Le 3 mai, Canal+ débute la diffusion de la mini-série « Catch-moi », la première fiction de Mehdi Ouahab. Flash back sur une aventure singulière.

Pour un réalisateur qui a placé sa première fiction dans l’univers du catch, Mehdi Ouahab possède une qualité essentielle : c’est quand il est acculé dans les cordes qu’il rebondit le mieux ! Et cela ne date pas du tournage de Catch-moi à Béthune, en décembre dernier.
Il n’a pas encore 28 ans, mais son désir de caméra est déjà ancien. C’est d’abord par la radio qu’il se frotte au monde du cinéma. Animateur bénévole pour l’association Canal B, Mehdi tend son micro à tous ceux qui réalisent ou diffusent dans films dans le bassin rennais. Il en profite souvent pour tenter de placer une idée de court métrage auprès des professionnels qu’il interviewe. Sans grand succès. Il entreprend donc une manœuvre de contournement : si l’entrée des artistes ne s’ouvre pas, il passera par les vestiaires de la production. Une année à étudier l’assistanat de production dans une université à Rennes lui permet de postuler à divers stages. Il s’occupera de promotion de films et il sera assistant à la réalisation sur un court métrage d’animation (Le Pont de Vincent Bierrewaerts) puis sur un court métrage de fiction (La Pluie et le beau temps de Bénédicte Pagnot). Mais, si les plateaux de cinéma ne lui sont plus fermés, la caméra lui échappe toujours…
Via Managua
C’est au Nicaragua que Mehdi va tourner son premier film dans le costume du réalisateur. Et, bien que son désir soit focalisé sur la fiction, ce sera un documentaire. En 2008, il filme le retour du dessinateur Emmanuel Lepage au pays de la révolution sandiniste. Dans Volvera, retour à Managua, Lepage revient aux sources de ses deux albums de bande dessinée Muchacho. Un tournage de dix jours pour un film de 26 minutes qui vaudra à Mehdi un lien fort avec le pays.
La Bretagne ne lui offrant guère de perspectives pour concrétiser ses projets de fiction, le jeune homme va à nouveau chercher des portes à pousser, mais à Paris cette fois. Son manque d’expérience ne le freinant nullement, il tente sa chance en proposant des concepts à des producteurs réputés ou dans les unités fiction de certaines grandes chaînes.
De Canal B à Canal+
Le 12 décembre 2008, Mehdi poste un concept de série de fiction à Canal+. S’il se souvient précisément de la date d’envoi, c’est que c’était la limite pour les candidats désirant séduire Bruno Gaccio, en charge de La Nouvelle Trilogie. Avec des fortunes diverses, cet incubateur de projets cherche à renouveler la fiction télé française en misant sur des auteurs débutants proposant des concepts décalés.
À partir de mars, les rounds s’enchaînent pour Mehdi. La chaîne cryptée finance cinq bibles littéraires et Catch-moi si tu peux, une « histoire d’amour et de baston dans l’univers du catch amateur » est parmi les élues. Dong ! En avril, seuls deux projets sont qualifiés pour le round suivant et Mehdi est toujours en lice. Dong ! L’écriture du scénario débute sous la direction de Bruno Gaccio et de Gilles Galud, le producteur de La Parisienne d’Images qui va porter la série avec la chaîne. Tous les trois à quatre jours, le jeune auteur reçoit des notes et doit y répondre dans la foulée. Dong ! Dong ! Dong ! Fin novembre 2009, la chaîne valide le scénario.
Paraître calme
Logiquement, c’est à Béthune, fief de la fédération française de catch que les trois épisodes de 28 minutes seront tournés. Mehdi va concrètement se frotter au cahier des charges qu’il a tacitement accepté en se lançant dans l’écriture : trois semaines de préparation, 18 jours de tournage sans heures supplémentaires, peu de décors, pas de scènes de nuit, six semaines de montage image et quatre semaines pour le travail du son et les finitions. Le budget doit tenir dans le million d’euros calibré par Canal+. L’équipe est proposée par la production et le budget ne permet pas de folie au casting.
Le 24 novembre, Mehdi s’aperçoit, en arrivant sur le tournage, qu’il ne maîtrise pas le jargon de la fiction et qu’il n’a jamais utilisé un combo ! « Quand on manque d’expérience, il ne faut jamais perdre le fil. Il faut apprendre à gérer les priorités car toutes les questions surgissent en même temps » explique-t-il le sourire aux lèvres, « j’ai dû apprendre à paraître calme alors que je ne le suis pas du tout ! ». L’équipe est solide et l’entoure parfaitement. Tous les techniciens ont vu son documentaire et sont convaincus que « tourner au Nicaragua sans plan de travail est plus compliqué que diriger une équipe organisée sur un plateau de fiction ». Le 17 décembre, Mehdi peut descendre du ring.

C’est lors de la post-production que le réalisateur va le plus sentir la pression. Les nombreux visionnages lui rappellent qu’il existe un enjeu important pour Canal+ et la production. Pour compliquer le tout, la date de diffusion a été avancée et le calendrier de post-production, de fait, est resserré. Sa principale difficulté ? « Garder du recul sur le film au bout de 18 mois de travail en continu sur le même projet » affirme-t-il, sans hésiter.
Privilège
La suite ne semble pas l’émouvoir plus que cela. Catch-moi va vivre dans deux versions (une mini-série de 3 x 26′ et un unitaire de 90′) et la version unitaire est déjà vendue à une chaîne belge. Au moment de la première diffusion sur Canal+, Mehdi sera au Nicaragua. Lucide, il évoque « le privilège (qu’il a eu) de n’attendre qu’un an entre l’envoi du projet à la chaîne et le début de tournage » et précise : « je ne prends pas Catch-moi comme mon premier long métrage mais comme ma première expérience de réalisation ».
Après ? Pas de projet précis, rien de vraiment écrit. Il aimerait retravailler avec Bruno Gaccio et Gilles Galud « avec qui cela s’est bien passé ». Seul véritable bémol dans cette aventure, « la dimension industrielle de la série qui est incontournable et génératrice de frustration ». Il souhaite donc aller plutôt vers le cinéma ou l’unitaire de fiction. Après l’avoir écouté raconter ses vingt derniers mois, difficile de douter que cela ne puisse pas être dans ses cordes…
Jean-François Le Corre

Photo en page d’accueil : Mehdi Ouahab (en rouge) sur le plateau de Catch-moi © Canal+/La Parisienne d’Images