« Peeping Town » : c’est le titre de la résidence que mène la cinéaste Mathilde Parquet dans le quartier de Villejean à Rennes. Une présence de trois mois sur ce territoire urbain pour initier des scolaires au cinéma d’animation. Avec, à la clé, la réalisation d’un court métrage.

Mouflih anime un personnage en papier découpé pendant que Mickaël déclenche l’appareil photo. Patiemment, image par image, les deux élèves de CM1 fabriquent une séquence de film. « Attention à ne pas déplacer le fond vert ! Ne passez pas dans la lumière. Faites bouger les personnages doucement ! » : Mathilde Parquet ne quitte pas les enfants des yeux. Attentive à chaque mouvement, la jeune cinéaste les guide, pas à pas, dans leur découverte du cinéma d’animation.

 

Depuis janvier, elle a posé ses valises dans le quartier de Villejean à Rennes pour une résidence d’artiste de trois mois, baptisée Peeping Town (1). Initiée par Clair Obscur, cette action d’éducation à l’image a pour ambition de faire émerger et rayonner la pratique du cinéma d’animation en milieu scolaire. « C’est une première. Clair Obscur a l’habitude de mener des projets au long court, mais nous n’avions pas encore organisé de résidence d’artiste », explique Adèle Bourdais, chargée de mission au sein de l’association. « L’intervention de Mathilde dure tout un trimestre, ce qui permet de construire les échanges, d’instaurer la confiance. Les élèves comprennent que le travail de création prend du temps et demande de la rigueur, de la concentration. L’intérêt, avec le cinéma d’animation, c’est qu’ils manipulent très vite, que cela devient concret. »

 

« Ce qui a pour intérêt de les désinhiber », renchérit le producteur Jean-François Le Corre dont la société Vivement Lundi ! est partie prenante de l’initiative. « En désacralisant d’emblée l’approche technique, on peut aborder rapidement la notion de récit et rendre l’expérience ludique ». Dans le cadre de sa résidence, – en plus d’initier les primaires de l’école Guyenne au cinéma d’animation -, Mathilde Parquet écrit un projet de court métrage qui sera le pilote d’une future collection. Une idée que Jean-François Le Corre murissait depuis quelques temps. « Au cinéma, la ville est le plus souvent présentée de manière dépressive. Il est question des pics de pollution, des embouteillages, de la misère urbaine… Une tendance lourde s’est développée ces dernières années qui consiste à représenter la ville comme un espace anxiogène, oppressant, voire toxique », précise le producteur rennais.

D’où l’envie de prendre le contre-pied de cette vision pessimiste et de développer une série de cinq courts métrages réalisés par cinq auteurs différents. Le choix de l’écriture et du genre sera libre. Une seule contrainte sera imposée : intégrer des éléments de réel sous la forme d’images documentaires ou de sons.

 

Mathilde s’est confrontée à ce fructueux mélange des genres avec les élèves de la classe de CE2/CM1 de l’école Guyenne dont font partie Mouflih et Mickaël. Elle les a incités à raconter leur vie dans ce quartier de Villejean : « Veux-tu vivre ici quand tu seras adulte ? Quel est ton endroit préféré dans le quartier ? Comment vas-tu à l’école ? Est-ce que quelque chose te faite peur dans ton environnement ?… ». Autant de questions qui, chemin faisant, ont débouché sur une discussion plus libre. Les réponses enregistrées forment la trame sonore du film que les élèves ont réalisé selon la technique du papier découpé. « Petit à petit, ils se sont mis à s’exprimer plus librement, à oser. Leur instituteur, François Legrand, me dit que les relations au sein de la classe ont changé. Certains d’entre eux qui ont des difficultés dans l’apprentissage des matières scolaires se sont révélés particulièrement doués et imaginatifs quand il s’est agi de proposer des idées. Ils ont tout fait : dessiné les décors et les personnages, découpé et animé », s’enthousiasme la jeune femme de 25 ans.

 

Avant de s’emparer des crayons et des ciseaux, les élèves ont d’abord regardé une dizaine de films d’animation. C’est à ce moment, dans les discussions d’après séance, que les langues ont commencé à se délier. Mathilde en a profité pour aborder la technique, tout en douceur, et expliquer comment on la met au service d’un récit. La cinéaste n’en est pas à son coup d’essai. Elle a déjà eu l’occasion de mener des ateliers avec des scolaires. « J’avais beaucoup aimé cela. Je me souviens d’un gamin hyper actif qui devenait très calme et très concentré quand il animait des personnages. J’aimerais bien continuer à intervenir dans les écoles. »
Elle-même vient de sortir de La Poudrière à Valence après avoir suivi la formation de l’Ecole des métiers du cinéma d’animation à Angoulême. Depuis, elle enchaîne les projets de films. À un élève qui lui demande si, à la fin de la résidence, elle ira dans une autre école, elle répond qu’elle rejoindra Angoulême où elle habite. Pour revenir très vite à Rennes réaliser le pilote de la série de courts métrages sur les villes produite par Vivement lundi !

Nathalie Marcault

(1) Peeping Town est un jeu de mots faisant référence à Peeping Tom qui, en anglais, signifie voyeur et c’est aussi le titre d’un célèbre film de Michael Powell.

 

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