« La valeur n’attend point le nombre des années » s’enorgueillissait Rodrigue. Pierre X. Garnier et José Revault semblent en avoir fait leur précepte. Du haut de leurs vingt-deux printemps, ils s’apprêtent à lancer la quatrième édition de 7ème Lune, un festival entièrement dédié au jeune court-métrage français.

Leurs visages juvéniles ne trahissent pas encore leur fatigue, pourtant, Pierre X. Garnier et José Revault enchaînent les nuits blanches et les voyages en TGV depuis plusieurs semaines. Alors que le jour J approche, les deux comparses jonglent entre leurs études et les responsabilités de la direction d’un festival. « C’est vrai qu’on est un peu surmenés, » confesse le premier, « mais on reste enthousiastes. Il y a une telle émulation dans l’équipe qu’on en oublie le manque de sommeil. »
Pierre suit un master à l’école de commerce Kedge, à Bordeaux, tandis que José étudie la production de films à l’école des Gobelins à Paris. Mais pour le moment, toute leur énergie est dévolue au coup d’envoi de la prochaine édition de 7ème Lune, le festival qu’ils ont créé à Rennes il y a quatre ans. « On a jamais trop explicité la signification du nom. Il renvoie au septième art, aux sept milliards d’êtres humains, mais aussi à notre propre condition de satellites gravitant autour du monde du cinéma » résume Pierre. « On trouvait ce nom évocateur, » précise José. « Il fait penser à l’expression « décrocher la lune », et ça correspond assez bien à l’état d’esprit qu’on a quand on veut faire du cinéma à vingt ans. »

 

S’ils n’ont pas encore décroché la lune, les duettistes l’ont déjà sérieusement harponné, et ce depuis l’adolescence. Précoces, y compris dans leur amitié (ils s’entendent comme larrons en foire depuis l’âge d’un an et demi), ils parviennent à trouver un peu d’argent par le biais de leur Junior Association The Joker TV Production pour financer la réalisation de courts métrages. Avec leur fidèle bande de copains, ils  vont ainsi enchaîner les expériences et les formats, s’essayant à la web-série, la parodie, le film de genre… En 2011, ils terminent leur film le plus abouti, The making of a girl, un moyen métrage ayant mobilisé près d’une trentaine de personnes. « Il y a eu une avant-première au Diapason, à Rennes, » se souvient José, « nous avions fait beaucoup de communication pour attirer le plus grand public possible. Résultat, il y avait plus de 500 personnes dans la salle. On a joué un petit sketch sur scène, ce qui nous a valu d’être repérés par des programmateurs de France Bleu. » Pierre et José vont alors devenir des chroniqueurs réguliers de la radio armoricaine et y commenter l’actualité cinématographique. Un brin cabotins, ils aiment animer les projections, n’hésitant pas à improviser avec Alain Chabat lorsqu’il vient présenter Sur la piste du Marsupilami au Gaumont de Rennes. « C’est quelque chose qu’on essaie de poursuivre avec le festival, » souligne Pierre, « pour nous, une séance est avant tout un spectacle, vivant, avec un public qui réagit. »

 

Lorsqu’ils créent 7ème Lune en 2013, le tandem se met d’accord sur une ligne éditoriale claire : faire émerger les jeunes talents hexagonaux et contribuer à la diffusion de leurs œuvres. « On a décidé d’une limite d’âge, trente ans, et, bien qu’on ait reçu près de mille candidatures, on a choisi de se concentrer sur une sélection resserrée de six films. On est conscient de cette très grande subjectivité mais il n’y a pas beaucoup d’intérêt à faire la même chose que les autres festivals. On cherche à proposer la compétition la plus singulière possible. » Pierre et José assument parfaitement leurs choix et désirent proposer un panel éclectique, mêlant documentaire, animation et cinéma expérimental. Ce qui compte, c’est la force de la proposition. José, qui s’occupe plus particulièrement de la direction artistique du festival, analyse la production actuelle : « Lorsque on visionne autant de films, il y a forcément de grands thèmes qui ressortent. La crise économique et le terrorisme sont par exemple au centre de nombreux films. Mais ils sont souvent traités de manière stéréotypée, avec un côté tragique, pessimiste, violent. Ce qui nous stimule, ce sont les partis-pris radicaux, les surprises. » Cet état d’esprit abolit les frontières entre les courts métrages issus du système de production classique et ceux tournés à la hussarde. « L’évolution des outils numériques permet une grande qualité. Et en tant que programmateur, on ne se pose pas la question du financement. Un film au budget de 500 euros est parfois bien plus intéressant qu’un autre à 150 000. »

 

En marge de la compétition, le festival propose aussi une rétrospective Michael Mann ainsi que le programme Première lune, destiné aux classes de collège et uniquement constitué par des films d’auteurs de moins de vingt ans.

Si leurs moyens restent modestes, Pierre et José ne manquent ni d’énergie, ni de bagout, et leur enthousiasme communicatif leur attire de solides appuis. Outre le conseiller municipal rennais Glenn Jegou qui les épaule depuis leurs débuts, et Stéphane Foenkinos, réalisateur de La Délicatesse, co-scénariste de la série Fais pas ci fais pas ça et parrain de l’événement depuis la première édition, nos jeunes cinéphiles ont su convaincre Alain Guiraudie de présider cette année le jury. Rare en festival et refusant systématiquement ce type de propositions depuis une dizaine d’années, l’auteur de L’inconnu du lac et Rester vertical s’est laissé séduire par la fraîcheur de 7ème Lune et semble y avoir trouvé quelques accointances avec sa propre conception du cinéma.  Il se prêtera au jeu de la rencontre avec le public du Tambour et animera également une séance spéciale de courts-métrages de son choix. Rebecca Zlotowski (réalisatrice de Grand Central et Planetarium), Kim Chapiron (réalisateur  de Sheitan et co-fondateur du collectif Kourtrajmé), Clément Graminiès (rédacteur en chef de critikat.com), et Terence Lewis (chorégraphe de Lagaan et de nombreuse comédies musicales bollywoodiennes) viennent compléter le jury.
« C’est très gratifiant de voir une sorte de communauté se constituer autour du festival, » reconnaît Pierre, « certains réalisateurs invités les années précédentes reviennent pour le plaisir de nous revoir et de profiter à nouveau à l’ambiance. Il y a des rencontres, des idées qui circulent, et, avec José, on pense sérieusement accompagner certains auteurs dans leur création. » Car dans la ligne de mire des deux complices, il y a bientôt la création d’une société de production… Mais attention ! On finit les études d’abord…

Jean-Claude Rozec


7ème Lune, du 15 au 18 mars à Rennes, au Ciné-TNB, Cinéma ARVOR, Diapason, Tambour et 4bis.

Le site du festival 7ème Lune

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