Pléneuf-Val-André accueille jusqu’au 1er avril le tournage d’une série réalisée par Edwin Baily pour France 3 : L’Accident. Mobilisant sur place une équipe d’une cinquantaine de professionnels, l’affaire est une aubaine pour la ville en cette période de l’année où le touriste est rare. L’événement comble également les techniciens bretons qui – ce n’est pas si fréquent – sont légion sur le tournage.

 

GTV, la production, est parisienne. Le réalisateur, Edwin Baily, a quant à lui élu domicile depuis longtemps en Bretagne. C’est sans doute cet ancrage du cinéaste – dont les deux derniers téléfilms ont également été tournés sur le territoire – qui a déterminé le choix du lieu. En partie seulement. « C’est aussi le scénario. Il fallait un endroit dont la population soit multipliée entre basse et haute saison » explique Muriel Paradis, la directrice de production. « Ça aurait pu être un village de montagne, une station de sports d’hiver… » Ce sera le Val-André. C’est à Eric Lionnais, régisseur général, que l’on doit ce décor. En charge des repérages, il ne s’est pas aventuré très loin de sa base briochine pour être convaincu qu’il tenait là le site idéal.

Cette évidence se confirme avec les premières démarches en mairie. Muriel Paradis le rapporte avec enthousiasme : « On ne pouvait rêver meilleur accueil. L’équipe municipale, le personnel des services techniques – jusqu’aux pompiers, dont les véhicules seront utiles – tout le monde se plait à se mettre en quatre pour les besoins du tournage ». Toutes les démarches administratives et logistiques, habituellement lourdes, sont facilitées. « On gagne du temps, c’est appréciable », raconte-t-elle,  attablée pour la pause déjeuner sous le boulodrome municipal temporairement converti en cantine, cqfd.

 

Si tout ceci fonctionne aussi bien c’est que l’équipe, en retour, a investi la vie locale. Et l’expérience est immersive puisque le téléfilm, 6 épisodes de 52′, est entièrement tourné sur place trois mois de rang. Avec une cinquantaine de personnes logées dans les hôtels et gîtes de la ville, considérant également les retombées sur la commune en termes d’image, l’hospitalité est évidemment de mise de la part de la commune. Il y a cependant mieux – de part et d’autre – semble-t-il, qu’un simple lien de prestation. La durée du tournage explique sans doute beaucoup. La compréhension du lieu et le lien des professionnels avec le territoire jouent certainement aussi.

 

Le décor n’a, en effet, pas grand chose d’exotique pour la plupart des techniciens à l’œuvre sur L’Accident. La scripte, les 2e et 3e assistantes mise en scène, cent pour cent de l’équipe régie, cent pour cent de l’équipe déco : les techniciens bretons sont représentés – chose assez rare pour être signalée – dans des proportions hautement significatives. Il y a là une histoire de fidélité et de confiance, un mot qui revient souvent. Beaucoup des techniciens présents ont déjà collaboré aux précédents films du réalisateur. Il a choisi de faire appel à eux à nouveau. Il y a aussi la confiance et la volonté de la production. Muriel Paradis, « provinciale de naissance », comme elle se définit, affiche une volonté franche – et louable vue d’ici – de former ses équipes sur place. « Si je pars à Bordeaux, je n’emmène personne » (au départ de Paris, ndlr). Et de poursuivre : « Le déploiement des fonds régionaux a permis la structuration des filières localement. Les métiers peuvent s’exporter. En quelques années, il y ainsi des professionnels parisiens qui se sont réimplantés. »

 

Pour les techniciens présents sur le projet, dont certains, jeunes, tentent déjà pour leur part de s’implanter dans le métier, le téléfilm joue lui aussi un rôle structurant. Trois mois de tournage, un budget de cinq millions d’euros, L’Accident permet de faire l’expérience d’un travail et d’une rémunération ‘’dans les clous’’. Il permet aussi de se former, d’étendre son réseau et de conforter sa place dans le paysage. Adrien Souchet, le chef décorateur, Julie Henry, 2e assistante à la mise en scène ou Eric Lionnais, régisseur général, tous confirment combien l’aventure est gratifiante au plan personnel, mais aussi collectivement, pour la filière régionale. Pour chacun d’eux, entre la préparation et le tournage, L‘Accident représente cinq à sept mois de travail plein.

 

Adrien a déjà travaillé avec Edwin Baily sur le film Les Blessures de l’île. Il se dit particulièrement reconnaissant envers le réalisateur de lui avoir fait confiance ; et ce bien qu’il soit parmi les plus jeunes de l’équipe qu’il dirige. Après des études aux Beaux-Arts et une formation complémentaire en design à Rennes, le jeune Brestois a fait ses premières armes comme stagiaire rippeur, avant de s’initier au poste de chef-décorateur sur des courts métrages. Pour lui, c’est grâce aux rencontres – et à la bienveillance ou à l’esprit collectif de ses pairs – qu’il a pris ses marques dans le métier. Il cite Jacques Jousseaume, régisseur général brestois, comme un entremetteur déterminant. A lui comme à d’autres de sa génération, il a ouvert beaucoup de portes.

 

Fin juillet 2015, Adrien était 1er assistant décorateur sur le téléfilm de Xavier Durringer, Rappelle-toi. Edwin Bailly l’a contacté, lui a confié le roman de Linwood Barclay dont il voulait tirer le film. Leur collaboration a commencé ainsi, très en amont, avec la latitude pour le chef décorateur d’imaginer l’univers plastique du film pour le soumettre au réalisateur. Une fois le film lancé, les prévisions sont parfois mises à mal, fluctuent. « Les réécritures sont fréquentes, parfois une semaine en amont du tournage, et demandent un travail d’adaptation », raconte Adrien. Là encore, avec la confiance du réalisateur, il apprécie « la liberté de proposer ». Cette souplesse, « c’est aussi le budget alloué par la production qui l’autorise », précise-t-il.

 

A la tête d’une équipe réunissant jusqu’à 17 personnes, quand des savoir-faire spécifiques – des sculpteurs par exemple – sont sollicités, Adrien se félicite de les connaître tous et se réjouit des compétences qui l’entourent, « qui lui rendent le travail facile ». « Ils ont souvent plus d’expérience que moi, ils m’apprennent », savoure t-il. Il a également trouvé l’occasion d’étendre son réseau : « J’ai rencontré des Bretons que je connaissais de nom sans les avoir pratiqués ». Des inconnus mais pas de débutants sur le tournage : « Une telle machine réclame des compétences solides », explique Eric Lionnais dont c’est la troisième collaboration avec le réalisateur. « Il faut aller vite, il faut être efficace ». Une exception cependant : Pauline Gautier, 3e assistante déco, graphiste, dont c’est le premier film. « Elle livre un travail de grande qualité, une vraie bonne surprise ! » pour Adrien.

 

Sur le même ton, enjoué, Julie Henry résume son expérience dans des termes proches. Pour elle aussi le bénéfice est important, en matière de formation notamment. Elle souligne « le mélange de générations qui fait que se côtoient jeunes et moins jeunes, de 24 à 60 ans » ; une proximité qui permet la transmission, une sorte de compagnonnage. Ce téléfilm porte l’expérience de Julie à cinquante/cinquante entre l’audiovisuel et le cinéma. Ici, la spécificité de son travail réside dans la grande anticipation qu’il exige. « C’est une temporalité différente des tournages cinéma en termes de préparation. Les six épisodes sont tournés dans le désordre, par décor. Il faut donc une grande rigueur compte tenu de la durée du tournage, treize semaines, là où les tournages de cinéma s’étendent généralement sur 7 à 8 semaines. » Le rythme est aussi différent. « Là où on attend 2 ou 3 minutes de film ‘utile’ en cinéma, on impose 6 à 7 minutes en télévision. » Ceci sur des journées pourtant plus courtes, convention audiovisuelle oblige.

GTV Productions livrera la série L’Accident à la rentrée pour une diffusion prévue fin 2016 ou début 2017 sur France 3, en trois fois deux épisodes. Mardi ou samedi soir, la case reste à préciser. Parions qu’il n’y aura pas foule dans les rues de Pléneuf ces soirs-là.

Charlotte Avignon

L’Accident

Dans la paisible station bretonne de Sainte-Lune, le corps de Rebecca Cauvy est retrouvé sur la nationale : ivre, garée à contresens, elle a été percutée de plein fouet par un véhicule. Gabriel, son mari, refuse la thèse du suicide ou de l’accident. Soucieux de rétablir l’honneur de Rebecca et de protéger sa fille, il mène l’enquête, dévoilant peu à peu les nombreuses zones d’ombre d’une petite communauté frappée par la crise. Cet ‘’accident’’ ne serait-il que la partie émergée d’un terrifiant iceberg ?

Avec Bruno Solo, Charlotte Talpaert, Rose Montron, Charlotte des Georges, Frédéric Andrau, Marc Citti, Gabrielle Atger, Erick Deshors, Romane Portail, Emma Colberti.

Adaptation et scénario : Olivier Prieur, dialogues : Olivier Prieur avec la participation de Bruno Solo, d’après le roman de Linwood Barclay, réalisation Edwin Baily, 6 X 52 minutes,

Produit par GTV Productions (Zodiak Media), co-producteur SOLO’N CO Production, producteur associé  Square Productions.

La série a bénéficié du soutien de la Région Bretagne (aide financière et aide logistique d’Accueil des tournages en Bretagne).

Edwin Baily est réalisateur de fiction TV et cinéma et de documentaires. Dernières réalisations pour la télévision, les séries et mini-séries : 2 Flics sur les Docks (collection policière pour France 2), Le Repaire de la Vouivre, 4 Garçons dans la Nuit, Nicolas Le Floch, Petits Meurtres en Famille… et les films unitaires : Les Blessures de l’île (tourné à l’île de Batz), Le Silence des Eglises, La Vie sera Belle, La Classe du Brevet