Olivier Bitoun : de la famille des ciné-fils


Dans le parcours d’Olivier Bitoun, le cinéma est présent à tous les étages. Sa cinéphilie précoce l’a emmené sur des chemins de traverse qui n’ont cessé, d’une manière ou d’une autre, de croiser la route du 7ème art.

A son retour en Bretagne, Olivier Bitoun trouve assez vite de quoi satisfaire son appétence pour le cinéma. En 2006, il est embauché par Cinéphare. Depuis, il pilote cette association qui regroupe 40 salles de cinéma en Bretagne et plusieurs associations de cinéphiles. Le voilà dans son élément puisque ce réseau permet, en mutualisant les moyens et les actions de la petite et moyenne exploitation, de soutenir la diffusion de films d’art et essai, de documentaires et d’œuvres de répertoire dans des zones mal desservies par les gros opérateurs. Aidée par la Région et la Drac, cette mission culturelle s’organise notamment autour de pré-visionnements mensuels. Celui de juin a réuni les exploitants autour de neuf films dont un classique de 1961, Les Innocents de Jack Clayton, deux sorties récentes découvertes à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes, Les Mille et Une Nuits de Michel Gomes et Fatima de Philippe Faucon, ou encore Le combat ordinaire de Laurent Tuel et Petites casseroles, un programme de 6 courts métrages d’animation. C’est Olivier qui opère la pré-sélection, à partir de ce qu’envoient la cinquantaine de distributeurs avec lesquels l’association travaille ou de ce qu’il repère dans les festivals.

Le choc Hitchcock

« Cinéphare facilite l’accès aux films. Après les pré-visionnements qui sont des moments de débat très vivants, nous organisons des tournées en fonction des choix des salles. Il est plus facile de faire venir un réalisateur ou un membre de l’équipe du film pour plusieurs dates. Nous ne proposons que des films qui ont besoin d’une médiation pour trouver leur public », explique Olivier Bitoun. En ce moment, c’est le réalisateur Olivier Azam et son documentaire Howard Zinn, une histoire populaire américaine qui ‘’tournent’’ dans plusieurs cinémas. Ces derniers mois, les spectateurs bretons ont pu découvrir ou redécouvrir Les Fraises sauvages d’Ingmar Bergman, Max et Lenny de Fred Nicolas ou encore 300 hommes d’Emmanuel Gras et Aline Dalbis.

Des titres de films vus et revus, des noms de cinéastes aimés, Olivier pourrait en aligner des colonnes. Il est tombé dans la marmite bouillonnante du cinéma à l’âge de 11 ans. « Dès la 6ème, c’est devenu compulsif ! ». Mais impossible pour lui de situer l’origine et la persistance de sa cinéphilie, si ce n’est dans l’accompagnement enthousiaste de parents qui n’hésitaient pas à parcourir quelques dizaines de kilomètres pour emmener leur fils jusqu’à Morlaix ou Brest. La salle est le premier lieu d’éblouissement, puis très vite, le magnétoscope devient l’auxiliaire indispensable pour enregistrer les classiques du Cinéma de minuit et du Ciné-club. Et, pour les films de genre, le polar, le fantastique, le western, Olivier fréquente le vidéo-club de Saint-Pol-de-Léon où il vit alors. Il se souvient de ses premières émotions de spectateur : Tex Avery, Kurosawa, Chaplin et surtout Hitchcock. « J’ai beaucoup appris grâce à Hitchcock. La Mort aux trousses était l’un des films que je revoyais sans cesse. Je regardais certains films en boucle, d’abord sans esprit d’analyse car j’étais complètement absorbé, puis, peu à peu, j’ai commencé à comprendre la construction, les principes de mise en scène et j’ai affiné mon regard. »

Le collégien nourrit sa « boulimie » de cinéma, en lisant toutes les bonnes revues. Créée en 1983 par les critiques Christophe Gans et Nicolas Boukhrief, Starfix l’a particulièrement marqué. « J’aimais l’approche de ce magazine qui s’intéressait à des films grand public du cinéma américain et asiatique, donc à des œuvres partagées par un grand nombre de spectateurs. La critique des blockbusters était encore peu répandue à l’époque. » Olivier s’abreuve aussi à d’autres sources : Les Cahiers, Positif, les incontournables références que sont le Hitchcock-Truffaut ou 50 ans de cinéma américain de Bertrand Tavernier et Jean-Pierre Coursodon. « L’époque de ma jeunesse était assez favorable à l’éclosion de la cinéphilie. Il y avait tous ces prescripteurs qui me servaient de guide, des films à voir tout le temps, mais néanmoins un champ d’investigation plus restreint qu’aujourd’hui. Et puis l’attente entretenait le désir. Il fallait parfois patienter pendant 3 ou 4 ans avant de voir un film dont on avait entendu parler ». A l’aise « dans la peau du spectateur », le jeune homme regarde une dizaine de films par semaine et construit, jalon après jalon, le socle de sa culture cinématographique sans songer à en faire un métier. Quoique…

A vous Cognac Jay !

Au sortir du baccalauréat, Olivier s’inscrit en DEUG de biologie avec l’idée qu’il juge aujourd’hui « saugrenue » de réaliser des documentaires animaliers. C’est un genre qui lui plaît alors et qui lui paraît accessible. Mais comme un poisson hors de l’eau qui cherche à retrouver son milieu d’origine, il passe alors davantage de temps à suivre les cours de cinéma à la fac de lettres en auditeur libre que son cursus scientifique. Corrigeant l’erreur d’aiguillage, le jeune homme profite de quelques stages à l’Acav (Atelier de création audiovisuelle) à Saint-Cadou pour s’initier à la réalisation et au montage. Et décroche un emploi dans une petite société de production toulousaine où, pendant deux ans, il monte des films institutionnels. Après quoi, direction Paris pour intégrer Cognac-Jay Image. Dans cette filiale de TDF qui est une régie de diffusion de chaînes du câble, Olivier s’occupe donc déjà de diffusion mais d’un point de vue technique en gérant le parc des serveurs informatiques. Il apprend son métier sur le tas et reste 8 ans dans cette entreprise.

En marge de son travail, il consacre une large part de son temps libre à sa passion. Sa cinéphilie continue à grandir à travers « la mini-révolution » que représentent les forums de discussion sur internet. « J’ai pu échanger avec des cinéphiles qui exploraient d’autres répertoires que le mien, et qui n’étaient pas abordés par les revues papier. Par exemple, des hyper-spécialistes du film de sabre japonais ! Cette focalisation est parfois inquiétante. Il y a des fous parmi les cinéphiles ! Cela dit, ces forums m’ont permis de découvrir de nouveaux pans du cinéma. » Et ils l’ont aussi formé à la critique de cinéma. « Ecrire sur les films oblige à structurer ses idées, à analyser ce qui nous plaît ou nous déplaît. » Olivier rejoint l’équipe de DVDClassik, un an après sa création en 2003. C’est là qu’il apprend vraiment à écrire des critiques de films. Aujourd’hui, il fait partie des piliers de ce site qui, comme son nom l’indique, s’intéresse aux films de répertoire. « Nous sommes une dizaine à écrire, chacun selon ses préférences. Il y a un spécialiste du cinéma classique hollywoodien, un autre qui s’occupe du western, un troisième du cinéma italien… Et à moi, on refourgue les documentaires et les films bizarres ! »

Fitzcarraldo de Herzog

« L’idée de Fitzcarraldo vient à Herzog alors qu’il voyage en Bretagne. Il visite à Carnac les célèbres alignements de pierres et se demande comment des hommes ont pu parvenir à bâtir une œuvre aussi monumentale. Dans l’esprit ouvert à la démesure d’Herzog, cette question devient : « comment, de nos jours, faire franchir une montagne à un bateau de 320 tonnes ? ». Le cinéaste explique dans Conquête de l’inutile, son journal de tournage : « Une vision s’était emparée de moi : l’image d’un grand bateau à vapeur sur une montagne (…) à travers une nature qui anéantit les faibles comme les forts ; et la voix de Caruso, qui fait taire toutes les souffrances et tous les cris des animaux de la forêt vierge et arrête le chant des oiseaux ». On voit tout de suite comment, partant d’une vision, Herzog revient à son grand thème de l’enfermement (…) »

O.B

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Vous avez dit « bizarre » ? Olivier précise qu’il vient, par exemple, de faire la critique d’un film muet de 1924 sur l’épopée de l’Everest ou qu’on l’a « désigné volontaire » pour écrire sur le coffret rassemblant tous les documentaires de Werner Herzog, pour son plus grand bonheur d’ailleurs. « Cela a été l’un des coups de cœur de ces 20 dernières années. C’est une filmographie peu connue, d’une grande densité et d’une grande cohérence thématique et stylistique. Les documentaires de Herzog sont en lien avec ses fictions. Tout fait sens. C’est magnifique ! » Olivier explore le documentaire depuis moins longtemps que la fiction. « J’y prends davantage d’intérêt et de plaisir. Peut-être parce que c’est une découverte plus récente et aussi parce que les propositions cinématographiques sont souvent plus singulières ». Il préfère écrire sur des films peu commentés. « Critiquer un film de Welles ou de Hitchcock, c’est un exercice périlleux. Cela m’est arrivé mais il est difficile d’ajouter quelque chose de pertinent à tout ce qui a été déjà dit. J’aime mieux les terrains plus vierges qui sont moins intimidants. »

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Olivier conçoit la critique comme un partage… égoïste. « Être marqué par un film et y revenir pour comprendre ce qui est en jeu et en décoder les mécanismes, c’est d’abord un travail personnel. Je procède par cycle en regardant tous les films d’un cinéaste. J’ai vu l’ensemble de la filmographie de tous ceux que j’aime : LumetCarpenterHitchcockKubrick, Cronenberg, DesplechinDumontLars Von Trier, Bergman… C’est difficile d’en faire la liste. Il y en a tellement ! Et quand je n’ai pas tout vu, comme pour Ford ou Bresson par exemple, c’est parce tous les films ne sont pas disponibles. Plutôt que de les regarder dans de mauvaises conditions sur internet, je préfère attendre sagement la sortie du DVD. » 

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Mais la recherche personnelle resterait incomplète si elle n’était pas transmise. Le plaisir solitaire cohabite avec l’envie d’offrir des clés de lecture. « J’essaie d’être le plus lisible possible. Je ne me cache pas derrière le style. Ce qui m’importe, c’est de me faire comprendre et à partir des pistes que je propose, c’est au spectateur de faire son chemin. » Olivier aime les œuvres qui dévoilent peu à peu à leur mystère. Il cite Into the skin de Jonathan Glazer, Le Quattro Volte de Michelangelo Frammartino ou Take Shelter de Jeff Nichols qui ont été de nouveaux chocs ces dernières années. Et même si, après avoir vu des milliers de films en 30 ans de cinéphilie, il est moins facile pour lui d’être surpris, il lui arrive encore d’être ébloui, comme au premier jour.

Nathalie Marcault

Photo de Une : Les Mille et Une Nuits de Michel Gomes, sortie du 1er volet le 24 juin. 

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« En quatre temps, les « quatre fois » du titre, Michelangelo Frammartino réalise un portrait poétique sur les cycles de la vie. Humain, animal, végétal… à chaque chapitre il adopte la temporalité de son sujet et modifie sa mise en scène pour nous donner à ressentir quelque chose de l’essence de ces vies. Frammartino évoque dans la première et la dernière partie de son film toute une culture ancestrale – celle des bergers et des charbonniers de Calabre – et la façon dont l’homme parvient à vivre dans un environnement aride. Il raconte la façon dont un animal appréhende le monde ou encore nous donne à ressentir le temps immuable, à peine changeant, du végétal. Sur le papier, Le Quattro Volte a toutes les allures d’un projet radical (un film sans paroles ni musique) tenant plus de l’installation vidéo (c’est de là que vient Frammartino) que du cinéma. Or le film s’avère être d’une incroyable limpidité, d’une évidence de chaque instant. Après un temps d’adaptation, on est complètement pris par l’univers singulier du film, immergés par un intense sentiment de vie et de plénitude. Le seul narrateur du film, c’est la mise en scène et l’on entend bien ce « Il était une fois… » des contes pour enfants sans que Frammartino n’ait à user d’une forme narrative classique. Pas de voix off, pas d’anthropomorphisme, pas de dramatisation…la vie toute nue devient ici une histoire surprenante, bouleversante, poétique et drôle (…) »

O.B

[/vc_column_text][/mk_custom_box][/vc_column][vc_column width= »1/2″][mk_custom_box border_color= » » border_width= »1″ bg_color= »#f6f6f6″ bg_image= » » bg_position= »left top » bg_repeat= »repeat » bg_stretch= »false » predefined_bg= » » padding_vertical= »30″ padding_horizental= »20″ margin_bottom= »10″ min_height= »100″ visibility= » » animation= » » el_class= » »][mk_fancy_title tag_name= »h2″ style= »false » color= »#393836″ size= »14″ font_weight= »inherit » font_style= »inhert » letter_spacing= »0″ margin_top= »0″ margin_bottom= »18″ font_family= »none » align= »left »]Persona de Bergman
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« Persona est un film qui a « sauvé la vie » de Bergman. Le titre premier du film, Cinématographe, résonne comme le testament d’un cinéaste, alors que cette œuvre va consacrer la renaissance de son auteur. Bergman imagine les premières images de son film alors qu’il délire, cloué sur un lit d’hôpital, atteint d’une double pneumonie. Refusant tout contact avec l’extérieur, le cinéaste se mure dans le silence et se laisse aller à ses dérives mentales. Les corps de mourants passent devant lui comme dans un songe, deux infirmières discutent et se montrent leurs mains, leurs images se fondent et elles ne font plus qu’une seule et même personne, des photos de journaux de Liv Ullmann et Bibi Andersson frappent Bergman par l’étrange effet de lumière qui éclaire leurs visages… Persona est né. (…) Audaces formelles, pulsions librement exprimées, refus d’une narration classique, Bergman offre avec Persona une approche de la mise en scène autant physique que mentale. Mentale, car l’île de Fårö où se déroule entièrement le film (et où Bergman se retire dorénavant) est un lieu clos que l’on peut circonscrire à un monde-cerveau, celui d’Elisabet et/ou Alma. Physique tant le film est en contact direct avec le spectateur. Persona est un film inépuisable, à la perfection formelle éblouissante. Un de ces chefs-d’œuvre qui font avancer le cinéma, lui ouvre de nouveaux horizons. »

O.B

L’intégralité du texte

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