Le 12 juillet dernier, les professionnels de l’audiovisuel bretons étaient rassemblés sur les bancs du lycée rennais Saint-Vincent. Films en Bretagne les y attendait avec un ordre du jour plus dense que d’ordinaire. A l’assemblée générale de l’association succédait en effet sa fête d’anniversaire, car Films en Bretagne a – déjà – 20 ans ! Entre les deux, se tenait un rendez-vous, également très prisé : la présentation à deux voix, par Jean-Michel Le Boulanger, vice-président de la Région Bretagne en charge de la culture, et Guillaume Esterlingot, chef du service Images et industries de la création, des nouvelles mesures induites par la réforme des aides régionales au secteur. Rappel de l’ambition culturelle de la Région pour le premier, inventaire réglementaire pour le second… Essai de synthèse.
« Il faut questionner les politiques publiques », martèle Jean-Michel Le Boulanger. Et se souvenir de ses fondamentaux en matière de politique culturelle : « émancipation, inclusion, conscience »… Face à son auditoire, le vice-président du Conseil régional l’affirme : le secteur représenté ici « n’est pas une filière économique, c’est une filière porteuse de sens ». Mieux accompagner cette filière pas comme les autres, c’était en partie l’objectif de la réforme aujourd’hui dévoilée. Elaborées dans la concertation, rappelle Guillaume Esterlingot, les modalités de soutien aux œuvres et à la filière qui entrent en vigueur à compter de l’été 2019 sont la conclusion de trois années de travail. Le temps nécessaire à une étude préalable, celle de Matthieu Darras rendue publique au printemps 2018, et à l’adoption d’une stratégie cohérente s’inspirant du diagnostic et des préconisations reçus. « On a fait en sorte de développer la filière et de lui permettre de se distinguer », avance Jean-Michel Le Boulanger. Développer la filière, parce que « les atouts sont nombreux sur le territoire mais le secteur reste fragile » et confiné lorsque « nombre d’acteurs peinent à accéder à des marchés internationaux ». Lui permettre de (mieux) se distinguer, notamment quand, « vues de l’extérieur, les aides de la Région étaient jugées complexes et peu lisibles ou encore trop contraignantes et pas assez attractives . »
Quels sont les points marquants de ce « projet stratégique breton pour le cinéma et l’audiovisuel » ? Tout d’abord un abondement sensible des moyens dévolus. Cette hausse, rendue publique au printemps 2019, prévoit de majorer d’1,8 million d’euros, échelonnés sur trois ans, les aides au secteur. Au bénéfice de la filière régionale, des moyens sont fléchés pour accompagner les acteurs sur des aspects couvrant « la création, la formation, les évolutions technologiques mais aussi la viabilité des entreprises ». Pour renforcer l’attractivité et le rayonnement du territoire, l’évolution porte en premier lieu « sur la simplification des fonds d’aide et la hausse de leur dotation ». Elle tend aussi à optimiser l’intervention de la collectivité dont les services en charge de la politique cinéma se voient réorganisés. Désormais placés sous la responsabilité de Guillaume Esterlingot, chef du service Images et industries de la création (SIMAG) et bientôt repérables sous le pavillon unique de Bretagne cinéma, ces derniers sont par ailleurs dotés de deux nouveaux postes : un·e chargé·e de mission structuration et développement de la filière cinématographique et un·e chargé·e de communication et valorisation des ressources. « Améliorer la communication, mieux faire connaître ce que l’on fait, là où nous n’étions pas très bons », fait en effet partie du plan, complète Jean-Michel Le Boulanger pour insister sur un ultime principe directeur : « la valorisation des singularités bretonnes ». Pour redéfinir sa politique et la distinguer à l’échelle nationale, la collectivité s’est en effet attachée à l’identité de son territoire. Elle a notamment considéré, comme une donnée fondatrice de sa réforme, la qualité de sa filière régionale et ses particularismes, ceux d’un secteur structuré dont les habitudes de travail en commun sont une des forces. Cette singularité du territoire et de son projet seront inscrits dans une charte, un document en cours d’élaboration auquel s’adossera explicitement désormais la politique culturelle de la collectivité « pleinement inscrite dans la philosophie de ‘région responsable’ telle que définie dans le cadre de la Breizh Cop, porteuse d’exemplarité en termes de réduction de l’empreinte écologique, de respect de l’égalité femme/homme ou encore de développement territorial » plaide le Vice-président du Conseil régional. Des singularités, donc, que nul prétendant à une aide régionale ne pourra plus ignorer, d’autant que toute demande d’aide est désormais conditionnée à un rendez-vous préalable au sein du SIMAG « pour faire connaître son projet et se renseigner sur la filière régionale ».
Objet majeur de la réforme, conservé dans son architecture mais profondément revisité dans ses objectifs et son règlement, le Facca est logiquement scruté, ce jour, dans le détail. Le Fonds d’aide à la création cinématographique et audiovisuelle (Facca) était doté de 3, 045 millions d’euros en 2019. Rétrogradé de la 4e place qu’il occupait en 2015 à la 8e place des fonds régionaux les mieux dotés, en 2018, suite à la fusion des régions et de leurs aides respectives, il devenait impératif de mettre à niveau le fonds breton. Guillaume Esterlingot étaye : « la manière de financer une oeuvre a considérablement évolué en dix ans et les coproductions internationales deviennent non seulement courantes mais garantes du financement des films ». Le Facca nouvelle génération se devait alors d’évoluer « dans une logique de soutien proactif et volontariste, tourné vers l’international ». Cet effort proactif, c’est à dire l’ambition de repérer les projets britto-compatibles pour leur offrir un accompagnement ad hoc sur le territoire, sera notamment servi par la nouvelle mission « développement de la filière cinématographique et audiovisuelle ». Quant à « développer la visibilité et l’attractivité des dispositifs, avec le souci d’allier diversité de la création et lien économique au territoire », énonce encore Guillaume Esterlingot, ce sont, pour y tendre, les critères de recevabilité qui ont été « assouplis et harmonisés ». Ça, c’est pour l’aménagement de l’existant. Mais la réforme du Facca comporte également quelques innovations, avec deux nouvelles aides dorénavant accessibles. Présentée comme la plus innovante, l’aide aux projets structurants concerne la fiction (et l’animation) long métrage cinéma ou audiovisuelle. Elle a vocation à « soutenir la création cinématographique et audiovisuelle et à accompagner la structuration de la filière du cinéma et de l’audiovisuel en Bretagne, et/ou à favoriser les collaborations avec les réseaux nationaux et internationaux», précise le règlement. La seconde est une aide au codéveloppement international qui s’adresse aux producteurs délégués (même minoritaires) établis sur le territoire régional. « Elle est destinée à soutenir le développement de projets de longs métrages cinéma ou de séries (fiction/animation) audiovisuelles de dimension internationale ». Et puisque le leitmotiv régional est double : création et économie, une aide connexe au Facca, gérée celle-ci par la direction de l’économie (service projets d’entreprises) vient compléter l’arsenal au bénéfice de la filière. Il s’agit cette fois d’une aide aux programmes pour les entreprises audiovisuelles basées en Bretagne, accessible chaque année sur appel à projets.
Quelques inquiétudes, quelques doléances aussi, se manifestent à l’occasion du temps d’échanges qui suit la présentation. Le fonctionnement révisé des comités de lecture et leur nombre annuel sensiblement réduit (3 comités documentaires) fait partie des points sensibles. La collectivité justifie le principe : optimiser la mécanique du fonds passe également par là, des comités plus longs mais moins nombreux. En vigueur dès l’été 2019, les nouveaux règlements sont les premières mesures effectives de la réforme qui aboutira fin 2019, une fois le SIMAG en parfait ordre de marche et doté de sa nouvelle identité Bretagne cinéma, finalisée par la direction de la communication.
Marie Esnault
Tous les nouveaux règlements du Facca sont disponibles en ligne sur le site : www.bretagne.bzh