Nous avons lu, entendu, vu, ici et là… que 2023 était déclarée Année du Documentaire par le CNC… Grâce à la Cinémathèque du Documentaire, la Scam et de nombreux programmateurs engagés sur tous les territoires, nous avons eu quelques belles occasions déjà cette année de nous plonger véritablement dans des pépites du genre…
Du 22 au 25 juin prochain, le cinéma documentaire s’invite à Mellionnec dans un grand battement de coeur (comme chaque année dans ce coin magnifique du Kreizh Breizh) : des films, en images et en sons, des ateliers, des rencontres professionnelles… Quatre jours dans l’année du documentaire, passionnés.
DES FILMS A VOIR… UNE SELECTION
Parce que c’est une joie renouvelée de découvrir chaque année les habitant·es de Mellionnec…
Portraits de Mellionnec de Tahin Demiral, Arnaud Le Hesran, Thomas Uzan et Ariane Zevaco
52 minutes • Coproduction Ty Films, Tébeo, Tébésud, TVR et KuB
Depuis 2013, à chaque printemps, l’équipe de Ty Films invite et accompagne quatre jeunes cinéastes à réaliser chacun·e le portrait d’un·e habitant·e de Mellionnec. Pour les quatre portraitistes, c’est un vrai défi : deux semaines pour faire la connaissance d’un·e habitant·e, se chercher, s’apprivoiser, trouver un langage commun, tourner, monter, et livrer un court documentaire. Au fil des ans, c’est à la fois le portrait de la commune qui se dessine et le portrait de la jeune création documentaire contemporaine…
Jeudi 18h30 | Jeudi 20h | Grand Chap’ en présence des cinéastes et habitant·es
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Parce que le cinéma c’est se rappeler d’où on vient, pour rêver où aller…
Eldorado de Tony Quéméré
61 minutes • France – 2022 • production Tita Tita Productions / Les Films de la Butte.
Loin de Kergoat, la ferme où sa famille a dérivé vers l’endettement et l’alcoolisme, Tony s’est construit un eldorado auprès de sa femme mexicaine et de leurs filles. Mais Kergoat, invariablement, se rappelle à lui.
« Eldorado » est un documentaire autobiographique décalé, conduit par une voix off subjective. Un témoignage cru mais aussi tendre et poétique, sur la vie, la mort dans une petite famille bretonne bousculée par les bouleversements du monde. Il relate la détresse, voire les ravages que provoquent les bouleversements du monde rural breton : faillite de la ferme familiale, alcoolisme, brutalité des rapports. La mort de mes parents m’a ramené dans mon pays. La pointe Finistère. Quimper. Une voie rapide toute proche qui mène à la mer. On sort avant, par l’un de ces incontournables ronds-points. Au bout de petites routes sinueuses, dans la campagne, on arrive enfin dans un hameau modeste : Kergoat.
Quand je suis parti à 18 ans, Kergoat c’était deux fermes qui s’éteignaient à petit feu, des vieux paysans bourrus et personne pour reprendre. Pourtant, je l’avais fui ce cul de sac où naquit ma lignée, où j’ai passé une enfance « incroyable » avec mon frère Lionel. On déguerpissait comme des sauvages dans les maïs dès qu’on voyait se pointer au loin la voiture d’un étranger. Kergoat que j’ai vu dépérir, refusant le virage du monde. Trop de misère, de malheur, de violence. Le repli ? L’alcool ? Je me suis démené pour m’en sortir, sans me perdre, toujours en quête (parfois chaotique) de mon Eldorado, d’un horizon lumineux, jusqu’à l’autre rive de l’océan, jusqu’au Mexique. Ben oui, parce que Leticia, ma femme, est mexicaine. Franchement, quelle idée de venir s’enterrer ici ? Il aura fallu que je revienne après vingt ans d’absence pour découvrir que ce hameau égaré s’est ouvert, au point de devenir un concentré du monde : aujourd’hui, une piscine trône à la place de notre ancien poulailler familial. Ce n’est plus le pays de mon enfance. Ça me bouleverse intérieurement »
Tony Quéméré
Vendredi 20h30 | Grand Chap’ | En présence du réalisateur
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Parce que partager un films en plein air, c’est une joie en soi… deux, c’est plus encore !
Tungrus de Rishi Chandna
14 minutes • Inde – 2018
Les chats raffolent des croquettes au poulet, mais les chats détestent Tungrus : Tungrus est intrusif, capricieux et dôté d’un caractère de cochon. Tungrus ne respecte rien ni personne, il faut que ça cesse !
« La chose est suffisamment rare dans le documentaire d’auteur pour ne pas bouder notre plaisir : humour et impertinence animent ce court métrage alliant tous les ressorts de la comédie. Avec d’abord le montage rythmé par lequel Rishi Chandna prend un malin plaisir à ménager le suspense. Que va devenir l’envahissant volatile ? Pourra-t-il rester ? Les confidences de chacun des membres de la famille face caméra sur la cohabitation avec l’étrange animal de compagnie alternent avec des scènes cocasses de poursuite à travers l’appartement. Mais il ne faut pas se méprendre, sous l’apparente légèreté, Tungrus est aussi le portrait d’une certaine classe moyenne indienne et une découverte originale de ce qui va devenir dès 2023 et devant la Chine, le pays le plus peuplé au monde. »
Éva Tourrent, Responsable artistique de Tënk
Kristos, le dernier enfant de Giulia Amati
88 minutes • Italie, France, Grèce – 2022
Unique et dernier élève de l’école d’Arki, une île du Dodécanèse grec, Kristos va-t-il quitter sa famille et sa terre pour aller au collège ? La chronique délicate d’un adieu à l’enfance.
Sur l’île grecque d’Arki, dans le Dodécanèse, vivent un millier de chèvres, trente habitants et, désormais, un seul enfant : Kristos, 10 ans, l’unique élève de Maria, dans la petite école qu’ont fréquentée avant lui ses grands frères, tous devenus bergers, comme leur père. L’institutrice voudrait voir Kristos poursuivre ses études au collège, mais il lui faudrait pour cela quitter l’île et rejoindre le continent par la mer. Pour comprendre cette enfance dépourvue de compagnons de jeu et de classe, Giulia Amati, la réalisatrice, a suivi Kristos, caméra à l’épaule, tout au long de son ultime et décisive année de primaire, jusqu’à l’heure du choix. Son film délicat prend sa source dans sa propre enfance : petite fille, elle s’est éprise de cette terre balayée par les vents, où l’avait amenée son père navigateur, et y avait effectué avec lui de multiples séjours. Au décès de ce dernier, elle a voulu revenir à Arki, et y a rencontré Kristos, qui avait le même âge qu’elle quand elle avait découvert l’île. Dans ses pas, et à travers ses yeux, elle signe une ode à l’enfance et à la beauté sauvage de l’île, empreinte d’empathie et de pudeur.
Vendredi 22h30 | Place de l’église | Séance Plein-Air
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Pour voir le visage de la rage en face…
How to Save a Dead Friend de Marusya Syroechkovskaya
103 minutes • Suède, Norvège, France, Allemagne – 2022
Marusya a 16 ans et vit à Moscou. Dans cette « Russie de la déprime » des années Poutine, elle s’éclate, quitte à en finir avec la vie comme bien d’autres de ses amis. Elle rencontre alors Kimi, cicatrices aux poignets, adepte de Joy Division.
« Une élégie convulsive d’amour et de mort, de vitalité et de deuil ; dès le titre, le film s’affiche paradoxal, tendu vers un défi impossible : arracher à son destin l’ami que la terre a déjà englouti. L’histoire commence par la fin ; un cimetière, quelques rares visages, une jeune femme, un cercueil. La jeune femme dit adieu au compagnon de sa vie : son copain, son mari, son ex, son complice. Pas de retournement donc, ni de happy end à espérer. No future dans la Russie de Poutine, aka la « Fédération de la Dépression », comme la réalisatrice surnomme son pays. Mais voilà qu’au sortir du cimetière, la mort est percutée par un flash-back anarchique : dix ans d’images intimes, folles, désespérées, où chaque jour menace d’être le dernier. En une métaphore fulgurante, qui traverse le film, l’autodestruction de jeunes russes y devient le miroir de l’autodestruction de tout un pays, qui s’enfonce dans un bad trip sans issue. Le dénouement sera tragique, mais le cinéma résiste, refuse de laisser le dernier mot à la fatalité. Marusya Syroechkovskaya filme Kimi, Kimi filme Marusya. Et le montage, guidé par une voix frappante de douceur face à un monde inhabitable, entraîne sans cesse le récit ailleurs. Vers une histoire de tendresse et d’amour. Des éclats de joie y brillent au milieu de la nuit ; la part lumineuse des deux compagnons s’y révèle au bord de l’abîme, comme un baroud d’honneur à la mort, un cri de rage contre le régime… »
Bojena Horackova, Mathieu Lis et Laure Portier, Cinéastes sur lacid.org
Samedi 10h30 | Grand Chap’ | En présence de la réalisatrice et du monteur Qutaiba Barhamji
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Pour être JUSTE chaviré…
Une bosse dans le cœur de Noé Reutenauer
62 minutes • France, Belgique – 2022 • production Les Films de la Pépinière / Hélicotronc
Ce film a bénéficié d’une résidence d’écriture de Ty Films en 2019
Mon ami Kirill Patou, 35 ans, cherche l’âme sœur mais ne la trouve pas. Pour vivre la romance idéale, il s’évade dans une vie imaginaire. Mais Kirill est trisomique et la réalité le ramène toujours à sa différence. Au fil de nos discussions, j’accompagne mon ami dans sa quête d’amour et d’idéal, malgré sa “bosse dans le cœur”.
« Qui n’a jamais connu cette sensation, cette douleur coincée, là, en haut à gauche ? Cette bosse dans le cœur que l’on a toustes ressentie dans nos vies. La sensation d’un amour incompris. Mais c’est l’histoire de Kirill qui nous est racontée, son impossibilité de vivre l’amour tel qu’il voudrait le vivre et aussi cette relation d’amitié, d’une immense complicité qui illumine l’écran. Loin des guimauves et des flonflons, c’est un film d’amour dans tous les sens du terme ! »
Line Peyron, Responsable de la diffusion de Tënk
Samedi 13h30 | Auberge | En présence du réalisateur
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Parce qu’une moitié du monde… c’est beaucoup !
La moitié du monde de Nathalie Marcault
90 minutes • France – 2023 • production Alter Ego Production
Ce film a bénéficié d’une résidence d’écriture de Ty Films en 2018, et a été monté à Mellionnec
Un jour, je tombe sur cette phrase de Marguerite Duras qui me saisit : « Je crois qu’il faut avoir des enfants. Ce n’est pas possible de ne pas avoir d’enfants, c’est comme si on ignorait la moitié du monde, au moins ». Je ne suis pas mère et je ne peux plus l’être. L’ironie de l’histoire, c’est que je ne l’ai même pas décidé. En fait, je n’ai jamais réussi à choisir d’avoir ou non un enfant. Mon ambivalence m’a t-elle fait manquer la moitié du monde ? Au moins ?
Samedi 15h30 | Auberge | En présence de la réalisatrice
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Pour l’effroi d’une vie sur les routes, des routes qui font système…
A Parked Life de Peter Triest
76 minutes • Belgique, Pays-Bas – 2021 • production Eklektik Productions / Savage Films
Quand Petar était enfant, il rêvait de voyager à travers l’espace dans une capsule Soyouz. Aujourd’hui marié et père de famille, le Bulgare parcourt chaque année la distance entre la terre et la lune… Au volant d’un camion ! A Parked Life dresse le portrait intime de Petar qui exerce depuis neuf ans un métier qu’il exècre: camionneur. Il fait partie des centaines de milliers de chauffeurs de poids lourds originaires d’Europe de l’Est qui sillonnent l’Europe 46 semaines par an, du nord au sud et d’est en ouest. Ils vivent des mois d’affilée dans leur cabine où sur les aires de repos des autoroutes. Les trajets sont monotones, les moments d’attente interminables. Alors qu’il est traité partout de manière inamicale, son couple bat de l’aile et son enfant reste un étranger pour lui. Pourquoi exerce-t-il ce métier ? Où en est-il par rapport à ce qu’il rêvait d’avoir comme vie ? Comment voit‐il son avenir ? les relations avec sa famille ? L’autoroute le mène-t‑elle vers une vie meilleure ? Ou est‑ce une voie sans issue ?
« Le cinéma fait ici encore la preuve de sa mission inhérente qui consiste à créer un espace d’échange où l’invisible devient enfin visible pour que chacun et chacune puisse se retrouver dans une représentation partagée. Peter Triest avec sa caméra discrète qui n’a jamais besoin d’apparaître par sa voix pour rendre compte de son protagoniste, saisit le portrait d’un homme qui passe 46 semaines par an sur les routes dans l’espoir de subvenir aux besoins de sa famille alors que par son absence si longue, son lien à elle se délite dangereusement.
Le road movie à travers l’Europe n’est pas ici symbole d’extension de liberté mais plutôt celui d’une condamnation pour un homme contraint à exercer une profession qui ne l’enchante guère, qui l’isole et le place dans des situations toujours plus monotones. Le développement de l’économie européenne repose pourtant sur le sacrifice de la vie de nombreuses personnes qui transportent au volant de leur camion des marchandises diverses. Avec une sensibilité d’anthropologue attentif au monde qui l’entoure, Peter Triest signe avec pudeur et sans jugement le quotidien d’un homme toujours digne malgré son inhérente détresse. Parallèlement, le film rappelle la futilité de ce mouvement de marchandises qui franchissent les frontières tandis que des hommes et des femmes n’ont guère la même liberté sur les routes de l’exil de leur pays natal afin de survivre. De l’intime de la vie d’un homme au volant de son camion, Peter Triest initie une série de questions sur l’inanité du développement économique moderne qui brise sans cesse des vies de famille. »
Cédric Lépine, critique de cinéma • Club Mediapart – le 19 janvier 2023
Samedi 17h30 | Ty salle
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Pour la figure de Chaylla et sa force…
Chaylla de Clara Teper et Paul Pirritano
72 minutes • France – 2022 • production NOVANIMA PRODUCTIONS
Chaylla vit à Lens. Elle lutte pour s’extirper d’une relation conjugale violente et de la tentation d’y revenir. Ses atouts : une très bonne amie et une détermination tenace. Chaylla crève l’écran.
« Portrait à parfaite distance d’une jeune femme du Nord de la France qui se bat pour sortir de la spirale des violences conjugales, Chaylla scanne avec acuité et sans pathos le mélange de lucidité, d’enthousiasme et de fatalisme qui anime cette héroïne des temps modernes. Chaylla n’a pas encore 25 ans qu’elle se retrouve déjà en foyer pour femmes pour survivre à un compagnon alcoolique et violent qui, entre autres horreurs, la frappe et la rend responsable de la maladie de leur jeune fils, atteint de mucoviscidose. Suivie par un avocat bienveillant, Chaylla tente de s’extraire, de comprendre ce qui se joue, où se trouvent les limites de l’acceptable. Sauf que de l’intérieur, le choix est véritablement cornélien : enfant de la DASS ayant grandi en voyant ses parents se déchirer, incapables de s’occuper d’elle, elle se refuse absolument à reproduire le modèle. Alors Chaylla se remet avec le père de l’enfant, retombe enceinte… et la spirale infernale continue.
S’il documente une misère sociale qui enclenche les pires comportements, Chaylla ne tombe jamais dans le voyeurisme crasse. La caméra très sobre de Teper et Pirritano s’arrime au contraire à cette héroïne battante, volontaire et intelligente, qui n’a qu’un seul et unique cap : offrir le meilleur à ses enfants, quoi qu’il en coûte pour elle — quitte, même, à y passer. Épaulée par sa meilleure amie et sa belle-mère – qui l’a choisie elle plutôt que son propre fils –, Chaylla traverse les épreuves comme un personnage mythologique, dans une sorte d’odyssée psychologique qui lui permet peu à peu de se construire une place pour elle-même dans son imaginaire.
Avant de faire face à l’épineuse question de la justice dans les affaires de violence conjugale : comment prouver des agressions et humiliations intra-familiales régulières, souvent insidieuses ? Comment supporter l’idée que son vécu traumatique soit nié par les autorités habilitées ? Ce parcours, qui s’annonce comme une lutte sisyphéenne, se révèle plus lumineux que prévu, concluant sans toutefois glisser vers l’utopisme un documentaire exemplaire sur un sujet de tout premier ordre, particulièrement difficile à appréhender de l’extérieur. »
Timé Zoppé – Vu à Visions du réel – troiscouleur.fr, le 11 avril 2022
Samedi 18h | Grand Chap’ | En présence des deux cinéastes
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Parce que les films sont souvent des phares dans la nuit…
Enez d’Emmanuel Piton
42 minutes • France – 2022 •
Ce film a bénéficié d’une résidence d’écriture de Ty Films en 2020, et a été monté à Mellionnec.
« Enez » est une exploration physique et poétique de l’île de Sein. Tourné en argentique, le film scrute cet espace qui semble loin de tout, en retraçant la mémoire des îlien·nes. La mer grignote peu à peu ce territoire qui sera totalement submergé dans quelques décennies. Les derniers et dernières habitant·es semblent faire face à cette disparition et pourtant ils et elles persistent à vivre ici, sur ce caillou rongé par les eaux.
« Après avoir chorégraphié des éclairs, portraituré une adolescence à la campagne, inventorié de petits outils, écouté les songes des eaux dormantes, et avancé à tâtons dans les vallées lointaines où se perdent les ondes, pour son dernier film Emmanuel Piton a promené sa caméra 16mm au long des rivages, des plis et des replis de l’île de Sein. Il y a recueilli et amplifié des silences, et regardé comment vibrent les espaces qui sont entre eux. Il a tissé un écheveau de voix et d’échos, d’éclats de lumière et d’ondulations sous-marines. Des regards maintenus, des rêves d’oubli ou d’engloutissement. Ni totalement expérimental, ni simplement documentaire, ni tout à fait essai, « Enez » est un peu de tout çà à la fois, et sans doute beaucoup plus que tout çà à la fois. C’est en tout cas le dernier maillon à ce jour d’une œuvre intranquille, foudroyante et essentielle. »
Eric Thouvenel Professeur en études cinématographiques Université Paris Nanterre
Samedi 18h30 | Auberge | En présence du réalisateur
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Parce que le samedi soir, le choix du film va être vraiment difficile !
Children of the Mist (Những đứa trẻ trong sương) de Hà Lê Diễm
93 minutes • Vietnam – 2021
Au nord du Vietnam, la communauté Hmong marie ses filles dès l’adolescence, selon un rituel séculaire : le futur époux doit « enlever » sa promise lors des festivités du nouvel an lunaire. Di, jeune fille, aspire rageusement à un autre destin.
« En rejoignant son amie Di dans les montagnes, Hà Lệ Diễm pensait réaliser un film sur une enfance insouciante et bucolique. Mais, comme la brume omniprésente qui les entoure, la tradition du kidnapping de la mariée pèse lourdement sur les esprits des filles Hmong du village. Entre les blagues dans les champs, les flirts sur internet, les conseils acerbes de sa mère et les fallacieuses tentatives d’enlèvement de son père ivre, la domination patriarcale et l’angoisse qui vient avec n’est jamais bien loin. Mais Di gueule sur sa mère, malmène les garçons sur internet et rigole quand son père maladroit court après ses copines. Un doute gênant nous traverse : et si, au regard encore naïf de cet enfant, son enlèvement n’était qu’un jeu auquel se laisser aller ?
Avec ce film déchirant, Hà Lệ Diễm révèle la multitude de liens toxiques qui viennent renforcer ce rite ancestral, tout en nous confrontant à repenser la place du documentariste : jusqu’où peut-on filmer sans intervenir ? »
Benjamin Hollis, Chargé de communication digitale de Tënk
Samedi 20h30 | Grand Chap’
Writing With Fire de Rintu Thomas et Sushmit Ghosh
93 minutes • Inde, Norvège, Finlande – 2021
En Inde, des femmes, toutes castes confondues, luttent pour la démocratie, le féminisme et la laïcité grâce au journalisme d’investigation. Dans une société ultra-conservatrice elles ouvrent une brèche.
« S’il est difficile d’être une femme en Inde, il est d’autant plus ardu d’être à la fois une femme et d’appartenir à la communauté dalit, qui est considérée « impure » selon la hiérarchisation sociale par castes. Writing with Fire est le récit de femmes qui ne se reconnaissent pas dans les stigmates honteux qu’on voudrait leur faire porter, qui refusent cette double marginalisation en prenant une place qui ne leur revient pas socialement, qu’on leur interdit implicitement. De fait, la plupart des journalistes recrutées n’ont pas fait d’études, certaines n’ont même jamais utilisé de téléphone cellulaire. Elles doivent donc tout apprendre: réaliser le montage vidéo, trouver un « angle journalistique », préparer une entrevue, filmer de manière à rendre compte d’un événement, etc. Alors que le métier de journaliste est traditionnellement associé à des castes supérieures, ces femmes transgressent les mœurs sociales et culturelles, défient le regard désapprobateur de leur entourage et mettent leur vie en péril pour se lancer dans le métier de journalistes. Quotidiennement, ces femmes doivent faire face aux reproches d’un mari qui préférerait qu’elles restent à la maison, à la corruption à peine voilée des policiers, à l’agressivité des hommes refusant de s’adresser à une femme journaliste, etc. Sous la pression sociale, certaines d’entre elles tombent, comme Suneeta, l’une des journalistes les plus prometteuses de Khabar Lahariya, qui fait le choix déchirant de se marier et d’abandonner son métier, afin d’éviter que sa famille ne soit couverte de honte à cause de son célibat.
La caméra suit de près la tête dirigeante de l’organisation, Meera Devi, qui fait preuve de leadership et de bienveillance l’égard des jeunes femmes qu’elle forme. Plus le film avance, plus on insiste sur le courage de cette dernière. L’une des scènes les plus marquantes est filmée au moment des élections législatives indiennes et la met en scène alors qu’elle interroge un dirigeant armé d’une organisation politique ; la jeune femme, en position de vulnérabilité, apparaît redoutable, usant de diverses stratégies rhétoriques pour le faire parler, réussissant à l’interroger sur les apories de son discours. Dans ce pays où l’égalité hommes-femmes est loin d’être acquise, où les viols et les féminicides sont légion (et souvent impunis), les journalistes de Khabar Lahariya se consacrent à réaliser uniquement des reportages sur des enjeux relatifs aux femmes, en accordant une place prépondérante aux violences à leur endroit. Le long métrage invite ainsi à réfléchir au rôle politique crucial du journalisme, à la façon dont l’information se module en fonction du média. Il n’y a rien de « neutre » dans le fait qu’un média choisisse ou non de rapporter un viol, rappelle-t-on ici implicitement. Khabar Lahariya pallie le silence médiatique entourant les inégalités de genre, en enquêtant sur les failles du système de justice, dans un militantisme discret et stratégique qui se tient toujours à la lisière de l’acceptable.
Si on peut reprocher à la réalisation de ne pas réinventer les codes du documentaire, sa forme conventionnelle fait mouche en nous tenant en haleine. À l’aide d’un montage finement ficelé, on filme ces femmes qui se mettent de plus en plus en danger, et on craint jusqu’à la fin pour leur vie. Ce rythme haletant est également ponctué par les différentes statistiques sur le nombre d’abonnés de la chaîne de Khabar Lahariya, qu’on voit passer en quelques années d’une poignée à des centaines de millions d’abonnés – un véritable exploit, que la réalisation réussit parfaitement à rendre à la caméra par la joie qui se dégage de la conception sonore et des enchaînements rapides entre les scènes qui évoquent bien la fulgurante ascension de ce média. Cette dimension effrénée du film mime également le travail incessant de ces femmes, qui sont sur le terrain du matin au soir en plus d’accomplir leurs tâches domestiques à la maison – bref, le film, comme ces journalistes, n’a pas de repos. Trop peu de documentaires parviennent à mettre de l’avant une réalité extrêmement dure tout en n’y restant pas attachés, en la dépassant. C’est cet équilibre précaire que le film réussit à atteindre entre une lucidité sombre et un espoir mobilisateur qui fait de Writing with Fire une œuvre aussi réussie. Un film à voir absolument, d’autant qu’il résonne étroitement avec la situation actuelle en Ukraine, où le travail des journalistes sur le terrain est plus que jamais crucial pour départager le vrai du faux. »
SARAH-LOUISE PELLETIER-MORIN, critique sur Revue24images.com
Samedi 20h30 | Ty salle
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Parce qu’il n’est un secret pour personne que le Stop Motion et nous c’est une histoire de coeur…
Interdit aux chiens et aux Italiens d’Alain Ughetto
70 minutes • Belgique, France, Italie, Portugal, Suisse – 2022 •
Mariant poésie et réalisme, petite et grande Histoire, Alain Ughetto retrace le parcours cahotique de sa famille Piémontaise contrainte à l’exil. Ses grands-parents, Luigi et Cisera rêvent d’une vie meilleure à l’étranger.
« L’Italie, c’est le pays dans lequel on arrive quand on grimpe aux branches de mon arbre généalogique. Si mon nom n’a rien d’italien, c’est qu’il est rattaché à la seule lignée française, celle du père de mon père. Mais la vérité, c’est que tous les autres chemins mènent à Rome, enfin par là-bas. Pourtant, à part une vague sympathie pour les ritals, rien n’a été transmis, alors quand je m’assois dans le fauteuil en velours du cinéma pour voir Interdit aux chiens et aux italiens, je ne me sens même pas concernée. La projection démarre, et je m’installe confortablement dans le récit. Les personnages ont des trognes terriblement attachantes. Le film fourmille de trouvailles visuelles et narratives, et la voix d’Ariane Ascaride est si douce que c‘est un régal. Je passe un excellent moment.
C’est à quelques minutes de la fin que c’est arrivé.
Berthe Sylva chante Les roses blanches. Luigi meurt. Et moi je pleure toutes les larmes de mon corps. Un fleuve inarrêtable de gros sanglots qui perdure bien après la fin de la séance. D’y penser, les larmes me montent encore et je m’interroge : sur quel bouton de ma psyché appuie cette histoire ? Je le sais vaguement : la famille de ma grand-mère maternelle vient du mont Viso, qui se trouve être un personnage central du film. Il est le point d’ancrage de la narration, le refuge rugueux mais chaleureux dont les personnages doivent s’arracher pour émigrer en France.
Le réalisateur Alain Ughetto est un sentimental. Pour raconter son histoire, il choisit de donner la parole à sa grand-mère Cesira. Il lui ramène une poignée de terre du mont Viso et l’interroge pour obtenir ce dont il a besoin, le récit de ses origines. Par son évocation gorgée d’amour, Cesira fait revivre l‘épopée familiale et ranime le souvenir de Luigi, le grand-père, initiateur de la migration vers la France. Ce récit ne peut plus advenir pour moi. Tous les témoins sont morts et si peu de choses ont été racontées, la faute à des décès précoces et à cette volonté intransigeante de s’assimiler à la France. Ce fut une intégration par occultation. L’interdiction faite aux enfants de parler italien même en famille. Les prénoms français, les goûts français. La stratégie fut payante. Deux générations plus tard, il ne me reste même pas le sentiment d’être le fruit d’une immigration, et je mesure en regardant Interdit aux chiens et aux italiens, l’énormité de cet impensé. Je sens presque physiquement, à l’endroit du cœur, un gros rocher noir que je contournais constamment sans réaliser qu’il trônait au milieu de mon paysage intérieur. Ce qui me relie à Alain Ughetto, ce n’est pas seulement cette provenance géographique et sociale. C’est aussi que son film répond à ma nécessité de recréer un lien un peu magique et mythique avec mes origines. Sautant la génération des parents, et donc m’épargnant les règlements de comptes avec l’adolescente qui reste en moi, je peux raccrocher les bouts de ce qu’Ughetto m’offre, des figures aimantes, loyales, de belles personnes à la vie modeste mais digne, pour tisser ma propre mythologie familiale. Je peux aimer ces aïeux de l’ombre et me réclamer d’eux. Leur misère n’est plus crasse, elle est sublimée par la tendresse. Tiens, je repleure. Alors je crois que j’ai trouvé. Ce que les histoires de migration oblitèrent, c’est non seulement l’identité, mais très concrètement, c’est de l’amour en moins. Merci Monsieur Ughetto de m’avoir offert de nouvelles personnes à aimer. J’ai à présent dans le cœur une adorable arrière-grand-mère et un arrière-grand-père à chérir. »
Bérangère Portalier – directrice de KUB, décembre 2022
Dimanche 10h | Grand Chap’ | En présence d’Anna Deschamps, cheffe costumière
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Parce qu’il y a des films qu’on a simplement envie d’aimer…
Vingt ans sans ferme de Céline Dréan et Jean-Jacques Rault
80 minutes • France – 2023 • coproduction .Mille et Une Films. / Ana Films
C’était il y a plus de vingt ans et pourtant là-bas rien n’a bougé. La nature reprend ses droits, fissurant les murs, figeant les souvenirs. Depuis que j’ai quitté cette terre en 2001 elle me manque, viscéralement.
« À la fin, retourner bosser, c’était comme aller chaque jour à son propre enterrement. » La phrase, c’est Jean-Jacques Rault qui la prononce dans le film documentaire, Vingt ans sans ferme, de la réalisatrice Rennaise Céline Dréan et de Jean-Jacques Rault. Le film, très touchant, revient sur l’histoire de Jean-Jacques qui a été pendant dix-sept ans agriculteur en Centre Bretagne, éleveur de chèvres et producteur de fromage, avec son épouse et leurs quatre enfants. Il a dû abandonner sa ferme au début des années 2000, « parce qu’après quinze ans, on ne gagnait pas notre vie. » On le suit, sur le lieu même de ce corps de ferme où la nature a repris ses droits. Il retrace son parcours toujours sur le fil , confie avec sincérité et émotion l’abandon d’une passion, la perte et le manque, toujours présent depuis. […] Le film, dont Jean-Jacques Rault est devenu le personnage central, aborde aussi la question de la lignée, de la filiation, « ce qui m’a frappée, raconte Céline Dréan, c’est que cette fin est vécue comme une histoire d’amour qui prend fin, avec d’abord une grande fusion, puis quand ça ne va plus, on fait semblant, pour tenter de tout sauver, avant de s’éloigner pour se protéger. C’est aussi une histoire qui laisse des traces, et fait partie de Jean-Jacques. »
17 octobre 2022
Dimanche 10h30 | Auberge | En présence du co-réalisateur et de la monteuse Agnès Bruckert
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Parce les parties du monde se parlent dans le temps et l’espace…
La mer et les jours de Alain Kaminker et Raymond Vogel
22 minutes • France – 1958
Suivi de Haulout de Evgenia Arbugaeva et Maxim Arbugaev
25 minutes • Russie, Royaume-Uni – 2021
Deux petites perles sur fond de mer, deux formes narratives qui brassent fort les émotions. D’abord l’île de Sein en 1958 et les dures conditions de vie des habitants. Puis une côte perdue de Sibérie de nos jours et l’impact du changement climatique.
« Haulout, de par la puissance de ses images, qui émerveillait jusque là le spectateur réceptif à ce phénomène naturel exceptionnel, prend un tournant dramatique dans sa troisième partie puisque suite à l’admiration succède l’effroi lors du départ des mammifères et la réalisation de la catastrophe qui s’est déroulée sous nos yeux. La colonie de morse a laissé derrière elle de très nombreux cadavres d’animaux trop exténués pour repartir. Des cartons explicatifs bienvenus expliquent alors au spectateur que le phénomène ne fait que s’amplifier suite au réchauffement climatique et que la population de morse vivant dans cette région ne pourra que décroitre. L’émerveillement à fait place à la tragédie, l’impact de l’activité humaine frappe même les zones les plus reculées du monde .
Haulout est un documentaire lent et hypnotique dans sa première partie avant de révéler l’importance de son message. La préservation de la planète est une évidence sans cesse bafouée qui frappe de plein fouet les populations de morses obligées de fuir leurs zones d’habitats naturels. Un film nécessaire. »
Grey Pigeon, lesrefracteurs.fr – 28 janvier 2023
Dimanche 11h45 | Grand Chap’ | En présence de Claire André, Cinémathèque de Bretagne
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Parce qu’un film Stank est souvent une « pure expérience de cinéma » !
Río rojo de Guillermo Quintero
70 minutes • France, Colombie – 2023 • coproduction Stank
Dans la Serranía de la Macarena, au nord de l’Amazonie colombienne, se trouve Caño Cristales, une rivière mythique qui coule au milieu de la forêt, aussi appelée la « rivière des sept couleurs ». Oscar, sa grand-mère Doña María et l’indien Sabino vivent paisiblement dans la région, en communion avec la nature. Mais cette zone, un temps préservée par le conflit avec les FARC, est aujourd’hui victime de sa beauté et menacée de disparition par l’arrivée de nouveaux visiteurs…
Partageant sa vie entre la France et la Colombie, Guillermo Quintero s’est d’abord passionné pour la biologie, avant de se tourner vers la philosophie et le journalisme. Première passion loin d’être reléguée au second plan, puisqu’elle lui inspirera son premier film, Homo botanicus, inspiré de sa nostalgie vertigineuse pour la Colombie et l’expérience unique de sa nature. Plus qu’un hommage sensible au vivant colombien, le film donne une voix à la forêt à travers une bande son expérimentale et incarnée pour un résultat onirique et enchantant. Cette relation avec la nature, le réalisateur la capture à nouveau à l’occasion de son nouveau film, Río rojo
Dimanche 14h | Ty salle | En présence du réalisateur
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Parce que c’est un film qui a grandement marqué le FIPA 2023…
Les Corbeaux sont blancs d’Ashen Nadeem
97 minutes • Etats-Unis – 2022 production MEMORY / ARGENT PICTURES / NORMAL CONTENT
Ashen cherche comment avouer à ses parents que celle qu’il aime n’est pas musulmane. Sa quête l’emmène au Japon dans un monastère bouddhiste. Il rencontre Ryushin, un jeune moine amateur de desserts et de death Metal.
« Dans les brumes du mont Hiei, derrière les murs d’un monastère japonais, Ashen est venu chercher le moyen de sortir du mensonge dans lequel il s’est enfermé depuis des années. Comment avouer à ses parents que celle qu’il aime n’est pas musulmane ? Ces moines bouddhistes, eux-mêmes sur le chemin de l’« illumination », peuvent-ils l’aider ? Débarquant avec sa caméra dans un monde fait de silence et d’extrême ascèse, l’amoureux pétri de culpabilité et de questionnements est un encombrant chien dans un jeu de quilles. Mais sa rencontre avec Ryushin, jeune moine amateur de heavy metal, de viande rouge et de crème glacée, donne un ressort inattendu à ce qui ne pourrait être qu’une fantaisiste aventure au pays de la sagesse. Lui aussi cherche sa vérité, entre respect de la tradition religieuse familiale et aspiration à vivre sa vie comme il l’entend, loin du monastère. D’une foi et d’une culture à l’autre, se dessinent des parallèles en même temps que se noue une amitié.
Avec humour, ironie et sens mordant de l’autodérision, Ahsen Nadeem, à la fois protagoniste et réalisateur du film, déroule le récit d’un cheminement personnel aux airs de parcours initiatique. Aux épreuves physiques extrêmes que doivent endurer les moines pour accéder à « l’illumination » fait écho la douleur, psychique, d’un fils déchiré entre la fidélité à ses parents et l’amour de sa femme… Du rire aux larmes, une histoire à la fois singulière et universelle. »
Virginie Félix, Télérama.fr – 26 janvier 2023
Dimanche 16h | Grand Chap’ | Séance de clôture
ET AUSSI…
Cette année, la Yourte à sons se transforme en Refuge sonore !
Retrouvez la programmation des documentaires sonores près de l’Auberge, au cœur du bourg de Mellionnec : rencontrez les auteur·ices, tendez vos oreilles avec attention et naviguer dans les cinq thématiques de ce cru 2023…
- Quelques mots d’amour : On parle d’amour avec un grand S.
- Le temps des cerises : Quand la mémoire remue les corps et les esprits.
- Là où je t’emmènerai : Quand le son raconte des lieux singuliers.
- Comme des enfants : Parole d’enfants, souvenirs d’enfance, bref, les enfants.
- Regarde un peu la France : Une sélection hors-piste entre coups de cœur et sujets d’actualité.
détail de la programmation : ICI
DES ATELIERS A DECOUVRIR
Une journée avec Luc Decaster et Claire Atherton
Après une première vie professionnelle d’une riche diversité (éducateur, dessinateur industriel, professeur d’histoire), Luc Decaster s’est lancé dans la réalisation en 1997 avec Le rêve usurpé. Claire Atherton, monteuse, a travaillé pendant 30 ans avec Chantal Akerman, et collabore avec de nombreux cinéastes (Noëlle Pujol, Elsa Quinette, Maria Kourkouta, Éric Baudelaire, André Gil Mata, Wang Bing…)… En 2000, Luc et Claire se rencontrent à l’occasion du montage de Rêve d’usine : C’est le début d’une longue et fructueuse collaboration, avec Dieu nous a pas fait naître avec des papiers (2004), On est là (2012), Qui a tué Ali Ziri ? (2015) – Leur dernier film Le Chant des oubliés sortira dans les salles en 2024.
Proposée et introduite par Documentaire sur grand écran, cette journée sera composée de temps d’échanges avec Luc Decaster et Claire Atherton, de temps de projections d’extraits de leur filmographie et de la présentation de leur dernière collaboration.
14h : Avant-première du film
Le Chant des oubliés de Luc Decaster
et monté par Claire Atherton
61 minutes • 2022 • Macalube Films
Usine Semperit d’Argenteuil. Face au caoutchouc en fusion, des corps s’engagent entre les rouages des machines. Le couperet tombe : délocalisation. Une symphonie s’empare alors du récit : surgit la destruction des machines, des murs… et d’une communauté étonnante.
« On lâche rien »… Ils sont une poignée, trente, cinquante peut-être, pas plus… La musique de HK résonne fort pour le dernier tour de piste. Ils chantent, s’égosillent encore mais les visages sont marqués. Tout à la fois par le travail depuis des années dans cette usine de caoutchouc à Argenteuil, par la lutte qui s’épuise, par l’inquiétude des jours sans travail qui se profilent. Nous sommes au XXIe siècle, on se souvient quand les débuts du cinéma chantaient avec le début du XXe siècle l’invention industrielle, ces symphonies à la gloire des machines. On se souvient aussi quand le cinéma militant s’inventait pour participer à des luttes ouvrières dans les années 70, ces récits épiques à la gloire des hommes. Dans le vide de l’usine où traînent encore quelques ouvriers en costume de ville comme sur la place du village, de ces images du siècle précédent, il ne reste que celles que nos souvenirs convoquent à partir de ces quelques paroles, quelques gestes du travail, quelques machines encore en marche, comme en suspension, que le cinéaste nous offre avec parcimonie, retenue, délicatesse. Pour Luc Decaster, qui en cinéaste engagé a filmé les ouvriers en lutte pendant plus de vingt ans, il s’agit de continuer à tourner, de continuer à témoigner. Sans nostalgie excessive. La trace du travail et le vide qui gagne, et puis peu à peu le désordre, l’abandon, le post-industriel et la disparition du paysage par destruction à coup de pelles hydro-électriques, pinces à béton et à ferraille. Se déploie ainsi une autre symphonie, en accord avec notre siècle, avant que tout soit effacé et qu’on ait tout oublié de la classe ouvrière.»
Catherine Bizern – Cinéma du réel
Vendredi 10h-12h30 et 14h-17h | Ty salle
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Atelier comédie documentaire : Tableau avec chutes de Claudio Pazienza
Le cinéma documentaire, parce qu’il se soucie de l’état du monde et de ses habitant·es, semble a priori bien imperméable à l’humour. Des cinéastes font pourtant de la comédie documentaire leur moyen d’expression privilégié, d’autres sont à l’affût des situations ou paroles délicieusement drôles. Ils et elles filment alors un rire partagé et complice qui scelle notre rencontre avec les personnes filmées et marque leur puissance d’expression et de résistance.
atelier animé par Corinne Bopp, programmatrice des Rencontres Documentaires de Montreuil (Périphéries)
Samedi 10h-13h | Ty salle
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Film en cours : La fille à la recherche de la cabane
Une rencontre autour du film en cours de production. Un temps fort qui s’inscrit dans la thématique de notre programmation De l’or dans les mains autour du cinéma d’animation, concoctée par le comité des « Projections nomades » et que vous pouvez découvrir depuis quelques mois déjà en Centre Bretagne – une belle occasion aussi de reprendre des nouvelles de ce duo de cinéastes, accueilli en 2021 dans le cadre des résidences d’écriture de Ty Films.
atelier animé par Valentine Roulet, en présence des réalisatrices Phane Montet et Mona Schnerb
Dimanche 13h30-15h30 | Auberge | En présence des deux cinéastes
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Table ronde : D’une mémoire familiale au récit documentaire
Claire Latxague, Tony Quéméré et Nathalie Marcault ont un point commun, celui de raconter et d’explorer la mémoire de leurs familles, au « je ». Il et elles racontent, questionnent, enquêtent, brisent les tabous, à l’aide de différents dispositifs : entretiens, archives, appel à des historien·nes, voix off… Leurs films nous racontent différentes époques, les relations et interactions entre les générations, et permettent la transmission d’une histoire commune – enfin rendue visible et audible.
avec Claire Latxague, réalisatrice du documentaire sonore Germaine ou la retenue • Nathalie Marcault, réalisatrice du film La moitié du monde • Tony Quéméré, réalisateur du film Eldorado ••• modération : Maxime Moriceau, Ty Films
Dimanche 15h30 | Sous le chapiteau
DES RENCONTRES PROFESSIONNELLES
Temps de travail « Accompagnement des auteur·es en Bretagne »
Vendredi 23 juin 13h30 à 15h | Cinéflap
Réunion du collège des auteur·ices et du collège des producteur·ices de Films en Bretagne
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Vendredi 15h à 18h | Cinéflap
Table ronde : « Distribution(s) des films documentaires »
Co-organisée par Films en Bretagne et Ty Films – coordination Laurence Ansquer / Jean-Jacques Rault
La Bretagne est, depuis des années, reconnue comme Terre de cinéma et notamment de documentaire. Le paysage cinéma et audiovisuel breton compte aujourd’hui un tissu de professionnel-les très dense, l’annuaire de Films en Bretagne en recense à lui seul plus de 600.
Des films de qualités et reconnus sont produit chaque année, et si la diffusion audiovisuelle fonctionne très bien via le COM et les télévisions locales, la sortie en salle de cinéma peine à émerger. Pourtant il existe un maillage de salle de cinéma fort et une réelle mise en avant des films produits régionalement par Zoom Bretagne et/ou le mois du doc. Mais il semble, que sans un outil de distribution ancré ici, la sortie en salle restera l’exception pour bon nombre de films.
Tous les films produits n’ont pas vocation à être diffusé au cinéma, mais il est possible de déterminer deux catégories de production qui pourraient y trouver leur place :
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Les projets de créations, pensés pour le cinéma, avec une construction narrative forte et une esthétique affirmée qui se servent aujourd’hui de la production audiovisuelle pour exister, même s’ils sont souvent hors format télé. Un parcours national voir international serait envisageable pour cette catégorie.
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Les films thématiques pouvant avoir une vie après la diffusion TV, car ils portent en eux un fort potentiel de débat et d’échanges.
Une structure de distribution pourrait se positionner sur ces projets de films. Elle aurait aussi la possibilité de prendre en charge plus largement la vie du film post production, en assurant le suivi en festival, au mois du doc, ventes internationales …. Le sujet mérite donc d’être interrogé, en abordant autant le potentiel que nous avons en Bretagne que la complexité d’assurer une distribution économiquement viable.
Ty Films et Films en Bretagne proposent un temps échange afin de déterminer s’il est possible d’inventer et/ou de questionner collectivement une structure pouvant porter ce projet. Pour notre premier rendez-vous, nous souhaitons pouvoir établir un socle commun de connaissance de la distribution.
Ce rendez-vous sera également l’occasion d’une présentation « Tangente », une association fondée par cinq sociétés de production qui ont souhaité rassembler leurs énergies, mutualiser leurs compétences et leurs réseaux dans le but d’offrir à leurs films la plus grande visibilité possible avec l’ambition est d’inventer ensemble un nouveau modèle de distribution pour les films qui ne trouvent pas leur place auprès des distributeurs installés.
avec Jean-Jacques Rue, exploitant Utopia St Ouen l’Aumône et programmateur pour différents distributeurs (Urban, JHR, Les Alchimistes…) • Laurence Conan, chargée de développement association Documentaire sur Grand Ecran • Fannie Campagna, coordinatrice de Zoom Bretagne
modération : Adeline Le Dantec
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Vendredi 23 juin, à partir de 18h | Cinéflap
La Fédération de l’action culturelle cinématographique représentée par Documentaire sur Grand Ecran et J’ai vu un Documentaire, vous invite à venir échanger sur ses actions.
Cette rencontre sera suivie de l’Apéro de l’ARBRE (Auteur·ices et Réalisateur·ices de Bretagne)