant quelques rendez-vous, mais les allées du Mifa et les permanences sur le stand m’ont offert d’autres opportunités… Loin de leur lieu de travail habituel, les gens sont plus disponibles. Ce temps de festival est vraiment un moment précieux.


Mon expérience d'Annecy … par Sylvain Lorent

Petit billet d'humeur

C’est la première fois que je revenais au festival d’Annecy depuis mes études, il y a 15 ans maintenant.

La première chose qui m’a frappée est la taille du festival à présent. Il est extrêmement fréquenté et bien plus international au niveau du public. Cependant j’y ai retrouvé la même effervescence que lors de ma dernière visite. Recroiser autant d’étudiants a ravivé mon appétit à voir des films d’animation de toutes sortes, réactivé mon plaisir d’en faire et, un peu, gonflé mon égo d’en avoir déjà fait qui ont été diffusés sur les écrans qui s’étalent devant moi. Bref, ça m’a rappelé que je faisais partie intégrante de cette énorme industrie, même à ma petite échelle.

J’ai aussi pu découvrir le MIFA, moi qui hésitais à y amener mon CV, j’ai découvert qu’ici chacun démarche sans souci. J’ai raté le coche, mais j’en prends bonne note, le MIFA d’Annecy permet tant de rencontres inattendues et créées que c’est une occasion unique d’agrandir son réseau, ses possibilités de travail mais aussi les occasions de partage, tout simplement.

Ça a été un plaisir complet que cette semaine à Annecy à regarder des films et partager à propos du travail fait en Bretagne. J’ai pu découvrir de nouveaux films, de nouvelles personnes dans un cadre magnifique et plaisant.

Si j’avais su, je serai déjà revenu.


Retour d'écran

Deep sea
de Tian Xiaopeng

Synopsis : Shenxiu, une fillette de 10 ans, est aspirée dans les profondeurs marines durant une croisière familiale. Elle découvre l’univers fantastique des abysses, un monde inconnu peuplé d’incroyables créatures. Dans ce lieu mystérieux émerge le Restaurant Deep Sea, dirigé par l’emblématique Capitaine Nanhe. Poursuivis par le Fantôme Rouge, leur route sera semée d’épreuves et de nombreux secrets. Leur odyssée sous-marine ne fait que commencer.

Durant le festival, j’ai eu l’occasion de découvrir Deep Sea, film chinois de Tian Xiaopeng.

J’en avais vu la bande annonce bien avant le festival. Lors de sa découverte j’avais été très intrigué par la quantité de particules et de couleurs à l’écran, tout me paraissait poussé à l’extrême, jusqu’à l’overdose. C’est pour cette raison que j’ai réservé ma place pour le film durant le festival.

À mon plus grand soulagement, le film est bien plus sage qu’il n’y paraissait. Ce qui m’a permis de sauver mes rétines. Il n’en reste pas moins que c’est un film extrêmement coloré, plutôt nerveux, qui ressemble à un « Voyage de Chihiro » sous acide. Cela dit, j’ai adoré découvrir ce traitement plus que généreux des environnements et des lumières. J’en ai littéralement pris plein les yeux et j’ai adoré ça.

L’histoire est, somme toute, classique mais traitée d’une manière qui peut être perturbante, voire dure pour un film d’animation mais ça fait du bien. Paradoxalement la gaieté n’est pas au rendez-vous malgré un voyage haut en couleurs. C’est, pour moi, l’une des forces du film.

L’une des choses les plus marquantes pour moi a été l’animation des visages des personnages. Le film est en 3D mais va chercher des posings très proches des extrêmes présents dans le manga chinois, créant des déformations impressionnantes, voire effrayantes mais qui, pour moi, participent grandement au film.

Je conclurai en citant un de mes voisins de salle à la fin du film : « J’en chialerai si j’avais pas les yeux qui piquent ».


Notre expérience d'Annecy … par l'équipe de Films en Bretagne

Billet d'humeur d'un directeur heureux

Nous avions beaucoup travaillé à préparer ce déplacement, la communication, longtemps dans l’attente de la réponse des comités d’expertise de France 2030, nous y avons cru fort… 

Il y avait à Annecy les compagnon-nes de route d’hier, d’aujourd’hui, de demain… Il y avait, pour ainsi dire, les habitué·es de ce rendez-vous, mais aussi de nouvelles arrivantes (parce que ce sont des femmes qui présentaient leur Pitch !)… Il y avait cette belle énergie, ces bonnes ondes et ces plaisirs… Il y avait la pression aussi d’être invités à rencontrer Mme la Ministre de la Culture et toute la conviction de porter un projet d’avenir pour le Stop Motion avec des partenaires de choix… Il y avait des rencontres pour construire… Il y avait tout le sérieux qu’il faut dans ces moments-là, mais aussi toute la convivialité et la complicité qui en font de bons moments, de beaux moments.

Big up à Lubna Beautemps pour cette organisation harmonique, voire mélodique… il est donc des plaisirs intenses et sereins à la fois ! Big up aux FEBETTES de la team Lorient — Julie Huguel / Caroline Le Maux / Stephanie Coquillon — pour leur investissement sans faille dans cette partition… quelle dream team de vous avoir à mes côtés toutes les quatre !

Big up à cette délégation bretonne — Vincent Burlot, Véronique Canezza, Marie Cattiaut, Emmanuelle Gorgiard et Sylvain Lorent — pour son immense générosité et ce bel esprit !
Big up a CELLESAnanda Safo et Gwenaëlle Clauwaert (Ten2Ten films) / Gaïa Alari et Soyo Giaoui (La Cellule Productions) / Daria Kashcheeva — qui sont rentrées primées !
Big up à celles et ceux qui continuent de porter avec toute la conviction et l’engagement qu’il faut, l’animation “made in Breizh” !
Merci aux partenaires qui rendent cette opération possible, aussi belle que constructive, et ce depuis plus de dix ans : la Région Bretagne et Rennes Métropole !

… et… qu’on se le dise : Vive le STOP MOTION !


Un rendez-vous avec Mme la Ministre de la Culture

Films en Bretagne fait partie, en partenariat avec l’EESAB Bretagne, des Lauréats de l’appel à projets France 2030 : La Grande Fabrique de l’Image… Avec le projet GÉNÉRATION(S) START MOTION, l’enjeu est de relever le défi d’un hub international du Stop Motion basé à Rennes, travaillant autant les questions de formation et de renouvellement des générations de talents du Stop Motion, que les questions de transitions dans les pratiques et les process de travail, les questions d’incubation de projets ambitieux sur en Bretagne, ou encore les questions d’observation de ce segment d’excellence si particulier de la production d’animation.
La bonne nouvelle de ce printemps tient à la représentation bretonne des Lauréats de cet appel à projets, avec pas moins de quatre projets soutenus, les trois autres étant ceux portés par l’école d’animation 3D Creative Seeds (Rennes), par la formidable fabrique de récits du Groupe Ouest (Brignogan) et par le studio d’animation Personne n’est parfait ! (Rennes)…  

A l’occasion du Festival d’Annecy, nous étions quelques uns à être invités à rencontrer Mme la Ministre Rima Abdul Malak : la délégation de Films en Bretagne était composée de Jean-François Bigot, producteur JPL Films et Studio Pupp’s Motion, Roland Decaudin directeur de l’EESAB de Lorient, Jean-François Le Corre, producteur Vivement Lundi ! et Studio Personne n’est parfait !, et Franck Vialle, directeur de Films en Bretagne.
Ensemble, nous avons pu échanger autour des questions de formation, de notre rôle quant à accompagner la relève des talents créatifs, de ce qui fonde le caractère d’excellence et d’exception du Stop Motion dans le paysage français et international de l’animation… Nous avons aussi beaucoup parlé de… la Bretagne (!)

lire aussi les 3 questions aux Lauréats bretons de France 2030 : La Grande Fabrique de l’Image : ICI


Dans les images et dans la presse

Quelques vignettes souvenirs…


On parle de nous…