Novembre s’éloigne en laissant s’envoler les dernières feuilles mortes tandis que les jours finissent de se raccourcir. Miz Du, le mois noir en breton, est aussi, et pour nombre d’entre eux, miz doc. Un mois où l’on se prend à veiller tard, ensemble autour du doc. Retour sur un événement qui réchauffe le mois de novembre depuis 19 ans.
Le Mois du Film Documentaire a été initié en 2000 par l’association parisienne Images en Bibliothèques afin de valoriser les films documentaires dans les médiathèques de France. Dès 2005, des associations régionales s’en emparent et se mettent à proposer leur propre sélection à des communes, d’autres associations, des médiathèques bien sûr, des centres culturels et même des cinémas.
La Bretagne est citée en exemple pour le dynamisme de son réseau (une association coordinatrice dans chaque département et travaillant ensemble pour former une coordination régionale) et la qualité de sa programmation. Qu’il s’agisse de Daoulagad Breizh dans le Finistère, Cinécran dans le Morbihan, Ty Films dans les Côtes d’Armor ou Comptoir du Doc en l’Ille et Vilaine, la présence de ces associations à l’échelle départementale a permis au fil du temps de tresser un maillage réunissant de nombreuses structures différentes sur un même territoire autour d’un événement annuel.
En 2018, le Mois du Film Documentaire en Bretagne c’est pas moins de 112 films présentés au travers de 392 séances, (pour la plupart accompagnées par un cinéaste ou quelqu’un proche du film) dans 213 communes. Mais ces chiffres ne sont que la partie émergée de l’iceberg. C’est que le mois de novembre se prépare très en amont. A peine vient-il de se conclure que les programmateurs des coordinations départementales partent en quête de nouveaux films. Sélectionnés pour leur rareté (souvent peu diffusés sur les réseaux habituels), leur qualité cinématographique, ces films ont le mérite de tenir un propos fort ou tout de moins de poser des questions susceptibles de faire réfléchir tout à chacun sur des questions contemporaines fortes.
De la place des femmes dans la société (J’ai dit oui aux Monologues du Vagin d’Ilse Tempelaar) aux alternatives écologiques (Nul Homme est une île de Dominique Marchais) en passant par les questions migratoires (Exils adolescents d’Antoine Dubos) et la question de l’avenir du monde paysan (Je ne veux pas être paysan de Tangui Le Cras), chacun de ces films part d’une vision subjective, celle de leur auteur et de sa personnalité. Plus que de l’information, c’est une sensibilité que leur regard nous fait partager et qui nous amène à déplacer le nôtre.
Ces films cités ont tous été proposés cette année par les coordinations départementales bretonnes lors de journées de prévisionnement qui ont eut lieu dans différents lieux aux 4 coins de la région entre avril et juin. Ces journées permettent de rassembler des programmateurs de cinéma, des bibliothécaires, des associatifs et des bénévoles pour découvrir les films mais aussi pour échanger sur leurs différents choix de programmation. Les échanges après chaque film permettent à chacun d’évoquer l’engouement ou au contraire la désapprobation face à la sélection et surtout à forger ses arguments pour porter son choix devant son public au mois de novembre. Ces moments riches en arguments permettent de dépasser le simple jugement de valeur pour parler de ce qui fait la qualité d’un film, de ce qui relève du cinéma.
L’investissement des participants, depuis parfois 10 ans, n’est pas anecdotique. Au delà de l’aspect financier qu’implique une projection de film (communication, droits de diffusion, rémunération de l’intervenant, hébergement …) c’est avant tout beaucoup de temps consacré au visionnage des films pour dénicher la perle que l’on présentera à son public réunissant les inconditionnels et les nouveaux venus, toujours plus nombreux.
C’est aussi du temps pour se former grâce à 6 journées de formation gratuites où les participants se forgent une culture du documentaire, apprennent à analyser un film et à animer un débat à l’issue d’une séance. Autant de compétences que bon nombre de bénévoles ont acquis au fil du temps et qu’ils continuent d’approfondir chaque année.
L’année 2019 sera celle de la 20ème édition pour le Mois du Film Documentaire. Sans doute l’occasion d’un moment festif autour de nouveaux films toujours plus actuels et originaux. Ce sera enfin l’occasion pour la coordination régionale, de prolonger son travail de valorisation du cinéma documentaire, d’animation du territoire et de formation de nouveaux programmateurs.
Maxime Moriceau