R.A.P.A.C.E., au service de la production associative


En 2017, Courts en Betton annonçait la création du Réseau des Associations de Production Audiovisuelle et de Cinéma Émergent en Bretagne, un outil au service des « autoproducteurs », conçu dans le giron de l’association qui, depuis dix ans, se fait la vitrine du cinéma « diy » au travers, notamment, du Festival du film de l’Ouest. Où en est aujourd’hui R.A.P.A.C.E., qu’est-ce que c’est, à quoi ça sert ? Coline Gueguen et Antoine Lareyre, co-directeurs de Courts en Betton, ont répondu de concert.

 

Récent dans le paysage, R.A.P.A.C.E. serait comme un nouvel avatar de l’esprit fédérateur cher à la sphère audiovisuelle et cinéma bretonne. Une idée portée de longue date par quelques associations rennaises habituées à collaborer et désireuses, comme le décrit Coline Gueguen, coordinatrice du projet : « de consolider leur réseau, de permettre les échanges de compétences et de savoir-faire ou de valoriser la diffusion de la production associative en région ». En bref, « de faire front commun pour faciliter la production associative ».

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Tournage de Désir (Association Equinok Films)

 

C’est sous la houlette de Courts en Betton que s’est formellement constitué le réseau. C’est aussi l’association rennaise qui le coordonne même si, tempère aussitôt Antoine Lareyre : « la structure s’est donné ce rôle mais elle n’est pas à la tête du dispositif, elle en fait partie au même titre que les autres ». Les autres, ce sont « environ 60 associations réparties sur le territoire breton, mais aussi des réalisateurs autonomes, autoproducteurs », qui trouvent là l’occasion de se rencontrer, sans contrainte. Coline Gueguen le souligne : « le réseau repose sur la libre participation de chacun, sans qu’il y ait même un système d’adhésion. Ce qui prime ici c’est la liberté propre à la création associative ».

Le jeune R.A.P.A.C.E. tient donc de la communauté autogérée, un principe d’organisation que plusieurs associations bretonnes pratiquaient entre elles depuis des années pour mutualiser leurs forces, se prêter du matériel et défendre ensemble la création telle qu’elles la pratiquent. Antoine Lareyre le rappelle : « Cette volonté d’être valorisés sur les festivals, reconnus à l’échelle régionale comme des acteurs à part entière de la création audiovisuelle et cinématographique n’est pas nouvelle en Bretagne ». C’est même, sans doute, cette constance à porter l’étendard de la production associative, ce patient travail de promotion mené, notamment, par Courts en Betton, qui a motivé, en 2017, la création du dispositif de Soutien aux programmes collaboratifs de création de la Région Bretagne. Un fonds modestement doté mais qui manifeste une reconnaissance de la part de l’institution et qui s’avère une mesure originale, puisqu’elle n’existe ailleurs qu’en Région Hauts de France.

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Tournage du film The Sailing Experience (Association Vidéos à Main Armée)

 

Ce fonds régional, ouvert pour la troisième année, a déjà bénéficié à 16 associations sur ses deux premiers exercices. « C’est une aide très différente de celles dédiées aux productions professionnelles, dans le cadre du Facca », explique Antoine Lareyre. Elle gratifie les projets. Production, diffusion : il s’agit d’encourager le commun, la coopération. La création de cette aide régionale a entraîné l’officialisation du réseau associatif. Il fallait dès lors, en effet, « un lien entre l’institution et les associations », raconte Antoine. C’est là où R.A.P.A.C.E. est aujourd’hui à la manœuvre, « fait remonter les bilans, diffuse l’info de la région » et, surtout, développe la plateforme : un outil ad hoc au service du réseau. Pour quels besoins ? Partager du matériel et des moyens techniques, bien sûr. Mais la plateforme « aura aussi la vocation de référencer les œuvres pour favoriser leur diffusion. Car c’est ce qui manque le plus à la production associative : l’accès aux salles et aux festivals », observent Coline et Antoine. Quelques portes sont ouvertes cependant. Un exemple : Zoom Bretagne qui remet un prix pendant le Festival du film de l’Ouest et intègre ensuite les films lauréats à son catalogue d’avant séance. On peut citer aussi, la toute récente carte blanche offerte à R.A.P.A.C.E. par Comptoir du doc à la Parcheminerie.

Encore quelques réglages et la plateforme, dont la finalisation a pris un peu de retard, regrette Antoine Lareyre, remplira complètement son office, à la croisée des besoins communs d’acteurs quant à eux variés. Qui sont en effet ces drôles d’oiseaux qui revendiquent une création libre en marge des schémas de production professionnels et de l’économie qui leur est associée ? Pas des « amateurs » pour Coline Gueguen : « la production associative c’est large, ça dépasse le cinéma amateur ». Difficile, en fait, de dresser un profil type du membre R.A.P.A.C.E. « Les pratiques et les ambitions sont différentes. Certains ont eu des difficultés à trouver un.e product.eur .trice. Pour d’autres, il y a une urgence à créer. D’autres encore ont résolument choisi ne pas faire de leur pratique un métier. Produire dans un cadre associatif permet de se faire la main plus facilement qu’ailleurs, c’est une école à part entière. »

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Tournage du film La Trompette de l'Apocalypse (Association Mémorial Production)

 

Et pour le bonheur de tous ceux-là, faire des films est finalement, techniquement au moins, devenu plus facile, « avec un matériel de grande qualité aujourd’hui abordable et facile à prendre en main ». De fait, sur cet aspect, « la frontière entre amateur et professionnel est dorénavant ténue. Tard sur le port de Maël Diraison, c’est un film autoproduit et c’est confondant tant il est bien fait. On rejoint le court métrage professionnel ». Aussi, la technique aidant, Coline et Antoine constatent une hausse franche du volume des productions. Du côté des associations, les credo, aussi, se multiplient, « avec des domaines ultra spécifiques, expérimentaux, des sortes des laboratoires artistiques ». Dans cette veine, citons le très radical Pôle fromage, « collectif d’anthropologie visuelle ».

Tous les deux récemment salariés de l’association, Coline, en tant que co-directrice de Courts en Betton et coordinatrice de R.A.P.A.C.E. et Antoine, co-directeur mais également directeur artistique du Festival du film de l’Ouest, ne manquent pas de grain à moudre, occupés à finaliser la plateforme, à accompagner les projets aidés dans le cadre du dispositif de soutien aux projets collaboratifs ou encore à développer les liens du réseau breton avec ses semblables – 5 répertoriés aujourd’hui, d’autres régions¹. « A Courts en Betton, on a développé l’emploi mais nous n’avons pas une aide aux projets mirobolante. On fait avec ce qu’on a, avec beaucoup de bénévoles et des membres hyperactifs, trois services civiques dont un missionné sur R.A.P.A.C.E« . Petits moyens mais grande énergie, petit à petit, l’oiseau…

Marie Esnault

 

Notes

R.A.P.A.CE c’est aussi une étude menée au cours de l’année 2017 pour cartographier la production associative et ses besoins en région. Cette étude est disponible ici.

1 Une rencontre avec ces réseaux associatifs de France est programmée dans le cadre du Festival du film de l’Ouest, le samedi 15 juin à 14h au Cinéma Le Triskel (Betton).