Emboîtant le pas au projet « Portraits de Mellionnec » (voir article plus bas), nous avons choisi d’interviewer deux personnages clés de ce drôle de bourg du Centre Bretagne, tombé dans la potion magique du documentaire. A savoir l’initiateur de cette aventure, le réalisateur Jean-Jacques Rault, administrateur de Ty Films. Et Gaëlle Larvol, nouvelle salariée de l’association depuis Mai 2013. Son arrivée comme permanente est un nouveau cap pour l’association, qui entend faire vivre le doc dans ce petit village de 400 âmes… aux grandes ambitions !

– Jean-Jacques Rault, s’il nous fallait une photographie de l’activité de Ty Films, au bout de 7 ans ?

– Ty Films, ce sont des Rencontres annuelles, fin juin, quand l’été pointe son nez. Un moment qui commence à gagner partout une vraie reconnaissance. Les films pour la sélection nous arrivent aujourd’hui de partout, y compris de l’étranger. C’est aussi un travail local à l’année : vidéothèque pour les habitants, formations et résidences pour professionnels, travail à l’échelle du Centre-Ouest-Bretagne avec les scolaires, projections nomades pour un véritable maillage du territoire …

– Un peu d’anticipation : à l’horizon des 10 ans de Ty Films, vous rêveriez quoi pour votre association ?

– Avoir pérennisé ce qui est déjà configuré aujourd’hui, même si l’aventure n’est pas simple. Etre un vrai pôle-ressources du documentaire en Bretagne. Un lieu d’écoute et de découvertes, d’accompagnement technique comme d’éducation à l’image, pour tous. Les collègiens et les agricultrices du canton, les spectateurs des Rencontres et les apprentis-réalisateurs ont droit aux mêmes images. Partager les mêmes rêves, c’est important, dans un monde qui nous semble parfois si maussade…

– Je crois percevoir que vous vous sentez fiers de cette aventure ?

– Oui, il me semble que toutes nos initiatives vont dans le sens d’un véritable développement du territoire. Simplement, à la place de directives de politiques publiques qui vont en ce sens, nous substituons des actions concrètes, formatrices, qui nous ont permis ces derniers temps de générer des emplois. L’équivalent de deux et demi temps pleins pour Ty Films.

– Oui, mais de quels types d’emplois s’agit-il ?

– Le poste de Gaëlle est un emploi d’intérêt régional, en CDI, et pas juste un emploi aidé de plus. Surtout, sur un territoire où le premier employeur est l’agro-alimentaire, nous sommes fiers de créer des postes culturels, nourris de valeurs d’éducation populaire. L’éducation à l’image pour les scolaires, plutôt que les abattoirs de volailles. (Ces dernières ont pourtant inspiré à Jean-Jacques un premier documentaire, Une nuit avec des ramasseurs de volailles, en 2004. Aucune reconnaissance de notre interlocuteur ! Ndlr…)

– En lien avec ce pari de l’emploi, les Rencontres annuelles. J’ai retenu trois mots de votre programme : affûter le regard ?

– Une programmation exigeante signifie que le comité de bénévoles, qui visionne tout l’hiver, a une vraie ligne de sélection. Si nos films permettent cette année de voyager (Burkina-Faso, Iran, Paraguay, camps Roms ou côte normande), tout est avant tout une question de rencontres humaines. Explorer la complexité du monde. Un monde qui affiche violence et tendresse, où les quêtes sont multiples. L’héroïne de 108, Cuchillo de Palo trouve son père en croyant chercher son oncle. Nous avons fini par aimer le berger suisse si rude d’Hiver nomade. Nous avons eu les larmes aux yeux quand Marcelino Truong affronte son père dans Mille jours à Saïgon. C’est cette histoire douloureuse du monde que nous voulons partager. En toute tendresse, cependant…

– Jean-Jacques, vous me passeriez Gaëlle Larvol au téléphone ? Et sortez donc de la pièce ! Bonjour Gaëlle, ne leurrons pas le lecteur, on se connaît déjà !

– Oui, puisque, après des études aux Beaux-Arts, j’ai passé un an et demi au Festival de Cinéma de Douarnenez, avant de filer sur Bordeaux faire un Master en ingénierie de projets culturels. C’est de là que j’ai postulé pour Ty Films.
– Revenir en Bretagne, c’était important ?

– Pas tant que ça, pas tout de suite. J’ai postulé parce que le profil de poste me convenait à merveille : je veux travailler dans l’associatif, je suis cinéphile, plutôt branchée documentaires. J’ai vraiment senti une chaleur spéciale quand je suis venue à Mellionnec, en Février ! J’habite en plein bourg, et j’en profite. Grandes balades pour remplacer le shopping. L’autre avantage, comme mon portable ne passe pas toujours, c’est qu’il faut aller chez les gens pour les voir. Ensuite, tu es invitée à rester manger… j’adore !

– Tes tâches au sein de l’association ?

– Je vais travailler sur l’éducation à l’image en milieu scolaire, l’administration des Rencontres, les projections nomades, et ce toute l’année. Celles-ci se font déjà dans des lieux qui ont la préoccupation du territoire : la Grande Boutique à Langonnet, le Gwenn Ha Du à St Gelven, Trémargat ! A terme, je vais coordonner aussi les formations.

– Un film de la sélection à nous conseiller ?

– J’ai beaucoup aimé Un père américain. J’attends le réalisateur, Jean-Baptiste Mathieu, qui vient aux Rencontres, comme dix autres réalisateurs. J’ai hâte !

– Une dernière question : tu penses quoi de la Grobul ? (non, ce n’est pas une actrice décatie mais la bière brassée localement, ndlr).

– Formidable, et y’en a pour tous les goûts ! D’ailleurs, tous les candidats à l’embauche sont repartis de Mellionnec avec une Grobul et un pain bio fait ici. Symbolique.

Propos recueillis par Caroline Troin.
Rencontres du Film documentaire : 27 au 30 Juin, à Mellionnec, près de Rostronen