La cousine de Nantes : des nouvelles de La Plateforme


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Parcours d'auteurs La Plateforme- deuxième édition


En 2013, une association dédiée aux professionnels de l’audiovisuel et du cinéma en Pays de la Loire se constituait, sur des statuts voisins de ceux de Films en Bretagne. La Plateforme, c’est son nom, assure aujourd’hui ses missions de développement et de consolidation de la filière ligérienne, notamment grâce au travail de ses deux permanents salariés : Adrien Heudier et Mathilde Fleury-Mohler. Samedi 9 février, les Etoiles de la Scam, accueillies à Nantes, au Lieu Unique, coïncidaient avec la remise des Bourses « Ville de Nantes – Emergence » : une récompense à deux auteurs issus du parcours de formation « maison ». Un événement significatif de l’action de La Plateforme et une occasion en or de faire un point d’étape.

Par les professionnels pour les professionnels, c’est avec ce leitmotiv que la filière ligérienne s’est dotée de sa plaque tournante. Installée à Nantes, La Plateforme est en effet née pour structurer un paysage audiovisuel régional qui pâtissait jusque-là d’un manque de cohésion et de coopération, raconte Adrien Heudier, son directeur. C’est un chantier de réflexion initié par les professionnels et soutenu par la Région qui a accouché du modèle, une étape de concertation des acteurs de la Culture qui devait formaliser les outils à mettre en place au profit du secteur. L’audiovisuel dans les Pays de la Loire avait déjà ses instances représentatives : l’APAPL, ALERT ou encore l’OPCAL. « Ce qui est sorti de la réflexion menée c’est le souhait d’une structure transversale, ouverte à toutes ces associations existantes et qui dépasserait les clivages ».

Aujourd’hui établie, La Plateforme repose sur des bureaux professionnels, l’équivalent de groupes de travail, qui rassemblent respectivement : les auteurs, les techniciens, les salles et réseaux et les comédiens. Un dernier né, celui des producteurs, achève actuellement de se structurer. « Chaque groupe est maître de ses chantiers, avec un rythme de croisière de quatre à six réunions dans l’année, sur un mode collaboratif, de pair à pair. Prenons les auteurs. Ils manquaient d’occasions de se rassembler. Ils organisent aujourd’hui, tous les deux mois, des sessions de lecture durant lesquelles ceux qui le souhaitent font lire leur projet à d’autres ». Cette opération mobilise trois principaux lecteurs, bénévoles, et laisse à des auditeurs la possibilité d’assister aux échanges. Ce même groupe Auteurs est en charge d’une étude comparative sur les aides à l’écriture. Ses conclusions remonteront sous peu à la Région sous forme de préconisations.

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© La Plateforme - Assemblée générale de l'association – mai 2018.


Ce modèle participatif, « avec des administrateurs qui s’impliquent fortement pour structurer le projet commun », a bel et bien pris.
« La plateforme est devenue attractive », affirme Adrien Heudier. « Chacun y trouve un intérêt ». Et pour cause, si la fédération est jeune, son offre est déjà vaste. En plus des rencontres adossées aux festivals de la région, qu’elle organise au long cours, La Plateforme se concentre sur plusieurs « grands projets ». Parmi ceux-ci : ExtrAnimation, les rencontres de l’animation en Pays de la Loire, dont la première édition s’est tenue début novembre 2018. Deux jours conçus avec NEF Animation, en partenariat avec l’école Pivot « pour accompagner la dynamique de l’animation en Pays de la Loire ». « On avait le sentiment d’être au démarrage de quelque chose », explique Adrien. Tout semble en effet s’organiser sur place pour développer la filière : « Le secteur de la formation est bien représenté : Pivot, l’Esma, le BTS de Montaigu et d’autres écoles encore. Il y a aussi notre partenaire, Nef Animation (Nouvelles Ecritures pour le Film d’Animation), l’association dirigée par Xavier Kawa-Topor à Fontevraud, qui organise des résidences internationales ». Côté production : « Un nouveau studio, L’Incroyable studio, vient également d’ouvrir » (sur le Mediacampus où sont également installées l’Esma et Cinécréatis, ndlr).

Dans son inventaire des actions au programme, Adrien Heudier poursuit tous azimuts avec : le festival des Etoiles, co-organisé avec le Lieu Unique, la Rentrée de La Plateforme, qu’il rapproche des Rencontres de Films en Bretagne ou encore la Grande tournée, pensée sur le modèle de Zoom Bretagne et qui va occuper son équipe dans les prochaines semaines. Pour cette dernière, le principe consiste à sélectionner chaque année cinq films liés au territoire qui bénéficieront d’un accompagnement renforcé auprès des salles et médiathèques de la région.

Et puis il y a l’opération phare, qui nous rassemble ce 9 février : le Parcours d’auteurs qui arrive à terme avec le festival des Etoiles. « Les auteurs nous disaient : on est isolé, on a besoin d’être accompagné par des experts, de progresser sur notre appréhension du système de production… ». « C’est comme ça qu’on s’est investi une première fois dans le dispositif et que nous l’avons reconduit cette année pour onze nouveaux auteurs (pour une trentaine de candidatures étudiées, ndlr), en étant devenu organisme de formation dans l’intervalle ». Aujourd’hui, « le parcours repose sur une double logique de formation et de résidence. Notre modèle nous permet d’intégrer des candidats qui disposent de crédits formation et d’autres pas, la moitié de notre effectif, qui bénéficient alors d’une bourse de La Plateforme ». Certains font de la fiction, d’autres du documentaire, « on a mélangé considérant que c’était une richesse, ce qui se confirme ». Deux tuteurs « très impliqués, très moteurs », rapporte Adrien Heudier, suivaient cette année les stagiaires : Olivier Daunizeau pour le documentaire et David d’Aquaro pour la fiction. Une dizaine d’autres professionnels : auteurs-réalisateurs, comédiens, producteur, représentants des institutions ou encore diffuseurs, sont parallèlement venus dispenser leurs conseils ou présenter leur métier.

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© La Plateforme – Les stagiaires du Parcours d'auteurs en résidence à l'île d'Yeu.

Condensé sur quatre mois, le parcours tenait en trois phases. La première, en octobre, a réuni stagiaires et intervenants en pension complète au prieuré de Vivoin, dans la Sarthe. La deuxième a laissé les auteurs développer leur projet en autonomie deux mois durant, à la lumière des conseils reçus lors de leur retraite sarthoise. Puis, retour au collectif. Cette fois les stagiaires ont résidé quelques jours à l‘île d’Yeu pour se préparer au pitch et à la rédaction d’un dossier. A l’issue de cette session : le grand oral. A Nantes, les auteurs ont vécu leur premier pitch grandeur nature. Pour les écouter, ce 18 janvier, La Plateforme avait réuni pas moins d’une centaine de professionnels : producteurs, diffuseurs… « Les auteurs nous ont beaucoup impressionnés », se souvient Adrien. Lui qui redoutait des abandons en cours de route l’affirme : « La transformation était magnifique !

Restait la phase ultime, réunir un jury (un auteur, Henry Colomer, une productrice, Marine Lepaulmier des Films Norfolk et une chaîne, TVR, représentée par Charlotte Avignon) pour récompenser deux des projets accompagnés, un documentaire et une fiction. Se sont distinguées : Céline Novel pour son court métrage L’Âge mûr et Justine Harbonnier pour son documentaire la Simulation. « Une sélection difficile tant les dossiers [étaient] prometteurs », a confié le jury. « Maintenant on a l’espoir que les projets soient mis en production. On ne va pas les lâcher comme ça « , conclut le directeur, conforté par le bilan positif de la session précédente. A ce jour, en effet, « plus de 50% des projets de l’édition 2017 ont trouvé un producteur et obtenu des aides. Un des projets est même déjà en tournage ». Alors une troisième édition ? « C’est sûr. Pour la Plateforme, c’est un projet pérenne. D’autant que le modèle économique est plutôt convenable, ce qui n’est pas forcément le cas sur toutes nos opérations. Ici nous avons le soutien de la Sacd, de la Scam, du CNC (au titre de la convention Etat/ Région) et de la Ville de Nantes, cumulés aux revenus de la formation et auxquels s’ajoute l’aide au fonctionnement de la Région. Le Département de la Sarthe et l’Île d’Yeu mettent par ailleurs à disposition gracieuse les lieux que nous occupons pour travailler et loger les stagiaires lors de nos deux résidences. »

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La Plateforme, pôle cinéma audiovisuel des Pays de la Loire, initie le Parcours d’auteurs, un dispositif novateur de soutien à l’écriture. Les auteurs pitchent leurs projets devant des professionnels à Trempolino.

Forcément, après cette entrée bien négociée dans la formation, cumulée à ses nombreux rendez-vous en lien avec les compétences en développement sur le territoire, La Plateforme tourne à plein régime.
Les chiffres en témoignent, puisque l’association enregistre 20% d’adhérents supplémentaires entre 2017 et 2018. Un motif de satisfaction pour les permanents aux commandes qui confient cependant arriver au maximum de leurs ressources. « Avec deux salariés, on a l’impression d’organiser un festival tous les jours ! », plaisante le directeur. Alors, on espère très fort l’attribution prochaine d’un troisième poste, administratif sans doute, qui viendrait étoffer la petite équipe et permettrait au binôme de reprendre son souffle.

Marie Esnault