Samedi 16 janvier, France 3 Ouest rediffuse le documentaire historique de Pierre-François Lebrun et Fabrice Richard sur le camp de Conlie où les 55 000 hommes de l’armée de Bretagne furent parqués en 1870.

Mobilisés pour défendre la France lors de la guerre franco-prussienne, peu d’entre eux verront réellement le front, mais les conditions de vie au camp firent des très nombreuses victimes : fièvre typhoïde, variole, furent des ennemis plus terribles que les Prussiens. Faute de formation et de matériel, les 10 000 bretons qui combattront au Mans en janvier 1871 seront injustement rendus responsables de la défaite.

filmsenbretagne.com publie un entretien réalisé avec Pierre-François Lebrun en 2007, lors de la première diffusion du film.

Quand avez-vous su que ce ne serait ni un documentaire traditionnel ni une fiction ?

Pierre-François Lebrun : Assez rapidement. Je disposais de beaucoup de textes : presse, récits, témoignages mais pas d’images. La question est venue de là. Comment faire un film sans iconographie, sans gravure, sans lieu puisqu’il ne reste aucune trace sur le terrain. Cela limitait le champ de représentation. C’est à partir de ce constat qu’est venue l’idée de mettre en scène. Pour autant, je ne parle pas de fiction.
Avec l’équipe de JPL Films, nous avons récréé le camp, sous forme de maquettes en volume, pour créer une distance. Le parti pris n’était pas de remettre en scène des épisodes historiques mais de faire témoigner les personnages comme si le documentaire était tourné deux ou trois ans après les faits et que les témoins revenaient sur les lieux des événements. Chaque mot dit dans le film a été écrit ou prononcé. Il s’agit de souvenirs et d’extraits d’auditions. En contrepoint, les scènes de maquettes sont des flash-back oniriques évoquant des visions possibles de la réalité vécue par les personnages. La volonté était de mettre à distance le passé. Je ne parle pas de docu-fiction, mais de documentaire historique.

Quels sont les avantages et les inconvénients de cette forme ?

La maîtrise du cadre de l’image, du jeu des comédiens est cent fois supérieure au documentaire classique. On décide à l’avance de ce que l’on veut. On écrit, on choisit les comédiens, les costumes… C’est l’inverse de ce que je cherche en documentaire. En documentaire, on veut se faire surprendre, on est à l’écoute, même si on travaille à partir d’une trame narrative. Les moments les plus intéressants sont liés à l’intervention du réel. Là, c’est l’inverse. On essaie de tout maîtriser. On a plus le temps de réfléchir, c’est d’ailleurs la seule chose qui ne coûte pas cher ! Au tournage, cela peut devenir un inconvénient, une lourdeur peu habituelle pour un réalisateur de documentaire, avec 15 personnes au lieu de 2 ou 3. On doit répondre à beaucoup de questions techniques, artistiques, liées aux décors, aux fausses barbes, au bruit… J’ai adoré cela, mais c’est très différent. Les choix sont faits avant le tournage. C’est un peu frustrant pour le monteur qui a beaucoup moins de latitude pour intervenir sur la structure.

Quelles ont été les relations avec les financeurs et les diffuseurs ?

Elles n’ont pas été très différentes de d’habitude, si ce n’est que cela coûte beaucoup plus cher qu’un 52 minutes «classique». Or, ce que donnent les institutions ou les diffuseurs n’est pas proportionnel aux dépenses. C’est une catégorie qui n’existe pas. C’est considéré comme un documentaire, avec des aides dont les plafonds sont beaucoup plus bas que pour la fiction.
La phase de l’écriture et des recherches bibliographiques est très longue. Pour ce film, elle a duré presque un an. Elle a été financée par plusieurs aides à l’écriture. Autrement, ce film n’aurait pas pu se faire. Ni les producteurs, ni les diffuseurs ne s’engagent pour du développement de projets. En termes de temps, c’est sans commune mesure par rapport au documentaire classique. J’ai eu beaucoup de chances d’avoir les aides de la Région Bretagne, du CNC et le Prix du scénario à Blois, ce qui a représenté environ 15 000 € pour l’écriture et le développement.
Propos recueillis par Catherine Delalande
Kerfank, la colline oubliée

Documentaire / 54’ / 2007
Scénario : Pierre-François Lebrun
Réalisation : Fabrice Richard et Pierre-François Lebrun
Image : Fabrice Richard, Camille Le Quellec
Son : Henri Puizillout
Création maquettes : Benjamin Bottella
Montage : Claude Le Gloux
Musique : Gabriel Levasseur
Comédiens : Eddy Del Pino, Sylvain Delabrosse, Philippe Robert, François Le Gallou, Jean-Matthieu Fourt, Vincent Primault, Alain Kowalczyk, Pierre Gondard, Emilien Tessier, Jean Barrier et la voix de Camille Kerdellant
Une production Averia Production en coproduction avec JPL Films et France 3 Ouest avec la participation du CNC, de la Région Bretagne et de la Procirep
Budget : 200 000 €
Nombre de jours de tournage : 31 jours au total dont 17 avec des comédiens et 10 jours pour les maquettes.
Prix du scénario de documentaire historique aux 8e Rendez-vous de l’Histoire de Blois 2005
Photo © Averia