Les irréductibles Gaulois ont encore frappé ! Cette fois, sous la forme d’une start-up rennaise qui a mis sa potion informatique au service des dernières aventures cinématographiques d’Astérix et Obélix, sorties cette semaine en salles.
Si Obélix réussit à pulvériser un tas d’adversaires, c’est grâce… à la potion magique bien sûr, mais surtout à Golaem. Si les centurions de l’armée romaine parviennent à former un triangle parfait paré à l’attaque, c’est aussi grâce à Golaem et si la foule, en partie virtuelle, réagit aussi spontanément pendant la scène du match de rugby, c’est encore grâce à Golaem.
Ce n’est pas un hasard si Stéphane Donikian a baptisé sa société d’un nom qui évoque une créature humanoïde. Le Pdg et son équipe évoluent dans le monde des avatars. Dans les locaux de l’entreprise, situés sur le pôle de recherche de Rennes-Atalante, de jeunes ingénieurs, concentrés sur leurs écrans, élaborent des solutions informatiques au service du cinéma. « Nous avons développé un logiciel de simulation de foules qui a été utilisé sur Astérix et Obélix au service de sa Majesté. Toutes les scènes de bataille et celles qui ont lieu dans le stade ont été créées grâce à Golaem Crowd. Les personnages au premier plan sont réels alors que ceux à l’arrière plan sont virtuels ». Si Cécil B. DeMille et Joseph Mankiewicz avaient connu Stéphane Donikian, Les dix commandements et Cléopâtre auraient employé moins de figurants !
Car c’est bien l’avantage de la boite à outils mise au point par cette toute jeune société bretonne : limiter le recours à des figurants en chair et en os, en permettant aux studios d’effets spéciaux de créer des foules virtuelles pour des publicités, des séries télévisées et des films. Golaem s’est mis au service d’Astérix et d’Obélix suite à sa collaboration avec Mikros Image, dont le studio de Montréal était en charge d’une partie des effets spéciaux du film de Laurent Tirard. Son simulateur de foules fait partie d’un programme soutenu par le Centre national du cinéma et de l’image animée et par Oséo, organisme qui finance la recherche et développement des PME. « En un an, nous avons sorti 6 versions du logiciel, testées au fur et à mesure par Mikros, notamment sur le film. Les échanges permanents avec les créateurs de contenus sont indispensables pour faire évoluer les outils », précise Stéphane Donikian.
Il existe des outils concurrents sur le marché, mais celui de Golaem appartient à une nouvelle génération. « Nous avons voulu démocratiser la production de foules en rendant le logiciel accessible aux artistes. Il est compatible avec le logiciel Maya, bien connu des professionnels de l’animation. Il n’y a donc pas besoin d’être un ingénieur en informatique hyper pointu pour l’utiliser. Notre simulateur permet de créer une plus grande variété de personnages, en intégrant beaucoup de paramètres (morphologies, costumes, couleurs de peau, etc.), de les faire interagir avec leur environnement, d’adapter leurs déplacements selon la densité de la foule, les obstacles et les événements ».
Le pop-corn de Chaplin
Il aura fallu plus de dix ans et beaucoup de jus de cerveau pour mettre le simulateur au point. Chercheur en informatique, spécialisé dans la modélisation du comportement humain, Stéphane Donikian a d’abord travaillé au sein d’un laboratoire et a créé Golaem pour franchir le stade industriel. « Notre idée était de développer un produit standard pour le marché mondial ». L’entreprise compte, parmi ses clients, Technicolor et Zoic Studios aux Etats-Unis ou Toei Animation, producteur de mangas au Japon. Et Stéphane et son équipe passent beaucoup de temps dans l’avion en direction de Hollywood, Singapour ou Tokyo.
Employant 13 personnes, Golaem fait évoluer ses solutions en permanence sous l’impulsion des besoins exprimés par les grands studios. Le logiciel a déjà changé d’univers. Il a servi à créer les arrière-plans d’un film de zombies et d’un manga qui sortiront en salles début 2013. Mais comment faisait-on avant le virtuel ? « On peut fabriquer des foules avec des poupées gonflables qu’on habille ou en filmant des personnages qu’on duplique ». On peut aussi inventer d’habiles trucages comme Charlie Chaplin dans Le dictateur. Dans la foule qui écoute Hynkel, seul l’avant-plan est composé de personnages réels. Les visages qui bougent à l’arrière-plan sont des boules de pop-corn réchauffé que le réalisateur a montées en surimpression. Sinon, la scène aurait nécessité près de 10 000 figurants !
Le cinéma fait partie de la vie de Stéphane Donikian depuis longtemps. Sa cinéphilie remonte à ses années de lycée. A l’époque, il était responsable d’un ciné-club et pendant ses études universitaires, il a vu beaucoup de films. Ses goûts vont plutôt au cinéma d’art et d’essai et à des auteurs comme Sokourov, Wong Kar-wai ou Cassavetes. A son arrivée à Rennes, il a croisé le chemin de Hussam Hindi qui, avec quelques camarades, venait de créer Travelling. Stéphane a fait partie de l’équipe du festival pendant 20 ans. A titre personnel, il a participé récemment à un réseau d’excellence européen qui travaille sur la fiction interactive. Un passionnant sujet de recherches et une manière de lier ses deux domaines de prédilection : l’informatique et le cinéma.
Nathalie Marcault
Photo : Stéphane Donikian, le pdg de Golaem.
Photo C. Lebedinsky