L’année 2020 nous a bien eu, tel un jour sans fin.
Et pourtant, de cette période morose où le temps suspendu fragilise encore les uns et les autres, des productions ont malgré tout tiré leur épingle du jeu et montré une fois encore la richesse de la création en Bretagne.
Fin 2020, Films en Bretagne consulte les professionnel·les du secteur, dont les membres des Collèges des Producteur·trices et Auteur·trices/Réalisateur·trices, pour dresser un état des lieux des films sélectionnés et/ou ayant remporté des prix dans l’année. Les 28 films, 34 réalisateurs·trices et 11 sociétés de production basées en Bretagne cités et associés à ces mises en lumière festivalières reflètent la diversité des formes mais aussi la diversité des auteur·trices, des producteur·trices et des partenaires financiers. Ceci malgré une « année blanche », marquée par l’arrêt de la production.
Petit tour de France des principaux partenaires institutionnels et financiers
Le CNC soutient 25 de ces films, la Région Bretagne, 24. Le Conseil départemental des Côtes d’Armor soutient, quant à lui, 3 films. 8 films sont coproduits avec des sociétés de production basées en France et 18 films bénéficient de coproductions européennes et internationales. Parmi les diffuseurs TV, notons essentiellement la participation des chaînes locales de Bretagne, TébéO, TébéSud & TVR (7 films), France 3 Bretagne, France Télévisions et ARTE (5 films chacun). Certains films doivent solliciter d’autres Régions ou chaînes de TV locales hors Bretagne pour compléter leurs financements. Des Régions soutiennent une partie de ces films, en complément de la Région Bretagne ou en toute autonomie : Pays de la Loire et Grand-est (2 films chacun), Bourgogne Franche-Comté, Ciclic Région Centre Val de Loire, Haut de France, Normandie et Rhône-Alpes (1 film chacune). Difficile, souvent, de rentrer dans les « cases » attendues des chaînes TV ou des commissions de financement… C’est le cas par exemple de Waiting for Gaza, de Guillaume Kozakiewiez, pour lequel Les 48° Rugissants (Brest) s’est associé à Ana Films (Strasbourg) : le film, en co-production avec Vià Vosges, est soutenu par la Région Grand Est et l’Eurométropole de Strasbourg.
Parmi les 28 films sélectionnés, 14 sont primés
À perte de vue multiplie, doucement mais sûrement, les sélections. Le court-métrage d’animation Têtard (2019) de Jean-Claude Rozec, continue son parcours en festivals et les récompenses. Eva voudrait, de Lisa Diaz, moyen-métrage de fiction, reçoit le Prix du Public du Festival Côté Court de Pantin. Color-Blind, de Ben Russel, court-métrage documentaire tourné en Polynésie française et en Bretagne et coproduit avec CasKFilms Berlin, La Bête et TVR, TébéO et TébéSud, traverse de nombreux pays : Australie, Brésil, Équateur, Chili, États-Unis, Chine, Japon, Suisse, Autriche, Lituanie… En 2020, les films produits ou coproduits en Bretagne voyagent bien plus que nous tous réunis.
Des festivals font le choix – sous contraintes – de montrer les films de leurs programmations en streaming. En dehors de ces opportunités, comment les films trouvent-ils leurs spectateurs et leur place en salles, lorsque celles-ci ne sont pas accessibles ou que les créneaux de diffusion se réduisent ? Le long-métrage de fiction L’Oiseau de paradis (2019) de Paul Manaté (coproduction À perte de vue / Local film / Anaphi Studio) sort sur des plateformes VOD fin mai, avant une sortie nationale au mois de juillet. UFO distribution l’avait préacheté.
2020 commence très bien pour Vivement Lundi ! Mémorable de Bruno Collet est nominé aux Oscars dans la catégorie « court-métrage d’animation » tandis que Ce magnifique gâteau ! d’Emma de Swaef et Marc James Roels, coproduit avec Beast Animation et Pedri Animation, est sélectionné aux César.
La société de production rennaise est à nouveau sous les feux des projecteurs au printemps : Flee (Fuir), long-métrage documentaire d’animation de Jonas Poher Rasmussen, coproduit avec Final Cut For Real, Sun Creature et ARTE France, est dans la Sélection Officielle du festival de Cannes 2020. Le film fera également l’ouverture de la compétition World Documentary du Festival du film de Sundance en janvier 2021…
Festival dont le long-métrage de fiction Yalda, la nuit du pardon de Massoud Bakhshi, produit par Tita B Productions, JBA Productions, Niko Films, Close Up Films, Amour Fou Luxembourg, Shortcut Films, Ali Mosaffa Productions, et soutenu par Le Groupe Ouest et le Breizh Film Fund, ouvre la porte à la production bretonne, en recevant le Grand Prix du festival de Sundance 2020. Un beau cadeau d’anniversaire pour les 5 ans de cette boîte de production.
D’autres sociétés de production cumulent sélections, récompenses et diffusions TV et salles.
JPL Films coproduit avec Papy 3D deux court-métrages d’animation qui, parallèlement à leurs longues vies en festivals, bénéficient d’une large diffusion : Raymonde ou l’évasion verticale (2018) de Sarah Van Den Boom, est diffusé à l’échelle européenne sur France 3, Movistar+ Espagne, TVC2 Portugal, RTS Suisse, Canal + / Ale Kino Pologne.
Sororelle (2019) de Frédéric Even et Louise Mercadier, est diffusé sur ARTE et présélectionné aux César du court métrage d’animation 2021 et aux Oscars 2021 dans la catégorie Best Animation Short Films !
Un cœur d’or de Simon Fillot (2020), intégralement produit par JPL Films, est diffusé sur ARTE et enchaîne les sélections et prix en festival aux quatre coins du monde.
Ces trois films sont soutenus par le réseau Bretagne Tout Court de Cinéphare et l’Agence du court-métrage.
Le documentaire Vincent et les autres, de Philippe Lucas, produit par Aligal Production et développé dans le cadre du Groupe Ouest, profite également du même soutien à la diffusion en salle.
Parmi les prix reçus, deux films bretons produits par Les Films de la pluie sont distingués par la Scam : Nofinofy, de Michaël Andrianaly (coproduit avec Imasoa Film), reçoit une Étoile de la Scam, tandis que L’Esprit des Lieux (2019) de Stéphane Manchematin et Serge Steyer (coproduit avec Ana Films), déjà lauréat d’une Étoile de la Scam l’année précédente, reçoit le Prix audiovisuel de la Scam 2020. Michaël Andrianaly avait auparavant reçu la bourse Brouillon d’un rêve de la Scam pour son projet de film, tout comme Mirabelle Fréville pour La Bobine 11004, coproduit par Les 48° Rugissants et En Roue libre (Belgique).
Notons également le Prix Circom du Meilleur Film Documentaire (prix de l’association européenne des télévisions régionales) pour Tuer le Silence de Richard Bois (produit Ruwenzori).
Gender Equality ?
Très peu de femmes citées ici, et pour cause : elles représentent 26,5 % des réalisateur·trices concernées par le résultat de cette enquête. Outre les noms déjà donnés, on trouve également Laria Reggiani (L’Autonomie en herbe, documentaire, Candela Productions), Marie Le Floc’h (Je serai parmi les amandiers) et Célia Bchir (Saison Calme) produites par Les Films Grand huit, Risla Samanga (La Révolte des pêcheurs de sable, documentaire, Spirale production), Emma de Swaef, coréalisatrice avec Marc James Roels de Ce magnifique gâteau! (fiction animation, Vivement Lundi !). Cette donnée ne reflète pas la totalité de la production en Bretagne mais relance la question de la place des femmes dans le cinéma, en tant qu’autrices-réalisatrices notamment.
Des réformes règlementaires du FACCA (Fonds d’aide à la création cinématographique et audiovisuelle de la Région Bretagne) sont en cours pour 2021. Parmi les questions à l’étude, l’égalité des genres… Invités récemment par la Région à valider les propositions de réglementation – sur un laps de temps très court, hélas – les membres du Collège des Auteur·trices et du Collège des Producteur·trices de Films en Bretagne veillent, par le biais de leurs représentant·es, à faire entendre les voix des professionnel·les concerné·es. L’un des autres points sensibles concerne le niveau des dépenses territoriales des court-métrages.
Dans un contexte toujours « suspendu », deux nouvelles qui rassurent néanmoins : Loig Chesnais-Girard, Président de la Région Bretagne, et Jean-Michel Le Boulanger, Vice-Président, élu à la Culture, ont annoncé une augmentation de 2 millions d’euros du budget Culture 2021 ; concernant spécifiquement le cinéma et l’audiovisuel, la Région continuera son effort d’investissement en faveur de la création et de la filière en confirmant l’augmentation du budget du FACCA annoncée, et ce, malgré le refus d’abondement par le CNC (l’augmentation sera néanmoins « amputée » de la part CNC).
2020, année paradoxale
Des projets singuliers portés par les uns et les autres – en premier par leurs auteurs – des productions et coproductions encourageantes, de nombreuses sélections et récompenses, une visibilité internationale impressionnante. Tout cela malgré une sensation d’immobilisme et d’arrêt du temps, et l’affaiblissement économique d’un secteur déjà fragile. Un soutien accru des professionnel·les du cinéma et de l’audiovisuel est nécessaire, tandis que les modalités de financement des projets de films restent à améliorer. Un soutien affirmé de la Région est clairement attendu pour accompagner plus sereinement les auteurs et les producteurs dans les projets de films.
2021 commence plutôt bien – au niveau de la reconnaissance des œuvres accomplies pour le moins – avec cinq films pré-sélectionnés dans la catégorie « Court-métrage » et une comédienne dans la catégorie « Révélation féminine » aux César. Du côté des longs métrages, la Bretagne est également en bonne place aux César, avec Yalda, la nuit du pardon de Massoud Bakhshi coproduit par Tita B et L’oiseau de Paradis de Paul MANATE coproduit par À perte de vue. Mais ceci est une autre histoire…
Laissons la place à 2021, en la souhaitant plus cohérente dans la forme et dans le fond que l’année que vient de s’achever.
Marion Geerebaert
