Samedi 9 octobre, le Festival du Film Britannique accueillait une rencontre publique autour du Cross Channel Film Lab (CCFL). Cinéma et effets spéciaux peuvent-ils rapprocher les professionnels de l’espace trans-Manche ?

Do you speak english ? I hope so, because l’anglais était la langue de ce rendez-vous qui présentait la « Plateforme transmanche dédiée à la création cinématographique », un projet porté à part égale par un binôme franco-anglais : le Groupe Ouest, here, et le Cornwall Arts Center Trust, there.

Premier objectif de cette rencontre : faire le point sur le volet initial du projet, les résidences brito-cornouaillaises de développement de scénarios testées depuis juillet 2010. Dans un second temps, il s’agissait de recueillir les réactions de l’auditoire à la présentation de la deuxième phase du projet, soit le dispositif « grandeur nature » développé sur la période 2011-2014 et basé à la fois sur le développement de scénarios et la construction d’un VFX Lab… What ? VFX Lab ou plateforme consacrée aux effets visuels (traitement informatique de l’image en mouvement, effets spéciaux numériques et 3D relief) pour le cinéma de long métrage et plus particulièrement les films à budget « moyen ou réduit ».
But… What does it really mean ? Qu’est-ce au juste que ce Cross Channel Film Lab ? Antoine Le Bos, directeur du Groupe Ouest, et Pippa Best du Cornwall Arts Center Trust ont précisé, devant les quelque 25 personnes rassemblées à Dinard, la genèse et les termes du dispositif. Le cadre, tout d’abord : le Groupe Ouest, Pôle européen de création cinématographique (Brignogan – Finistère) a obtenu en mai 2010 l’accord d’un financement européen Interreg* pour initier le projet du CCFL. Pour ce faire, il a d’abord fallu trouver le partenaire britannique qui se lancerait avec lui dans l’aventure. « Une bouteille à la mer un peu lente à attirer l’attention outre-Manche » confiera Antoine Le Bos mais qui, aussitôt découverte (par Pippa Best, donc), scellera entre les deux porteurs une entente plus que cordiale.
Commence alors le brainstorming pour réunir sous un même chapeau les idées des deux têtes de pont et visualiser les opportunités offertes. Le leitmotiv de ce gentlemen’s agreement, qui impose que tout se décide et se finance fifty-fifty, tient en deux mots : émulation et innovation. « Si le cinéma indépendant ne se renouvelle pas rapidement [ n’ayant notamment rien de neuf à mettre en face de la surrenchère technologique des studios US ], il est en danger » affirme Antoine Le Bos. Pas question cependant d’aller faire moins bien et moins cher que ce que ladite industrie US produit aujourd’hui : il faut inventer et voir loin !
L’espace trans-Manche aurait ses atouts et en particulier un bon niveau artistique. C’est au plan technologique que le bât blesserait. Les compétences seraient là mais les liens n’existeraient pas encore entre les secteurs. Autre travers : les productions auraient tendance à considérer les effets visuels comme un habillage ultime, là où il serait plus créatif de les intégrer dès l’écriture. C’est notamment ce sur quoi travaillera le CCFL en produisant, dans le cadre du VFX Lab, des « démos » aptes à mobiliser les acteurs sur un projet (recherche de financements) et à stimuler les pratiques innovantes (valeur pédagogique).
Une fois l’historique et la méthodologie déclinés, les quatre projets sélectionnés (deux bretons et deux cornouaillais) dans l’étape expérimentale du Cross Channel Film Lab 2010 ont été présentés : Kernow Maid de Joan Beveridge, Dernière Campagne de Fred Gélard, Blood in the Walls de Marie Macneill, L’Abri de Mickaël Ragot et Ingrid Patetta. Précisons que les deux consultants, Antoine Le Bos et Pippa Best, ont choisi de croiser les nationalités lors du suivi des auteurs. Antoine Le Bos a donc travaillé avec les deux auteurs britanniques tandis que Pippa Best coachait les deux projets bretons. Après avoir suivi une semaine de développement de scénario en Cornouailles début juillet 2010, les cinq auteurs ont continué à échanger à distance avec leurs consultants durant l’été et se sont finalement retrouvés du 27 septembre au 2 octobre 2010 à Brignogan pour préparer leur présentation dinardaise.
Les projets sont éclectiques : du thriller surnaturel pour « teenagers » de Marie Macneill au drame familial sur fond de deuxième guerre mondiale de Mickaël Ragot et Ingrid Patetta. On a le sentiment que les auteurs sont confiants, heureux et reconnaissants d’avoir vu leur projet s’épanouir. Chaque nouveau pitch (toujours en anglais) donne envie de voir le film qui suivra peut-être. Pour un peu, on mettrait tout de suite la main à la pâte pour aider soi-même tant on sent d’enthousiasme dans cette aventure. De bon augure, isn’t it ?
Charlotte Avignon

*Objectif du programme Interreg (volet IV A) alimenté par les fonds dédiés au développement régional (FEDER) : développer la coopération territoriale européenne. 27 territoires sont concernés par le programme France (Manche) – Angleterre : les 7 départements possédant une façade « Manche » côté français, 20 counties et unitaries authorties bordant la Manche ou la Mer du Nord côté britannique.
Visuel : détail de l’affiche du festival Bains Numériques d’Enghien-les-Bains 2009