
Après avoir été journaliste (notamment à Moscou), Madeleine Leroyer a signé plusieurs documentaires en tant qu’autrice et réalisatrice.
En décembre 2024, elle est élue Co-Présidente de Films en Bretagne.
À cette occasion, nous lui avons posé nos traditionnelles 3 questions…
3 QUESTIONS À MADELEINE LEROYER
Films en Bretagne :
Administratrice du collège ARC très investie dans le collectif et maintenant Co-présidente de Films en Bretagne, nous aimerions mieux te connaître. Peux-tu nous raconter ton parcours ?
Madeleine Leroyer :
Je suis née et ai grandi à Brest, que j’ai quittée à 18 ans, avec de fortes envies d’ailleurs, et un tropisme post-soviétique qui étonnait beaucoup mon entourage. En 2004-2005, juste après l’entrée de la Pologne dans l’Union européenne, j’ai étudié un an à Varsovie, puis, de 2008 à 2014, j’ai vécu et travaillé à Moscou. J’étais journaliste pigiste, pour différentes rédactions françaises et francophones. L’envie du documentaire est probablement née là, en faisant l’expérience de mes limites, en constatant que toutes les histoires ne se racontaient pas de la même manière, que certaines avaient besoin de plus de temps, de pudeur, de silence. Qu’il fallait entrer en relation. Et pas simplement en contact.
Mon retour en France en 2014 a cristallisé ce désir de film. Je n’étais plus dans la chronique des dérives d’un ailleurs toujours plus autocratique et guerrier, mais dans le constat, très douloureux, de nos propres renoncements. C’est le point de départ de l’écriture des Veilleurs qui est devenu Numéro 387, mon premier long métrage documentaire, qui raconte les efforts entrepris par une poignée de justes pour redonner un nom aux personnes migrant·es mortes lors d’un naufrage majeur en Méditerranée. Ce film est produit par Valérie Montmartin, elle aussi venue du journalisme avant d’embrasser le documentaire.
Films en Bretagne :
Tes précédents films documentaires étaient empreints d’une démarche journalistique. Quelles sont tes envies de films actuellement ? Pourquoi réalises-tu des films documentaires ?
Madeleine Leroyer :
Je continue à explorer les questions de violence et d’abus de pouvoir. Je travaille à la fois sur des films historiques et sur des films de société. Ce qui m’obsède, c’est de savoir ce qu’il advient de la personne humaine quand on tente de la réduire, de lui imposer une vie – ou une mort – indigne. Mes films sont très différents mais on y retrouve, je crois, des femmes et des hommes, qui se dressent face à la domination – économique, politique, sexuelle. Des femmes, des hommes, et j’espère un jour des enfants, car je porte depuis plusieurs années un projet sur la parole des enfants victimes de violences sexuelles. Plus récemment, j’ai fait une escapade en terres de fiction, avec un projet de scénario librement adapté de Numéro 387.
Un mot du journalisme. Je ne le considère pas comme un gros mot, quelque chose que je devrais gommer ou effacer de ma vie. Le documentaire est ancré dans le réel – qui nous oblige en même temps qu’il nous libère. Chercher à comprendre ce réel, vérifier des informations, mener une enquête, ne me semble pas du tout inopportun. Particulièrement dans un moment de brutalité politique comme celui que nous traversons.
Films en Bretagne :
Comment es-tu arrivée au sein de la « Maison Films en Bretagne » et, aujourd’hui en tant que Co-présidente, comment vois-tu ton engagement ?
Quand je me suis installée à Rennes, en 2017, j’ai adhéré à plusieurs associations : Comptoir du Doc, l’ARBRE puis Films en Bretagne. J’avais, comme nombre d’entre nous, besoin de rompre la solitude, de trouver des lieux de partage, moi qui n’ai pas grandi professionnellement ici. Je me suis véritablement engagée à partir de 2021, notamment autour des questions de rémunération, de contrats, de droits, et ce en collaboration avec l’ARBRE et Films en Bretagne. Ma casquette d’autrice est très claire, mais j’ai mis plus de temps à identifier l’« étoile du berger » commune à tous les collèges de Films en Bretagne : que faisons-nous toutes et tous ensemble ? Que signifie défendre une filière, de l’écriture à la diffusion des films ? Comment fait-on valoir nos arguments économiques sans perdre de vue le sens profondément politique de nos métiers ? Comment mène-t-on ce combat tout en prenant soin de celles et ceux qui s’engagent ? Il y a eu de vilains ratés en la matière et je tire ici mon chapeau à Simon Coss et Guillaume Kozakiewiecz qui ont beaucoup œuvré et laissé pas mal de plumes.
J’ai le sentiment que la crise que nous traversons à Films en Bretagne depuis l’été 2024 a ramené tout le monde à l’essentiel. L’équipe et les anciennes co-présidentes ont mis en place les jalons d’un dialogue mieux informé, plus transparent, entre tous les étages de la fusée (CA, collèges…) et vis-à-vis de nos partenaires, notamment la Région.
Nous avons entre les mains une union interprofessionnelle quasi unique et très précieuse. À nous toutes et tous de la faire vivre. Il y a urgence. 2027, c’est demain. Pour moi il ne s’agit plus aujourd’hui de « visibiliser », « d’accompagner », mais bien de sauver l’audiovisuel et le cinéma dans nos régions, sans rien céder de nos envies d’ailleurs…
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Propos recueillis par Caroline Le Maux pour Films en Bretagne, janvier 2025.